22.06.2013 Views

L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat

L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat

L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

cHAPITre cINQ<br />

180<br />

Economie Politique <strong>de</strong>s Marchés Fonciers<br />

Urbains<br />

L’occupation foncière est une relation sociale d’appropriation et<br />

d’exclusion. La terre représente la puissance sur le plan politique,<br />

social et économique. Dans tous les pays <strong>de</strong> la sous-région, la<br />

législation foncière est basée sur le principe <strong>de</strong> domanialité, qui<br />

reconnaît au gouvernement le monopole exclusif sur tout terrain sans<br />

propriétaire et non titré. Ce principe est un héritage <strong>de</strong>s systèmes<br />

coloniaux français et portugais et <strong>de</strong> nos jours, les gouvernements<br />

qui ont pris la relève après les indépendances, les maintiennent<br />

au nom <strong>de</strong> l’unité nationale et du développement économique. Il<br />

constitue le cadre d’attribution <strong>de</strong>s terrains relevant du domaine <strong>de</strong><br />

l’Etat et d’accès à la propriété foncière. Dans la pratique, le principe<br />

<strong>de</strong> domanialité varie en fonction <strong>de</strong>s pays. Il peut, par exemple,<br />

reconnaître ou ne pas reconnaître les droits coutumiers – le principe<br />

<strong>de</strong> base <strong>de</strong>meure le même : il classe dans le domaine <strong>de</strong> l’Etat, toute<br />

propriété domaniale non couverte par un titre foncier.<br />

Ce système confère à l’administration publique un pouvoir<br />

discrétionnaire en matière d’attribution <strong>de</strong> terrains, reconnaît les<br />

droits coutumiers et officialise les occupations informelles <strong>de</strong> terrains<br />

selon les termes et conditions définis par la loi. S’agissant du principe<br />

<strong>de</strong> la domanialité, la prérogative <strong>de</strong> l’Etat défère aux agents <strong>de</strong> la<br />

fonction publique une position <strong>de</strong> pouvoir, à partir du moment<br />

où ils ont la possibilité d’attribuer arbitrairement (moyennant<br />

une somme modique) <strong>de</strong>s droits fonciers qui peuvent, par la<br />

suite, être transférés aux prix du marché. Dans beaucoup <strong>de</strong> pays<br />

d’Afrique centrale où les pratiques démocratiques et les procédures<br />

transparentes <strong>de</strong> gestion foncière ne sont pas <strong>de</strong>s pratiques courantes,<br />

cet usage est profondément enraciné dans les services chargés <strong>de</strong><br />

l’administration foncière et a pour vocation <strong>de</strong> favoriser les protégés<br />

du gouvernement. Ce procédé ne sert pas seulement <strong>de</strong> levain à la<br />

corruption, mais alimente également les rivalités entre les différents<br />

organismes <strong>de</strong> l’administration publique chargé <strong>de</strong> la gestion et <strong>de</strong><br />

l’administration foncières. Cette situation constitue un puissant<br />

obstacle à la décentralisation <strong>de</strong> la gouvernance foncière, en raison<br />

du fait que le transfert <strong>de</strong>s prérogatives domaniales aux collectivités<br />

locales prive les services d’administration foncière relevant du<br />

gouvernement central <strong>de</strong>s ressources censées leur revenir et <strong>de</strong> leur<br />

pouvoir d’intervention (CNUEH, 1999).<br />

‘La légalité contre.la légitimité coutumière’ constitue un autre<br />

aspect du conflit qui prévaut entre les institutions statutaires et<br />

les institutions non statutaires. C’est la raison pour laquelle, en<br />

Afrique centrale, les gouvernements font montre <strong>de</strong> réticence pour<br />

reconnaître officiellement les droits coutumiers. Lorsque ces droits<br />

sont reconnus, à l’instar du Cameroun, les transferts <strong>de</strong>s terrains<br />

coutumiers ne sont pas autorisés, ou bien sont strictement limités. En<br />

Angola, les droits d’utilisateurs conférés par les autorités coutumières<br />

sont reconnus ; c’est la seule et pratiquement l’unique exception dans<br />

la sous-région, même si l’avènement <strong>de</strong>s marchés fonciers coutumiers<br />

est appelé à priver les institutions foncières gouvernementales <strong>de</strong> leur<br />

monopole <strong>de</strong> fait sur les terres. Paradoxalement, il s’avère pourtant<br />

que la légitimité <strong>de</strong>s institutions coutumières n’est pas remise en<br />

question. Leur rôle en matière <strong>de</strong> contrôle social est reconnu, ainsi<br />

que leur contribution fondamentale à la fourniture <strong>de</strong>s terrains<br />

disponibles pour le logement. C’est tout simplement en tant<br />

qu’entités juridiques qu’elles ne sont pas reconnues, ce qui revient<br />

à dire qu’elles n’ont pas la possibilité <strong>de</strong> produire tous les avantages<br />

découlant <strong>de</strong>s transactions foncières sur les propriétés qu’elles<br />

administrent, à partir où la livraison d’une propriété foncière reste<br />

une prérogative gouvernementale.<br />

Aucun pays d’Afrique centrale n’a lancé <strong>de</strong> programme<br />

d’officialisation ni <strong>de</strong> régularisation <strong>de</strong> jouissance foncière, même<br />

lorsqu’ils sont dotés d’instruments juridiques, à l’instar du Cameroun<br />

et <strong>de</strong> l’Angola. L’absence <strong>de</strong> régularisation <strong>de</strong> l’occupation foncière est<br />

toujours justifiée par <strong>de</strong>s arguments techniques, tels que le manque<br />

