Katalog 2013.pdf - Visions du Réel
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atelier – laila pakalnina<br />
175<br />
Mostieties!<br />
idéal pour ce film, et il possède un grand<br />
savoir-faire pour filmer la nature et les<br />
animaux. Qui plus est, il est incroyablement<br />
patient. Nous avons dû attendre<br />
36 heures pour faire une seule prise de<br />
vue d’une chouette ! Après ce film, j’ai<br />
commencé à me sentir plus confiante<br />
à l’idée de filmer des êtres humains :<br />
je suis prête à attendre. Nous avons<br />
filmé pendant presque deux ans et, une<br />
fois que j’ai commencé le montage, la<br />
question de la musique s’est tout de<br />
suite posée. Je n’en utilise pas d’habitude,<br />
mais je me suis assez vite ren<strong>du</strong><br />
compte qu’ici, il m’en faudrait. Or, j’étais<br />
au Festival <strong>du</strong> film de Venise en 2003<br />
avec Pitons (The Python) et j’y ai rencontré<br />
Shigeru Umebayashi qui a entre<br />
autres composé la musique de In the<br />
Mood for Love de Wong Kar-wai et qui<br />
est très célèbre. Mais je ne le connaissais<br />
pas lorsque je l’ai rencontré ; il était<br />
simplement un compositeur japonais.<br />
Nous avons échangé nos cartes et il<br />
m’a donné un CD. Quelques mois plus<br />
tard, je l’ai écouté. J’ai alors découvert<br />
sa merveilleuse musique et j’ai<br />
demandé au pro<strong>du</strong>cteur de l’engager<br />
pour Leiputrija. Après cela seulement,<br />
par curiosité, j’ai entré son nom sur<br />
Google et j’ai découvert à quel point il<br />
était célèbre. Le fait qu’il ait accepté<br />
de composer la bande originale <strong>du</strong> film,<br />
malgré la somme ridicule que nous pouvions<br />
le payer, est pour moi de l’ordre <strong>du</strong><br />
conte de fées. Il s’agit de ma première<br />
et presque unique expérience avec des<br />
bandes sons composées. Cela s’est<br />
repro<strong>du</strong>it avec Picas (Pizzas) même si<br />
c’était tout à fait différent, car quand on<br />
pense musique, on ne pense sans doute<br />
pas au hip-hop de Picas. Mais c’était<br />
exactement ce qu’il me fallait. C’est la<br />
poésie de cette génération. Je ne peux<br />
pas dire que la poésie est morte, mais<br />
il y a vingt ans on lisait encore de la<br />
poésie tandis qu’aujourd’hui, le hip-hop<br />
est devenu pour beaucoup de gens le<br />
moyen d’échanger ses sentiments par<br />
rapport à la vie.<br />
J’aimerais faire une transition de<br />
Leiputrija à Par Dzimteniti (Three Men<br />
and a Fish Pond), qui ressemble à un<br />
zoom arrière de la décharge pour inclure<br />
des êtres humains. Quel rapport<br />
entre ces deux films <br />
Ces films sont en effet liés par de<br />
nombreux aspects, à commencer par<br />
la présence de Maris en tant que chef<br />
opérateur: on retrouve le même type<br />
d’approche en matière de prise de<br />
vue, la même nécessité d’observer et<br />
d’attendre que les choses se passent.<br />
C’est en fait le lieu lui-même qui nous<br />
a donné la possibilité de voir des êtres<br />
humains vivant au même rythme que<br />
tous les autres êtres qui nous entouraient.<br />
Regarder la nature, et les êtres<br />
humains comme une partie intégrante<br />
de celle-ci, aide véritablement à mieux<br />
nous comprendre. Et oui, c’est aussi<br />
très important de sourire un peu de<br />
nous-mêmes.<br />
C’est un sentiment que l’on retrouve<br />
d’après moi dans toute votre filmographie.<br />
Il semble que, d’une manière<br />
très tendre, vous montrez systématiquement<br />
la maladresse des humains,<br />
et souvent le sourire vient de la façon<br />
dont vos personnages se déplacent.<br />
De fait, dans vos films, fictions ou<br />
documentaires, on retrouve un inventaire<br />
assez exhaustif de moyens de<br />
transport : bateaux, vélos, voitures,<br />
camions, trains, bus, mobylettes…<br />
D’où vous vient cette fascination <br />
C’est une question difficile, mais ce<br />
n’est sans doute pas une coïncidence si<br />
le tout premier film des frères Lumière<br />
portait sur un train. Et je suppose qu’ils<br />
avaient choisi ce sujet parce qu’il se<br />
mettait en mouvement. Je crois que<br />
c’est pour la même raison que l’on<br />
retrouve tant de moyens de transport<br />
dans mes films, et aussi parce qu’ils<br />
ne font pas que se mettre en mouvement<br />
mais qu’ils transportent des gens,<br />
nous transportent nous, d’un point à un<br />
autre. Un de mes prochains films pourrait<br />
à nouveau concerner un moyen de<br />
transport. Les pro<strong>du</strong>cteurs de Autobuss<br />
m’ont demandé de faire Autobuss 2, afin<br />
de rendre compte des changements qui<br />
se sont pro<strong>du</strong>its depuis l’époque <strong>du</strong><br />
tournage. Je n’avais pas envie de refaire<br />
un film sur un bus et il m’a répon<strong>du</strong> :<br />
« D’accord, faites-en un sur des avions<br />
alors ». J’ai donc commencé à réfléchir à<br />
cette étrange route aérienne des compagnies<br />
ouzbèkes, qui va de Tachkent<br />
à New York en passant par Riga. Je<br />
ne sais pas si et quand je le ferai, mais<br />
je sens qu’il y a un film à faire là, et ce<br />
serait encore une fois un film portant<br />
sur un moyen de transport.<br />
Je suis d’une certaine manière frappé<br />
quand vous dites « il y a un film à<br />
faire là », comme cela s’est passé<br />
pour votre dernier film Chimney. J’ai<br />
l’impression que vous êtes constamment<br />
ouverte à de nouvelles inspirations<br />
et que vous réussissez à réaliser<br />
tous vos projets. Avez-vous déjà été<br />
obligée d’abandonner un projet <br />
Avez-vous déjà connu la frustration<br />
comme, j’imagine, la plupart de vos<br />
collègues <br />
Eh bien, je pense que « s’il y a un film<br />
à faire », alors on peut le faire. Je viens<br />
d’un pays où il y a très peu d’argent pour<br />
le cinéma, en particulier pour le genre<br />
de films que je fais. Mais, je dirais que<br />
le plus important c’est d’avoir une idée,<br />
qui fait naître le désir de faire un film.<br />
Si vous avez ça, vous pouvez le faire.<br />
Ça ne veut pas dire que je veux que<br />
les gens travaillent gratuitement, mais