Katalog 2013.pdf - Visions du Réel
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234 focus liban<br />
Les territoires<br />
documentaires libanais<br />
d’aujourd’hui<br />
Comment penser les<br />
frontières aujourd’hui <br />
Peut-on encore parler<br />
de cinéma national à une<br />
époque où les frontières –<br />
géographiques, économiques,<br />
politiques, linguistiques –<br />
se font et se défont sans<br />
cesse C’est une question<br />
plus que pertinente<br />
lorsqu’on aborde la<br />
thématique <strong>du</strong> cinéma au<br />
Liban, pays où la notion<br />
de frontière est tout<br />
particulièrement importante,<br />
souvent brûlante et<br />
toujours d’actualité.<br />
Le Liban Un Etat quatre fois plus<br />
petit que la Suisse, qui compte environ<br />
4 millions d’habitants, mais connaît une<br />
diaspora nombreuse. Parmi cette communauté<br />
installée hors des frontières<br />
<strong>du</strong> pays figurent d’ailleurs de nombreux<br />
artistes et cinéastes. Le cinéma<br />
dit « libanais » ne peut donc s’entendre<br />
comme un cinéma « territorial ». Car<br />
l’idée d’appartenance est une question<br />
qui transcende la géographie: c’est une<br />
sorte de fil de soie, presque invisible<br />
mais très tenace. La résistance de ce<br />
fil est sans doute proportionnelle à l’histoire<br />
<strong>du</strong> pays et aux vicissitudes de son<br />
peuple, domaines dans lesquels le Liban<br />
a certes <strong>du</strong> répondant. Plusieurs civilisations<br />
ont marqué le pays <strong>du</strong>rant les<br />
siècles passés, forgeant son caractère<br />
pluriculturel et pluriconfessionnel – 18<br />
religions sont actuellement reconnues<br />
– et contribuant à l’extrême singularité<br />
de cet Etat <strong>du</strong> Proche-Orient.<br />
Dans son histoire plus récente, le Liban<br />
connaît, suite à son indépendance en<br />
1943, une période d’expansion économique<br />
et de stabilité politique qui en fait<br />
le fleuron de la région. Beyrouth devient<br />
un incontournable, la ville à visiter pour<br />
saisir son énergie unique, sa riche activité<br />
culturelle et sa vie nocturne palpitante<br />
qui lui valent le surnom de « Paris<br />
<strong>du</strong> Moyen-Orient ». Et puis, violemment,<br />
tout s’arrête : la guerre civile éclate en<br />
1975 et modifie drastiquement la réalité<br />
<strong>du</strong> pays. Les seize années que <strong>du</strong>rera<br />
ce conflit deviennent l’une des marques<br />
les plus indélébiles <strong>du</strong> pays. Plus tard,<br />
en 2006, la guerre israélo-libanaise vient<br />
raviver des blessures qui n’ont jamais<br />
cicatrisé. Les stigmates de la guerre<br />
sont omniprésents : dans la rue, sur les<br />
bâtiments, le long des routes… Mais<br />
ce sont les empreintes laissées au sein<br />
de la population qui se révèlent les plus<br />
profondes et les plus complexes. On<br />
les retrouve, sous différentes formes,<br />
dans le cinéma libanais. Un pays avec<br />
une histoire aussi dense et tumultueuse<br />
marque inévitablement les regards des<br />
auteurs.<br />
Le cinéma comme art et outil<br />
Le focus autour <strong>du</strong> Liban fournit l’occasion<br />
non seulement d’explorer le rapport<br />
que les cinéastes entretiennent avec<br />
l’identité libanaise, mais aussi d’appréhender<br />
les diverses interrogations –<br />
posées à travers des choix formels ou<br />
thématiques – contribuant au travail de<br />
mémoire.<br />
La multitude des regards se confronte<br />
forcément aux traumatismes de l’aprèsguerre.<br />
Un besoin viscéral de poser des<br />
questions, encore plus que de donner<br />
des réponses. Le cinéma documentaire<br />
devient à la fois une loupe, permettant<br />
de voir et d’observer ce qui a longtemps<br />
été invisible, et un outil de reconstruction<br />
: de l’histoire, de la mémoire, de<br />
l’identité. Un travail nécessaire et parfois<br />
douloureux contre l’oubli, ce dangereux<br />
ennemi de la recomposition identitaire<br />
et historique. L’énergie et l’urgence <strong>du</strong><br />
cinéma libanais sont aussi là pour donner<br />
à voir et à entendre, pour inscrire les<br />
faits et les conscientiser, pour identifier<br />
ce qui ne devrait plus se repro<strong>du</strong>ire.<br />
Sans quoi, la guerre continue de parasiter<br />
les âmes et de nourrir les peurs.<br />
Des auteurs avec des signatures<br />
fortes comme Ghassan Salhab, Joana<br />
Hadjithomas et Khalil Joreige, Simon<br />
El Habre, Danielle Arbid, Maher Abi<br />
Samra, Nadim Mishlawi ou encore Zeina<br />
Sfeir, pour n’en citer que quelques-uns,<br />
contribuent a accomplir ce travail de<br />
résistance – au silence, à l’amnésie –<br />
permettant d’écrire l’histoire <strong>du</strong> pays,<br />
de trouver les images et les mots qui<br />
manquent ou qui sont per<strong>du</strong>s dans le<br />
chaos <strong>du</strong> traumatisme et des décombres.<br />
Tous, avec des démarches différentes<br />
mais avec de véritables propositions<br />
cinématographiques, posent les questions<br />
qui encouragent la confrontation<br />
avec le passé pour pouvoir s’affirmer<br />
dans le présent. Des questions parfois<br />
difficiles, mais qui permettent de donner<br />
la parole, de finalement verbaliser,<br />
et donc de partager l’épreuve <strong>du</strong> conflit.<br />
C’est un cinéma indéniablement orienté<br />
vers la vie, avec passion et émotion. Un<br />
cinéma souvent cathartique également,<br />
qui utilise la caméra comme une sonde