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L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat

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cHAPITre QUATre<br />

134<br />

ENCAdRé 4.4: MoGadiscio: Quand l’urbanisMe est laisse a la loi <strong>de</strong>s clans<br />

s<br />

Le Benadir (Mogadiscio), bâtiment du gouvernement régional. ©abdul Qadir omar<br />

La ville <strong>de</strong> Mogadiscio a été fondée autour du 10e siècle et comme bien d’autres en Afrique <strong>de</strong> l’Est<br />

doit sa prospérité à son rôle <strong>de</strong> port commercial.<br />

Après que les Italiens se soient emparés <strong>de</strong> la<br />

Somalie en 1889, Mogadiscio en est <strong>de</strong>venue<br />

la capitale politique et son territoire comme sa<br />

population ont commencé à se développer sans<br />

que rien puisse les en empêcher. Cette tendance<br />

s’est maintenue, y compris après l’indépendance<br />

en 1960 lorsqu’en l’absence complète <strong>de</strong> politiques<br />

d’aménagement du territoire, la zone urbaine est<br />

passée <strong>de</strong> 1 500 à 8 000 ha entre 1970 et 1984, et<br />

la population <strong>de</strong> 272 000 à 1,5 million (estimation)<br />

entre 1970 et 2010.<br />

Le manque <strong>de</strong> politiques d’utilisation <strong>de</strong>s sols, <strong>de</strong><br />

l’urbanisme ou <strong>de</strong> règles d’aménagement s’est allié<br />

à prolifération <strong>de</strong> zones <strong>de</strong> peuplement spontané,<br />

les nouveaux arrivants à bas revenus étant poussés<br />

là par les famines chroniques en campagne et les<br />

tensions politiques. <strong>de</strong>s zones déjà surpeuplées<br />

ont ainsi accueilli <strong>de</strong>s abris <strong>de</strong> fortune sur le<br />

moindre espace libre, se transformant en quartiers<br />

chaotiques et à forte <strong>de</strong>nsité mais dénués <strong>de</strong> tout<br />

équipement collectif.<br />

Après le coup d’Etat militaire <strong>de</strong> 1969, le prési<strong>de</strong>nt<br />

Syad Barré a voulu s’attaquer au problème, et<br />

notamment par la restructuration du territoire<br />

urbain. Mais rien n’a pu s’opposer à la dégradation<br />

<strong>de</strong>s conditions, les famines et l’insécurité<br />

au Puntland et au Somaliland provoquant un<br />

exo<strong>de</strong> rural toujours plus fourni en direction<br />

<strong>de</strong> Mogadiscio à partir du milieu <strong>de</strong>s années 1980.<br />

Comme ils venaient <strong>de</strong> régions où la violence est<br />

considérée comme normale, les nouveaux arrivants<br />

sont passés pour dangereux et indésirables.<br />

Armée, para-militaires et milices ont multiplié les<br />

interventions brutales dans les quartiers informels.<br />

<strong>de</strong> fait, dans le courant <strong>de</strong>s années 1980, <strong>de</strong><br />

nombreux conflits à Mogadiscio ont été liés aux<br />

mutations du tissu urbain.<br />

C’est dans la capitale qu’a commencé, en décembre<br />

1990, la guerre civile qui <strong>de</strong>vait déboucher sur le<br />

Source: Roland Marchal, A Survey of Mogadiscio’s Economy. Nairobi: EU Somali Unit, 2002<br />

renversement <strong>de</strong> Syad Barré en 1991. Sa succession<br />

a <strong>de</strong> nouveau plongé la Somalie dans une grave crise<br />

civile, les guerres entre clans ajoutant à l’anarchie.<br />

La population <strong>de</strong> Mogadiscio semble toutefois y<br />

être restée largement insensible, car il y régnait<br />

déjà <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années une atmosphère <strong>de</strong> guerre,<br />

avec les flux massifs <strong>de</strong> populations, la violence et<br />

l’effondrement <strong>de</strong> l’économie organisée que cela<br />

avait comporté. Ce qu’il restait comme services et<br />

équipements collectifs dans la capitale allait bientôt<br />

s’effondrer à son tour, les organismes parapublics<br />

qui en avaient la responsabilité détournant l’ai<strong>de</strong><br />

extérieure au profit <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> sécurité ou <strong>de</strong><br />

responsables publics. Bien avant 1990, l’électricité<br />

était déjà <strong>de</strong>venue un luxe et l’activité économique<br />

subsistant à Mogadiscio était, au mieux, <strong>de</strong> nature<br />

informelle.<br />

La guerre civile a profondément affecté<br />

l’environnement urbain et la démographie <strong>de</strong><br />

Mogadiscio. En 1991, la plupart <strong>de</strong>s daaroud, un<br />

clan du Nord du pays, ont été soit tués soit expulsés<br />

<strong>de</strong> la ville, comme l’ont été aussi <strong>de</strong> nombreux<br />

