Katalog 2013.pdf - Visions du Réel
Katalog 2013.pdf - Visions du Réel
Katalog 2013.pdf - Visions du Réel
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
atelier – laila pakalnina<br />
165<br />
En matière<br />
d’atmosphère<br />
Le cinéma de Laila Pakalnina<br />
« Ce film a été créé pour<br />
se réjouir de l’existence<br />
<strong>du</strong> cinéma. Si le cinéma<br />
n’existait pas, je serais<br />
devenue marchande<br />
de glaces (le premier métier<br />
dont j’ai rêvé).<br />
Mais le cinéma, c’est mieux<br />
que les glaces !»<br />
propos de la réalisatrice<br />
pour « Picas», 2012<br />
Laila Pakalnina n’est pas une cinéaste<br />
rationnelle. Dans son incohérence<br />
extrêmement réfléchie, elle a réalisé<br />
et pro<strong>du</strong>it plus de vingt films. « Un film<br />
est un film », dit-elle, peu importe qu’il<br />
s’agisse d’un court, d’un moyen, d’un<br />
long métrage, d’un documentaire, d’une<br />
fiction : le procédé et les méthodes de<br />
pro<strong>du</strong>ction peuvent varier, mais certainement<br />
pas l’attitude, qui est unique –<br />
bien qu’elle évolue constamment – et<br />
transparaît avec la même force dans<br />
tous ses films.<br />
Ses premiers travaux, en particulier la<br />
trilogie composée de Vela (The Linen,<br />
1991), Pramis (The Ferry, 1994) et Pasts<br />
(The Mail, 1995), révèlent déjà certains<br />
des aspects et des qualités particulières<br />
de ses œuvres futures. Vela est son film<br />
de fin d’études au VGIK, la célèbre école<br />
nationale de cinéma de Moscou, où elle<br />
rencontra Gints Berzins, le chef opérateur<br />
qui, suite à ces trois films, deviendra<br />
de manière récurrente son directeur de<br />
la photographie, contribuant fortement<br />
à la création <strong>du</strong> style visuel caractéristique<br />
de Pakalnina. Ces films portent<br />
sur la routine quotidienne – on pourrait<br />
presque dire qu’ils ne portent sur rien de<br />
particulier. Ce qui rend ces trois courts<br />
métrages en noir et blanc extraordinaires<br />
est que dans aucun d’eux ce sont les<br />
mots qui importent le plus, mais bien les<br />
petits gestes, l’utilisation créative des<br />
sons, le cadrage extrêmement esthétique<br />
et significatif – en définitive l’« atmosphère<br />
», qui est sans doute le concept le<br />
plus important dans la vision filmique de<br />
la réalisatrice. Ces trois films portent déjà<br />
les marques d’un univers complexe mais<br />
parfaitement accessible, un mélange<br />
unique de légèreté, d’empathie, d’attention<br />
et d’intensité, dans lequel la réalité<br />
souvent difficile que Pakalnina représente<br />
devient profondément poétique. À<br />
un niveau différent, on peut remarquer un<br />
autre élément récurrent dans le cinéma<br />
de Pakalnina : son pays. Doms (The<br />
Dome) a été tourné en 1991, la même<br />
année que Vela, et est potentiellement le<br />
film le plus frénétique de Pakalnina. Elle y<br />
filme la plus grande église de Riga transformée<br />
en refuge pour les gens qui se<br />
sont battus pour l’indépendance <strong>du</strong>rant<br />
les barricades. Pakalnina révèle une<br />
approche sociale et politique plus directe,<br />
qu’elle développera plus tard en tant que<br />
journaliste pour le plus important quotidien<br />
letton, « Diena ». Le corpus que<br />
constitue sa trilogie, Doms et tous ses<br />
travaux de la première moitié des années<br />
1990 pourrait aussi être finalement considéré<br />
comme une documentation très<br />
personnelle, mais exceptionnelle, sur la<br />
transition de l’occupation soviétique à<br />
l’indépendance de la Lettonie.<br />
un univers complexe mais<br />
parfaitement accessible,<br />
un mélange unique de légèreté,<br />
d’empathie, d’attention et<br />
d’intensité, dans lequel la<br />
réalité souvent difficile que<br />
Pakalnina représente devient<br />
profondément poétique.<br />
Dans Ozols (The Oak, 1997), on<br />
remarque l’utilisation plus évidente d’un<br />
ensemble de procédés formels, notamment<br />
des lents plans panoramiques et<br />
des présentations frontales presque<br />
« en suspension » de ses personnages,<br />
que l’on retrouvera plus tard dans plusieurs<br />
de ses fictions et de ses documentaires.<br />
On peut également noter<br />
dans ce film une présence intense de<br />
la nature – l’homme en faisant partie