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George Grigore L'arabe parlé à Mardin – monographie d'un parler ...

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seulement une manifestation orale, est stigmatisé par d’aucuns comme étant un<br />

véritable charabia tout <strong>à</strong> fait douteux.<br />

En général, la connaissance d’un tel code linguistique n’est pas considérée<br />

comme une compétence linguistique spéciale, parfois même les locuteurs natifs<br />

nient sa connaissance. Aucun Arabe mardinien n’a reconnu immédiatement être<br />

un locuteur du mardini, et quand il l’a fait, il s’est excusé plusieurs fois de <strong>parler</strong><br />

un arabe altéré qui est loin de l’arabe de Mossoul (Irak) ou de celui d’Alep<br />

(Syrie) : ces deux villes, avec lesquelles les habitants de <strong>Mardin</strong> font depuis<br />

toujours commerce, sont, dans leurs yeux, les centres de la civilisation par<br />

excellence. Plusieurs fois, quand ils essayaient de m’expliquer un mot, ils<br />

demandaient <strong>à</strong> ceux qui se trouvaient <strong>à</strong> côté d’eux, comment on disait cela en<br />

arabe de Mossoul ou bien en celui d’Alep. Cela montre le prestige dont ces deux<br />

<strong>parler</strong>s arabes jouissent parmi les Arabes mardiniens. En guise d’excuse, pendant<br />

les discussions, quand ils croyaient que je ne pouvais pas comprendre, ils disaient<br />

en souriant avec un geste semblable <strong>à</strong> une résignation :<br />

Hāda ‘arabī-na we !<br />

Ça, c’est notre arabe !<br />

À la suite de la prise de conscience de cette asymétrie linguistique<br />

présente dans la communauté des Arabes mardiniens <strong>–</strong> qui parlent, dans leur<br />

écrasante majorité, <strong>à</strong> coté de leur arabe, le kurde, langue de la population avec<br />

laquelle ils sont en contact quotidien, le turc appris <strong>à</strong> l’école, en armée, par les<br />

contacts professionnels et administratifs, parfois t}uroyo <strong>–</strong> la manière dont ils se<br />

présentent plus ou moins sérieusement me semble illustrative :<br />

ana tərki ana, abū-y kərdi we w əm}m}-i ‘arabīye ye.<br />

Je suis Turc, mon père est Kurde et ma mère est Arabe.<br />

Ce syntagme <strong>–</strong> que j’ai entendu plusieurs fois <strong>–</strong> montre exactement<br />

l’importance, pour les Arabes mardiniens, de ces codes linguistiques qui<br />

occupent, chacun d’eux, un terrain, une fonction, un créneau : le turc comme<br />

langue officielle, générale ; le kurde comme langue d’usage dans la société locale,<br />

étant donné que, dans les communautés islamiques traditionnelles, seuls les<br />

hommes avaient une activité sociale hors de la maison, tandis que les femmes<br />

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