L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat
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Nairobi<br />
A Nairobi, l’étalement urbain va <strong>de</strong> pair avec la détérioration<br />
accélérée <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie qui affecte tout particulièrement les<br />
catégories les plus pauvres et leur capacité à satisfaire leurs besoins<br />
élémentaires. Les plus touchés sont le logement, l’adduction<br />
d’eau, les égouts et les transports. L’accès aux services sociaux et<br />
aux infrastructures est fonction du revenu plus que <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité<br />
démographique (même s’il existe une corrélation manifeste entre<br />
revenu et <strong>de</strong>nsité rési<strong>de</strong>ntielle), avec <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> service<br />
optimales dans les quartiers aisés et quasiment nulles dans les zones<br />
à forte <strong>de</strong>nsité et faibles revenus. La ségrégation <strong>de</strong>s ethnies à travers<br />
le territoire <strong>de</strong> la ville à l’ère coloniale s’est traduite par la tripartition<br />
<strong>de</strong> Nairobi, la plupart <strong>de</strong>s Occi<strong>de</strong>ntaux résidant dans les quartiers<br />
onéreux <strong>de</strong> l’ouest et du nord-ouest et les Asiatiques au nord-est, les<br />
Africains se concentrant à l’est et au sud. Depuis l’indépendance,<br />
cette ségrégation rési<strong>de</strong>ntielle a été adoucie du fait que désormais<br />
c’est le revenu, plus que l’ethnie, qui constitue le critère implicite <strong>de</strong><br />
répartition. Néanmoins, la partition ethnique n’a pas entièrement<br />
disparu et les lignes <strong>de</strong> partage sont encore bien tangibles.<br />
Il faudrait à Nairobi tous les ans 150 000 unités d’habitat<br />
supplémentaires, mais il n’en est construit que 30 000 dans le<br />
meilleur <strong>de</strong>s cas. Cela permet à la plupart <strong>de</strong>s observateurs <strong>de</strong><br />
conclure que les taudis et les établissements informels accueillent<br />
plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong> la population sans plan d’urbanisme, dans<br />
<strong>de</strong>s conditions surpeuplées et dépourvues d’équipements collectifs<br />
élémentaires. Toutefois, le recensement <strong>de</strong> 2009 semble indiquer que<br />
la population <strong>de</strong>s taudis <strong>de</strong> Nairobi ne serait “que” <strong>de</strong> 1 045 058<br />
âmes, soit 33,7 pour cent d’un total <strong>de</strong> 3,1 millions. De la même<br />
façon, les chiffres officiels semblent mettre à mal l’idée reçue selon<br />
laquelle Kibera dans son ensemble totalise entre 500 000 et un<br />
million d’habitants. Le recensement, pour sa part, semble aboutir à<br />
un chiffre d’un peu moins <strong>de</strong> 400 000.<br />
Les données démographiques concernant les différentes<br />
composantes <strong>de</strong> Kibera restent toutefois variables en fonction <strong>de</strong><br />
la source. Celles qui apparaissent dans les recensements <strong>de</strong> 1999 et<br />
2009 semblent indiquer une baisse <strong>de</strong> 14 pour cent entre ces <strong>de</strong>ux<br />
dates, soit <strong>de</strong> 450 000 à 384 000 habitants. Cela contraste nettement<br />
avec les listes électorales <strong>de</strong>s scrutins <strong>de</strong> 2005 et 2010, qui pour cette<br />
<strong>de</strong>mi-décennie montrent une augmentation <strong>de</strong> 23 pour cent (après<br />
inclusion <strong>de</strong>s moins <strong>de</strong> 18 ans qui n’ont pas le droit <strong>de</strong> vote). Il faut<br />
noter en outre que par définition, les listes électorales n’incluent pas<br />
les 35 pour cent (estimation) <strong>de</strong> la population totale <strong>de</strong> Kibera qui<br />
ne s’y est pas inscrite, quelle qu’en soit la raison.<br />
Toutefois, la pru<strong>de</strong>nce s’impose lorsqu’il s’agit d’interpréter les<br />
statistiques relatives aux taudis telles qu’elles sont tirées <strong>de</strong>s résultats<br />
du recensement. Pour commencer, le recensement ne visait pas<br />
précisément les taudis et ne cherchait pas, par exemple, à évaluer<br />
l’insécurité <strong>de</strong> la tenure. La définition internationale <strong>de</strong>s taudis<br />
repose sur cinq caractéristiques (mauvais accès à l’eau salubre, à<br />
l’assainissement et autres infrastructures; faible qualité structurelle<br />
du logement ; surpeuplement ; et mauvaise sécurité du statut<br />
rési<strong>de</strong>ntiel), les données du recensement ne sauraient donner <strong>de</strong><br />
chiffres précis sur le nombre d’habitants <strong>de</strong>s taudis. Ensuite, les<br />
allégations récemment reprises dans la presse kenyane selon lesquelles<br />
le nombre total <strong>de</strong> la population <strong>de</strong>s taudis <strong>de</strong> Nairobi ne serait<br />
qu’une fraction <strong>de</strong>s estimations antérieures semblent reposer sur une<br />
interprétation sélective <strong>de</strong> données ne concernant que les zones <strong>de</strong><br />
taudis les plus importantes (Kibera, Embakasi, Mathare, Korogocho,<br />
Viwandani et Kahawa). Enfin, il faudrait aussi bien comprendre que<br />
dans toute l’Afrique, les habitants <strong>de</strong>s taudis se trouvent <strong>de</strong> plus en<br />
