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Rafael Benítez, Universidad de Valencia - framespa

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Les conflits conjoncturels étaient plus imprévisibles, et généralement d’échelle restreinte. Ils<br />

étaient souvent liés aux conflits structurels et leur origine étaient en général la même. Mais il<br />

s’agissait <strong>de</strong> conflits aux modalités plus rapi<strong>de</strong>s, dont les règlements l’étaient également.<br />

Enfin, ils étaient plus imprévisibles, et si l’on peut faire l’hypothèse que l’État ou l’élite<br />

contrôlaient relativement bien les conflits structurels (discours, ritualisation, etc.), il semble<br />

que ces conflits conjoncturels aient davantage échappé au contrôle public. Ils sont <strong>de</strong> ce fait<br />

plus intéressants à étudier pour comprendre le fonctionnement du lien social à Venise.<br />

La guerre et la présence <strong>de</strong>s troupes étrangères dans le Stato di Terra ferma provoquèrent <strong>de</strong><br />

nombreux phénomènes inédits à Venise que les gouvernants et les habitants <strong>de</strong> la cité durent<br />

apprendre à gérer. En premier lieu, l’arrivée <strong>de</strong>s troupes impériales et la violence <strong>de</strong>s combats<br />

entraînèrent le déplacement <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s provinces vénètes et lombar<strong>de</strong>s sous domination<br />

vénitienne 160 . Suivant la progression <strong>de</strong>s troupes, et fuyant <strong>de</strong>vant l’ennemi, les habitants <strong>de</strong><br />

Terre ferme cherchèrent la protection <strong>de</strong> Venise en se rapprochant toujours plus <strong>de</strong> la cité 161 .<br />

Réfugiés dans <strong>de</strong>s zones proches <strong>de</strong> la lagune, en particulier à Mestre, ces populations furent<br />

amenées à la franchir afin <strong>de</strong> se réfugier à Venise 162 . De nombreux documents et chroniques<br />

racontent alors l’arrivée en masse, dans la cité, <strong>de</strong> ces familles <strong>de</strong> paysans.<br />

La présence <strong>de</strong>s populations <strong>de</strong> Terre ferme dans la capitale <strong>de</strong> l’État vénitien n’était pas en<br />

soi un phénomène entièrement nouveau. Dans le contexte d’expansion manufacturière et<br />

industrielle du XV e siècle, la main d’œuvre non qualifiée était bien souvent recrutée parmi ces<br />

populations. En outre, certains artisans plus qualifiés avaient également trouvé à Venise un<br />

espace propice pour le développement <strong>de</strong> leurs activités 163 . Certaines communautés italiennes,<br />

tels que les Bergamasques, résidaient dans la lagune <strong>de</strong> façon stable 164 . La question <strong>de</strong> leur<br />

statut <strong>de</strong>meure complexe. Il est en effet difficile <strong>de</strong> savoir exactement quel était leur statut<br />

« légal », en particulier dans le cas <strong>de</strong>s popolani, étant entendu que la plupart <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong><br />

Venise ne jouissaient pas non plus d’un statut particulier, et qu’il était <strong>de</strong> ce fait difficile <strong>de</strong><br />

distinguer un simple popolano d’origine vénitienne d’un autre d’origine étrangère. Une<br />

législation complexe régulait néanmoins l’arrivée et le séjour <strong>de</strong>s populations « étrangères »<br />

dans la cité.<br />

Au début du XVI e siècle, au moment <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> la ligue <strong>de</strong> Cambrai, l’arrivée <strong>de</strong>s<br />

populations <strong>de</strong> Terre ferme changea totalement <strong>de</strong> nature. Le flux <strong>de</strong>vint massif. A en croire<br />

les chroniqueurs et les textes officiels, les places et les rues <strong>de</strong> Venise furent rapi<strong>de</strong>ment<br />

occupées par <strong>de</strong>s familles, hommes, femmes et enfants s’installant dans les espaces publics <strong>de</strong><br />

la ville dans l’attente d’une situation meilleure. La présence difficilement contrôlable <strong>de</strong> ces<br />

populations « étrangères » était bien une preuve supplémentaire que la frontière était<br />

désormais aux portes <strong>de</strong> Venise, à l’orée <strong>de</strong> cette lagune réputée infranchissable.<br />

L’accueil réservé aux réfugiés fut néanmoins relativement favorable. Le discours officiel ne<br />

prit généralement pas une forme <strong>de</strong> rejet. Rapi<strong>de</strong>ment, la pitié et la nécessaire « solidarité »<br />

l’emportèrent. Les termes visant à désigner ces « réfugiés » étaient à ce titre révélateurs. Les<br />

chroniqueurs M. Sanudo et G. Priuli, <strong>de</strong> même que les décrets officiels dont nous disposons,<br />

160 M. Sanudo, I Diarii, op. cit., vol. 9, col.44, 10 août 1509 ; ibid., vol. 17, col. 94, 27 septembre 1513, « E da saper, tutto il<br />

Piovà è in fuga, tutti coreno a le basse a Monte Alban, e assaissime zente et animali: et molti zentihomeni erano a le so ville<br />

sono stati in pericolo grandissimo, parte è zonti, parte non si sa di loro. »<br />

161 M. Sanudo, I Diarii, op. cit., vol. 17, col. 112, 1 er octobre 1513, « Di Treviso, di sier Sebastian Moro po<strong>de</strong>stà et caitanio,<br />

di eri sera, vene letere. Come erano venuti li villani 2000, et più saria venuti si non era questi disturbi di fuzer li avanti, e<br />

come ha ricevuto li danari mandatoli et dato a le zente, et ne bisogna di altri, per le cose occorente pagar fanti e villani. »<br />

162 M. Sanudo, I Diarii, op. cit., vol. 17, col. 99, 29 septembre 1513, « A Liza Fusina è pien di persone che fuzeno; è una<br />

pietà a ve<strong>de</strong>r e li animali et villani. Si manda barche a levarli, ma si stenta per li sechi grandi. »<br />

163 L. Molà, La comunità <strong>de</strong>i Lucchesi a Venezia. Immigrazione e industria <strong>de</strong>lla seta nel tardo Medioevo, Venise, 1994.<br />

164 L. Molà, R. C. Mueller, « Essere straniero a Venezia nel tardo Medioevo: accoglienza e rifiuto nei privilegi di cittadinanza<br />

e nelle sentenze criminali », Le migrazioni in Europa, secc. XIII-XVIII, S. Cavaciocchi éd., Florence, 1994, p. 839-851. Sur<br />

les Bergamasques, voir également D. Romano, Housecraft and Statecraft, Domestic Service in Renaissance Venice, 1400-<br />

1600, Baltimore, Londres, 1996.<br />

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