<strong>de</strong> capacités d’administration ou le statut illégal <strong>de</strong>s agglomérations,<br />

une situation qui laisse prévoir les tentatives <strong>de</strong>s groupes d’intérêt au<br />

sein <strong>de</strong>s appareils d’Etat dont le jeu consiste à maintenir la pénurie<br />

<strong>de</strong> terrains sur les marchés fonciers, aussi longtemps que l’acquisition<br />

illégale mais tolérée <strong>de</strong>s terrains à travers la filière informelle<br />

coutumière joue le rôle <strong>de</strong> ‘soupape <strong>de</strong> sécurité’ pour combler la<br />

pénurie <strong>de</strong> logement disponible en milieu urbain.<br />

La Terre Comme Source <strong>de</strong> Recettes<br />

Municipales<br />

A Libreville, Luanda et Malabo, les autorités publiques ont, par le<br />

passé, eu recours à une variété d’instruments (y compris les contrats<br />

<strong>de</strong> location et <strong>de</strong> vente pure et simple) pour saisir l’augmentation<br />

rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong>s terrains et utiliser les recettes pour investir<br />

dans les infrastructures. La maîtrise <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> la terre est en effet<br />

l’une <strong>de</strong>s meilleures modalités <strong>de</strong> récupération <strong>de</strong> plusieurs coûts <strong>de</strong>s<br />

infrastructures urbaines. Mais en ce moment où les villes d’Afrique<br />

centrale sont confrontées à une rapi<strong>de</strong> escala<strong>de</strong> <strong>de</strong> prix <strong>de</strong>s terrains<br />

urbains, les ventes <strong>de</strong>s terrains relevant du domaine <strong>de</strong> l’Etat par<br />

les autorités locales et municipales sont <strong>de</strong> plus en pus entachées<br />

d’un manque <strong>de</strong> transparence, <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> décisions secrètes et<br />

<strong>de</strong> corruption. Lorsque la gouvernance est faible et hautement<br />

corrompue, les propriétés foncières urbaines appartenant à l’Etat<br />

sont confisquées par les politiciens ou les officiers supérieurs <strong>de</strong><br />

l’armée et vendues aux entreprises locales ou illégalement transférées<br />

aux acquéreurs étrangers.<br />

Partout dans toute la sous-région, <strong>de</strong>s protestations locales<br />

contre l’achat <strong>de</strong> terres publiques par les entreprises <strong>de</strong> l’Extrême-<br />

Orient, les Etats du Golfe ou les multinationales occi<strong>de</strong>ntales se<br />

font <strong>de</strong> plus en plus entendre en hausse. A moins <strong>de</strong> freiner les<br />

ventes illégales <strong>de</strong> cette ressource municipale non renouvelable,<br />

le résultat sera certainement les expulsions massives <strong>de</strong> plus<br />

en plus fréquentes <strong>de</strong>s citadins pauvres et à revenu moyen et<br />

inférieur, ainsi que la perte d’importantes sources <strong>de</strong> financement<br />

appartenant aux municipalités elles-mêmes. La réalité, cependant,<br />

est que <strong>de</strong> nombreux pays ou <strong>de</strong>s villes d’Afrique centrale n’ont<br />

pas <strong>de</strong> mécanismes juridiques ou administratifs adéquats visant<br />

à protéger les terres publiques. Les services <strong>de</strong> recouvrement<br />

<strong>de</strong>s recettes manquent souvent <strong>de</strong> personnels, ce qui les rend<br />

inefficaces, en même temps que d’importants montants <strong>de</strong> recettes<br />

perçues n’atteignent jamais les comptes <strong>de</strong>s collectivités locales.<br />

C’est dans ce contexte que <strong>de</strong>s terrains urbains ont cessé <strong>de</strong> servir<br />

<strong>de</strong> principale source <strong>de</strong> recettes municipales dans <strong>de</strong> nombreuses<br />

villes d’Afrique centrale. A Bangui, Brazzaville, Kinshasa et<br />

Yaoundé, les ventes <strong>de</strong> terrains ont pratiquement cessé <strong>de</strong> financer<br />

les infrastructures urbaines, ou même <strong>de</strong> renforcer les recettes<br />

publiques. La corruption est <strong>de</strong>venue si banale qu’elle entrave<br />

désormais les processus <strong>de</strong> développement urbain. Il faudrait, <strong>de</strong><br />

toute urgence, ouvrir un débat sur l’utilisation <strong>de</strong>s revenus fonciers,<br />

l’administration <strong>de</strong>s terres et la gestion <strong>de</strong>s terres en vue d’explorer<br />

les solutions alternatives viables, et <strong>de</strong> permettre à l’espace urbain<br />

<strong>de</strong> jouer, une fois <strong>de</strong> plus, son rôle crucial dans le financement <strong>de</strong>s<br />

municipalités.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!