Gibil Cad d’origine arabe. dans le même temps,<br />

d’autres clans sont arrivés dans une capitale où ils<br />

croyaient que “les conditions <strong>de</strong> vie et l’accès aux<br />

ressources étaient faciles et sans coût.” La reprise<br />

<strong>de</strong> la croissance et la remise en état <strong>de</strong> certains<br />

quartiers en 1998 ont restauré la confiance parmi<br />

la population. Nombreux sont les nouveaux arrivants<br />

issus <strong>de</strong>s classes moyennes qui ont investi dans le<br />

logement et <strong>de</strong> nouvelles activités économiques,<br />

alors même que le réarmement était revenu à <strong>de</strong>s<br />

niveaux alarmants.<br />

Plusieurs décennies <strong>de</strong> conflit à Mogadiscio ont<br />

très largement remo<strong>de</strong>lé l’espace urbain, suscitant<br />

<strong>de</strong>s cloisonnements à la fois sociaux et territoriaux<br />

qui restent encore très présents aujourd’hui. Le<br />

principal <strong>de</strong> ces bouleversements pourrait bien être<br />

le classement <strong>de</strong>s quartiers par affiliation clanique,<br />

<strong>de</strong> nombreuses zones étant dominées par un seul<br />

clan ou cloisonnées entre divers clans dominants.<br />

L’organisation actuelle <strong>de</strong> la capitale somalienne<br />

reflète bien l’impasse politique qui caractérise<br />

le pays: (a) Mogadiscio nord, d’une superficie<br />

relativement réduite mais avec <strong>de</strong> fortes <strong>de</strong>nsités<br />

démographiques, et où la présence <strong>de</strong> la mission<br />

<strong>de</strong>s Nations Unies et <strong>de</strong>s tribunaux islamiques<br />

crée <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> sécurité telles que <strong>de</strong><br />

nouveaux logements y ont été construits; (b)<br />

Mogadiscio sud, en fait le reste <strong>de</strong> la ville, avec<br />

un mélange <strong>de</strong> clans dans les zones qui ont<br />

presque pu échapper à la <strong>de</strong>struction, et où se<br />

trouve le centre <strong>de</strong> l’activité économique : le port<br />

international et l’aéroport; et (c) Medina, dont<br />

l’importance démographique et économique est<br />

négligeable. Pendant <strong>de</strong>s années, la scission entre<br />

nord et sud aura été une réalité douloureuse, mais<br />

elle commence désormais à s’estomper.<br />

Certains quartiers semblent avoir été victimes<br />

d’une bombe atomique, les structures<br />

municipales et autres autorités publiques<br />

manquent <strong>de</strong>puis bien <strong>de</strong>s années et les débris<br />

s’entassent <strong>de</strong>puis quelque 20 ans dans les rues,<br />

et pourtant au milieu <strong>de</strong> tous ces ravages la ville<br />

continue, grâce à un certain instinct <strong>de</strong> résistance<br />

et à <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> nature purement informelle.<br />

En dépit <strong>de</strong> tout, Mogadiscio est restée reliée<br />

au reste du mon<strong>de</strong> par <strong>de</strong>s vols commerciaux<br />

réguliers. Suite à l’effondrement complet du<br />

secteur public, les services ordinaires – eau,<br />

électricité, télécommunications et banques –<br />

ont été entièrement repris par un secteur privé<br />

au dynamisme surprenant qui a aussi fait <strong>de</strong>s<br />

incursions dans les domaines <strong>de</strong> la santé et <strong>de</strong><br />

l’instruction. Les services d’encaissement <strong>de</strong>s<br />

transferts d’émigrés font aussi office d’institutions<br />

financières et, pour les plus fortunés, ont trouve<br />

presque tout sur les marchés locaux, <strong>de</strong>s<br />

passeports aux paires <strong>de</strong> lunettes <strong>de</strong> soleil à la<br />

mo<strong>de</strong>, ainsi que <strong>de</strong>s marchandises plus mortelles<br />

comme <strong>de</strong>s canons anti-aériens, <strong>de</strong>s munitions et<br />

<strong>de</strong> la cocaïne.<br />

CARTE 4.2: MoGadiscio toWn<br />

N<br />

Wadajir/<br />

Medina<br />

Quartier<br />

Du Sud<br />

Du Nord<br />

Source: Data and Information Management Unit, <strong>UN</strong>DP<br />

Somalie.<br />

0 2 Kms

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