le même processus pour tous - Université de Bourgogne

Discussion générale
Toutefois, le but recherché n’est pas le seul aspect qui puisse expliquer les différences de
catégorisation entre les différents types d’experts. La façon dont chaque type d’expert a acquis son
expérience peut également expliquer les résultats observés. Les panélistes entraînés suivent
régulièrement un entraînement normé, très formel, en évaluation sensorielle de la bière au cours
duquel ils apprennent à reconnaitre, à identifier et à communiquer sur les propriétés sensorielles des
bières. Même s’ils sont généralement informés des bières qu’ils dégustent, ils ne possèdent que très
peu de connaissances de la fabrication de la bière ou du marketing. Cette expertise sensorielle
standardisée est assez éloignée de l'expertise des brasseurs qui possèdent à la fois des connaissances
techniques et sensorielles. Au niveau technique, les brasseurs sont formés à effectuer les opérations
liées à la fabrication de la bière et à créer ou modifier des recettes de bières. Ils apprennent quels
ingrédients et quels paramètres de fabrication permettent d’obtenir les différents styles de bières (stout,
pils, porter, bière au blé, pale ale, etc.). Leurs connaissances sensorielles ne sont pas acquises grâce un
entraînement standardisé mais plutôt par la dégustation répétée de bières. Lorsqu’ils goûtent une bière,
les brasseurs commencent par rechercher d’éventuels défauts aromatiques, puis évaluent la bière d’un
point de vue global, en s’intéressant à la rondeur de la bière, c'est-à-dire à l’équilibre de son goût, et en
mettant leurs perceptions en lien avec leurs connaissances techniques des différents styles de bières.
Une autre différence dans l’apprentissage des panélistes entraînés et des brasseurs est liée aux
feedbacks. Selon Kolodner et Simpson (1986), l’apprentissage d’un expert nécessite une expérience
incluant des feedbacks. Or les panélistes entraînés reçoivent assez de peu de feedbacks sur les profils
sensoriels des bières qu’ils réalisent. Lorsque cela est possible, ils sont informés des bières qu’ils
dégustent et discutent entre eux des caractéristiques sensorielles perçues mais les profils sensoriels des
bières ne leur sont que rarement présentés. Dans le cas où les profils sensoriels sont réalisés à la
demande d’un brasseur, les panélistes ne sont même pas informés des bières qu’ils dégustent, pour des
raisons de confidentialité. A l’inverse, les brasseurs connaissent systématiquement les bières qu’ils
dégustent, puisque la plupart du temps ce sont leurs propres bières. Leur feedback est donc immédiat
et lié aux connaissances qu’ils ont de la recette et des paramètres de brassage de la bière dégustée.
Cette approche est assez semblable à celle des experts en vin de Solomon (1997) et Ballester et al.
(2008). En effet, pour les viticulteurs, les professionnels du vin, les sommeliers, les étudiants en
œnologie, ou toute personne dont la profession est en lien avec le vin, la catégorisation est la base de
l'entraînement. Ils utilisent les notions de cépages, de régions géographiques, d'années, etc., pour
communiquer sur les vins et les catégoriser. Ils sont entraînés à reconnaître un vin comme étant un
membre d'une catégorie donnée. Ceci permet d'expliquer pourquoi les participants de Solomon et
Ballester et al. utilisent la notion de cépage comme critère pour catégoriser les vins. A l’inverse, les
panélistes entraînés suivent une démarche très analytique lorsqu’ils dégustent une bière : ils
dissèquent leur perception en différentes caractéristiques sensorielles. Cette différence de démarche est
notamment confirmée par les critères de catégorisation déclarés par les brasseurs et les panélistes
entraînés lors de la tâche de tri hiérarchique (chapitre 2). Alors que les participants entraînés ne citent
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