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Rafael Benítez, Universidad de Valencia - framespa

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l’écart d’individus est un phénomène banal, qui s’accompagne en générale d’accusations plus<br />

ou moins graves visant à faire porter à certains la responsabilité <strong>de</strong>s difficultés politiques ou<br />

économiques du moment. A Venise, au cours <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> la ligue <strong>de</strong> Cambrai, les Juifs<br />

furent en quelque sorte le premier groupe <strong>de</strong> population à faire les frais <strong>de</strong> la nécessaire<br />

désignation <strong>de</strong> coupables. Néanmoins, même si certains discours dénonçant la complicité <strong>de</strong>s<br />

Juifs avec les troupes impériales, voire leur trop gran<strong>de</strong> richesse, il était difficile <strong>de</strong> les<br />

accuser directement <strong>de</strong>s défaites successives.<br />

Dès lors, les Juifs ne furent pas les seuls à <strong>de</strong>voir endosser l’hostilité collective d’un<br />

gouvernement et d’une population menacés, et d’autres tensions apparurent au sein <strong>de</strong> la<br />

communauté vénitienne.<br />

A l’intérieur même du groupe patricien, la classe dirigeante et nobiliaire <strong>de</strong> Venise, <strong>de</strong> graves<br />

tensions apparurent en effet. Les difficultés économiques qui accompagnèrent la guerre furent<br />

pour beaucoup dans les dissensions et les scandales politiques qui divisèrent le patriciat à<br />

cette époque. Les besoins financiers <strong>de</strong> la Sérénissime <strong>de</strong>vinrent en effet particulièrement<br />

importants, et la première préoccupation <strong>de</strong>s gouvernants fut d’augmenter les revenus <strong>de</strong><br />

l’État.<br />

En premier lieu, les citoyens les plus riches, nobles et non-nobles, furent sollicités et une série<br />

d’emprunts forcés et volontaires fut instituée, dont la fréquence s’intensifia après<br />

Agna<strong>de</strong>llo 174 . Les patriciens n’étaient pas, à Venise, exemptés du paiement <strong>de</strong> l’impôt, et bien<br />

au contraire, on attendait d’eux qu’ils soient les premiers contribuables <strong>de</strong> la cité.<br />

L’imbrication entre les pouvoirs économique et politique donnait lieu à une sorte <strong>de</strong> « civisme<br />

fiscal » : payer les taxes commerciales et acheter les bons d’État faisaient partie <strong>de</strong> la<br />

« mission publique » <strong>de</strong>s patriciens, à tel point que lorsqu’ils ne pouvaient plus payer, ils se<br />

voyaient « exclus » du Grand Conseil, l’assemblée à laquelle appartenaient <strong>de</strong> droit tous les<br />

patriciens <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 18 ans.<br />

En 1509, les emprunts forcés et l’émission <strong>de</strong> bons d’État se multiplièrent 175 . La situation<br />

économique n’était pas particulièrement favorable, et <strong>de</strong> nombreux patriciens eurent alors <strong>de</strong><br />

sérieuses difficultés à s’acquitter <strong>de</strong>s sommes réclamées 176 . En octobre 1513, le doge fit un<br />

discours <strong>de</strong>vant le Grand Conseil rappelant la nécessité pour les patriciens <strong>de</strong> contribuer<br />

financièrement à la guerre 177 . Nous disposons également d’une liste datant <strong>de</strong> 1515, qui<br />

présente la contribution <strong>de</strong> chaque gran<strong>de</strong> casa patricienne, ce qui révèle bien l’importance<br />

que représentait la mobilisation fiscale pour la classe dirigeante vénitienne 178 .<br />

Rapi<strong>de</strong>ment, ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s répétées et incessantes <strong>de</strong> fonds provoquèrent <strong>de</strong>s tensions au sein<br />

du patriciat. Certains furent accusés <strong>de</strong> répondre avec peu <strong>de</strong> zèle à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui était<br />

pourtant réelle. D’autres patriciens, plus pauvres, furent stigmatisés car ils ne parvenaient pas<br />

à s’acquitter <strong>de</strong>s sommes <strong>de</strong>mandées, en particulier en raison <strong>de</strong> la fréquence croissante <strong>de</strong>s<br />

émissions <strong>de</strong> bons. Dans cette situation, les débats et discussions au Sénat ou au Collegio<br />

<strong>de</strong>vinrent l’occasion <strong>de</strong> mise en accusation <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres sur leur responsabilité dans<br />

les difficultés militaires et financières éprouvées par Venise.<br />

174 Sur l’organisation <strong>de</strong> la fiscalité vénitienne, voir les synthèses récentes <strong>de</strong> J.-C. Hocquet, « Venice », The Rise of the<br />

Fiscal State in Europe, c. 1200-1815, R. Bonney (éd.), Oxford, 1999, p. 381-415 ; L. Pezzolo, « La finanza pubblica : dal<br />

prestito all’imposta », Ibid., tome V, Il Rinascimento. Società ed economia, A. Tenenti, U. Tucci (éds.), Rome, 1996, p. 703-<br />

751.<br />

175 M. Sanudo, I Diarii, op. cit., vol. 9, col. 12, 2 août 1509. Voir également ibid., col. 517.<br />

176 G. Priuli, I Diarii, op. cit., vol. IV, p. 201, 5 août.<br />

177 M. Sanudo, I Diarii, op. cit., vol. 17, col. 199, 2 octobre 1513.<br />

178 Il s’agit d’un document exceptionnel qui est conservé à la Bibliothèque nationale <strong>de</strong> la Marciana, et qui fait état <strong>de</strong><br />

l’i<strong>de</strong>ntité et du montant du prêt <strong>de</strong> chaque patricien, cf. BNM, Mss Italiani, cl. VII, 1234 (7749), second cahier, fol. 2 et<br />

suiv. : « Qui a dreto se notera tuti li zentilhomini et altri che hanno prestato danari ala illustrissima signoria nel presente<br />

imprestedo principiato adi III avosto 1515 e fornito a di XV zener 1516. »<br />

112

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