plus au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la périphérie municipale, comme c’est le cas dans<br />
les gran<strong>de</strong>s régions métropolitaines. Alors que Nairobi prend une<br />
échelle <strong>de</strong> “ville région”, cette notion plus large <strong>de</strong>vrait s’appliquer à<br />
tout dénombrement <strong>de</strong> la population <strong>de</strong>s taudis.<br />
De fait, les possibilités d’aménagement rési<strong>de</strong>ntiel en bonne et<br />
due forme pour les catégories à bas revenus <strong>de</strong> Nairobi sont souvent<br />
envisagées dans la périphérie <strong>de</strong> la ville, ou dans <strong>de</strong>s zones comme<br />
Athi River et Mavoko, quelque 25 km plus loin. Dans ces endroits,<br />
les pauvres doivent faire face à <strong>de</strong>s coûts non-négligeables, en temps<br />
comme en argent, lorsqu’ils vont travailler dans la capitale. Ce dont on<br />
ne se rend pas toujours compte, c’est que ces nouveaux emplacements<br />
éloignés sont en passe <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s établissements<br />
urbains ayant leur propre dynamique, se trouvant à l’écart du cœur<br />
surpeuplé <strong>de</strong> la métropole sans pour autant en être trop éloignés. Les<br />
responsables kenyans reconnaissent que la fourniture <strong>de</strong> terrains aux<br />
pauvres est, en <strong>de</strong>rnier ressort, une question politique répondant à<br />
<strong>de</strong>s considérations <strong>de</strong> justice distributive et <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> subsistance<br />
durables. Toutefois, aucune ville n’a été bâtie en un jour (à l’exception<br />
<strong>de</strong>s “villes” temporaires mises sur pied d’urgence pour les réfugiés).<br />
Vu le coût assez abordable du foncier dans la périphérie urbaine et en<br />
attendant que les villes satellites <strong>de</strong> Nairobi accueillent <strong>de</strong>s économies<br />
urbaines viables et dynamiques, la fourniture d’habitat bon marché<br />
à une certaine distance <strong>de</strong> la métropole est préférable dans le long<br />
terme, en dépit <strong>de</strong>s inconvénients à court terme.<br />
Kigali 12<br />
Nombreux sont les ménages qui ont été déplacés à travers le<br />
Rwanda lors du conflit <strong>de</strong> 1994. La plupart ont vu leurs biens<br />
détruits et se sont retrouvés littéralement démunis <strong>de</strong> tout une fois<br />
trouvé refuge dans les pays voisins. La stabilisation politique les a fait<br />
revenir par centaines <strong>de</strong> milliers, faisant passer le taux d’urbanisation<br />
<strong>de</strong> six pour cent en 1991 à 17 pour cent en 2002. La plupart <strong>de</strong>s<br />
rapatriés se sont trouvés en conflit direct avec le gouvernement et<br />
la municipalité <strong>de</strong> Kigali au sujet <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> la tenure. Au<br />
Rwanda, la terre est la propriété exclusive <strong>de</strong> l’Etat, la trace <strong>de</strong>s droits<br />
individuels ayant été perdue du fait <strong>de</strong> la perte <strong>de</strong>s registres lors du<br />
génoci<strong>de</strong>. Aujourd’hui, les terrains loués à bail à l’Etat doivent être<br />
aménagés dans un délai <strong>de</strong> cinq ans et sont soumis au paiement <strong>de</strong><br />
divers droits. Les autorités se sont aussi mises à allouer <strong>de</strong>s terrains<br />
à <strong>de</strong>s sociétés privées afin d’améliorer leurs rentrées d’argent. Tout<br />
cela soulève bien <strong>de</strong>s questions et ne reste pas sans effet sur le<br />
système urbain. Tout d’abord, ces sociétés privées n’ont pas toujours<br />
les moyens <strong>de</strong> s’acquitter <strong>de</strong>s droits ou <strong>de</strong> construire aux normes<br />
convenues dans un délai <strong>de</strong> cinq ans, <strong>de</strong> sorte que bon nombre<br />
reven<strong>de</strong>nt le terrain avant cette échéance et à la place en occupent<br />
un autre. De plus, la concurrence au sein même du secteur privé<br />
a provoqué <strong>de</strong>s déplacements massifs, <strong>de</strong>s institutions tant privées<br />
que publiques procédant à <strong>de</strong>s expulsions forcées. Les litiges dont est<br />
saisi le médiateur au Rwanda portent jusqu’à 96 pour cent sur <strong>de</strong>s<br />
problèmes fonciers. La conséquence <strong>de</strong> ces tensions sur le marché<br />
foncier officiel n’est autre que la prolifération <strong>de</strong>s établissements<br />
informels ou <strong>de</strong> terrains peu viabilisés.<br />
Administration et Gestion Foncières Urbaines:<br />
Les Inconvénients du Système Conventionnel<br />
Dans les villes d’Afrique <strong>de</strong> l’Est, le bon fonctionnement <strong>de</strong>s<br />
marchés fonciers tant officiels qu’informels se heurte à toute une série<br />
d’obstacles juridiques et administratifs. Pour commencer par le plus<br />
important, l’information relative aux marchés est déplorablement<br />
rare. Cela reflète le fait qu’une petite partie seulement <strong>de</strong>s transactions<br />
se font sous forme écrite et sont soumises à l’enregistrement. De<br />
L’éTAT <strong>de</strong>s <strong>VILLes</strong> d’AFrIQUe <strong>de</strong> L’esT<br />
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