Katalog 2013.pdf - Visions du Réel
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176 atelier – laila pakalnina<br />
pa rubika CELU<br />
c’est sans doute l’une des raisons pour<br />
laquelle ma filmographie contient plus<br />
de documentaires que de fictions. Mes<br />
films ne coûtent pas cher. Pour le dernier:<br />
l’équipe était composée d’un chef<br />
opérateur, d’un preneur de son également<br />
ingénieur <strong>du</strong> son, d’un monteur, et<br />
c’est moi qui l’ai pro<strong>du</strong>it. Le fait de faire<br />
des films n’est pas un « alibi » pour rester<br />
assise sur une idée pendant dix ans.<br />
Cela peut prendre quelques années,<br />
mais dans la plupart des cas, il faut faire<br />
quelque chose de son idée dès que<br />
possible, car on change constamment.<br />
Et très probablement, on commencera<br />
rapidement à ressentir le besoin de se<br />
tourner vers une nouvelle idée.<br />
Vous avez aussi travaillé comme journaliste.<br />
Ces deux manières de voir les<br />
choses, en tant que journaliste et en<br />
tant que réalisatrice, ont-elles jamais<br />
interagi <br />
J’ai travaillé comme journaliste pendant<br />
neuf ans, puis le journal pour lequel je<br />
travaillais a été ven<strong>du</strong> et nous n’avons<br />
pas pu savoir qui était le nouveau rédacteur<br />
en chef. Beaucoup de journalistes<br />
qui craignaient de potentielles manipulations<br />
politiques ont alors démissionné,<br />
et j’ai fait de même. C’était en 2009.<br />
Je pense que la réalisation de films a<br />
plus influencé ma manière d’écrire que<br />
l’inverse. Je me suis ren<strong>du</strong> compte à de<br />
nombreuses reprises que j’écrivais mes<br />
rubriques « en images ». Mais l’inverse<br />
s’est aussi pro<strong>du</strong>it. Les idées de Pitons et<br />
Picas me sont venues en lisant des communiqués<br />
d’agences de presse. Je dirais<br />
que j’ai trouvé ces films dans la presse.<br />
Quand vous avez présenté Pitons, on<br />
vous a demandé si vous aviez vécu<br />
des expériences traumatisantes à<br />
l’école, mais vous avez répon<strong>du</strong> que<br />
ce n’était pas le cas. Cette réponse<br />
tient-elle compte de votre passage au<br />
VGIK (Institut de la cinématographie<br />
Guerasimov, Moscou). Comment vos<br />
premiers travaux y ont-ils été reçus,<br />
et quels sont vos souvenirs de ces<br />
années d’apprentissage <br />
En fait, avant le VGIK, j’ai été diplômée<br />
à l’université de Moscou, qui avait une<br />
approche traditionnelle de l’enseignement.<br />
Puis je suis entrée au VGIK, qui<br />
poursuivait des méthodes complètement<br />
différentes, et j’ai eu l’impression<br />
que tout était un peu étrange. C’est seulement<br />
après avoir obtenu mon diplôme<br />
que je me suis ren<strong>du</strong> compte que la formation<br />
que j’y avais reçue était de très<br />
haute qualité. La démarche consistait à<br />
vous donner le sentiment de n’être bon<br />
à rien, afin de provoquer votre détermination<br />
à prouver le contraire. J’ai d’abord<br />
trouvé cela scandaleux, bien sûr, mais<br />
ça a ensuite fonctionné pour moi : j’ai eu<br />
vraiment envie de leur montrer que je<br />
pouvais faire quelque chose. Certaines<br />
écoles ont tendance à faire facilement<br />
trop grand cas de toute manifestation<br />
précoce de talent, mais ça n’était vraiment<br />
pas dans l’usage et je n’ai compris<br />
que plus tard à quel point cela avait<br />
été une expérience précieuse pour moi<br />
d’avoir été formée de cette manière.<br />
Nous avions également la possibilité de<br />
nous exercer à tout moment. Pendant<br />
notre temps libre, nous faisions infatigablement<br />
des montages à partir de n’importe<br />
quel morceau de film 35 mm que<br />
nous trouvions, même dans la poubelle.<br />
J’ai reçu l’un des enseignements qui<br />
m’a été le plus utile de mon professeur<br />
Viktor Lisakovich, qui nous demandait<br />
de repérer les erreurs de montage des<br />
autres et de les corriger. Je crois que<br />
c’est grâce à ces cours que j’ai commencé<br />
à voir qu’un seul photogramme<br />
peut faire la différence et que j’ai acquis<br />
le sens <strong>du</strong> montage. J’ai gardé un autre<br />
héritage essentiel de mes années au<br />
VGIK à travers les films que j’ai eu le<br />
grand privilège de voir. Le VGIK avait<br />
accès à la cinémathèque de Moscou qui<br />
possédait une merveilleuse collection<br />
de films <strong>du</strong> monde entier, que l’on pouvait<br />
regarder sur grand écran. J’ai aussi<br />
reçu de nombreux autres enseignements<br />
qui sont restés des règles pour<br />
moi, comme par exemple de ne jamais<br />
critiquer votre cadreur si votre travail en<br />
tant que réalisateur n’est pas comme<br />
vous l’escomptiez.<br />
Vela (The Linen) et Doms (The Dome)<br />
sont vos films de fin d’études au<br />
VGIK. Quel accueil ont-ils reçu de vos<br />
professeurs <br />
Je crois que mon professeur s’est ren<strong>du</strong><br />
compte que je voulais faire quelque<br />
chose de différent, et il m’y a autorisée.<br />
Mais il ne savait pas vraiment quoi faire<br />
avec moi. Il ne m’a donc pas aidée, mais<br />
il ne m’a pas fait de reproches pour<br />
autant, bien que ses films soient extrêmement<br />
différents des miens.<br />
Avez-vous le sentiment d’être une réalisatrice<br />
très différente de celle que<br />
vous étiez à vos débuts <br />
Il y a quelques années, le VGIK m’a invitée<br />
à faire partie d’un jury évaluant des<br />
travaux d’étudiants, ce qui m’a amenée<br />
à comparer mes rêves, mes idées et<br />
mes idéaux d’étudiante concernant le<br />
cinéma avec ceux que j’ai au point où<br />
je suis arrivée aujourd’hui. Et à vrai dire,<br />
je crois que j’ai beaucoup de chance,<br />
car j’ai le sentiment de ne pas les avoir<br />
trahis. Bien sûr, ils ont changé, mais ils<br />
sont restés dans la continuité de ce que<br />
je ressentais à l’époque, qui n’était qu’un<br />
moment différent.<br />
interview menée via Skype,<br />
Nyon, janvier 2013<br />
Paolo Moretti