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Rafael Benítez, Universidad de Valencia - framespa

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fins politiques. De plus, le caractère frontalier <strong>de</strong> ce statut juridique tient au fait qu’il ne délimite pas seulement un espace<br />

professionnel mais également un espace communautaire. Le statut <strong>de</strong>vant renforcer l’anomie sociale <strong>de</strong> ses bénéficiaires, vie<br />

<strong>de</strong> corps et vie <strong>de</strong> communauté d’expatriés coïnci<strong>de</strong>nt pratiquement terme à terme. Toutes les institutions d’Ancien Régime<br />

supposent peu ou prou une vie communautaire, c’est-à-dire un prolongement dans d’autres aspects <strong>de</strong> la vie sociale <strong>de</strong>s liens<br />

noués dans le cadre <strong>de</strong> l’institution. Inversement, les liens noués dans la communauté se prolongent dans les institutions 618 .<br />

Toutefois, la caractéristique principale <strong>de</strong>s régiments étrangers, par rapport aux autres institutions d’Ancien Régime, est que<br />

l’institution et la communauté fusionnent complètement, excluant toute dimension sociale distincte <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la pratique<br />

professionnelle. Au lieu d’un espace social multidimensionnel, les régiments étrangers constituent un espace bidimensionnel<br />

(professionnel et communautaire) qui se superpose. La raison en est simple : la différenciation géopolitique entre l’exercice<br />

du pouvoir local et le service du prince prive les militaires étrangers d’un accès aux ressources économiques, politiques et<br />

sociales du territoire. L’institution cristallise donc autour d’elle une forte <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> relations sociales à caractère nettement<br />

endogamiques.<br />

Ces traits généraux, dégagés à partir <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> différents cas, dans <strong>de</strong>s contextes géographiques et<br />

politiques différents, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à être nuancés. Il n’existe pas un modèle explicatif universel du service étranger mais <strong>de</strong>s<br />

traits communs qui doivent faire l’objet d’une mise à l’épreuve dans <strong>de</strong>s situations particulières.<br />

Notre étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas se base sur l’analyse prosopographique <strong>de</strong>s officiers <strong>de</strong>s unités flaman<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong> royale<br />

<strong>de</strong>s Bourbons entre 1700 et le début du XIXe siècle. Nous nous sommes intéressés tant à la gar<strong>de</strong>, en tant qu’institution,<br />

qu’aux comportements <strong>de</strong>s officiers essentiellement en termes <strong>de</strong> mobilité géographique, sociale et professionnelle 618 .<br />

3. Des Habsbourg aux Bourbon : la création d’une société <strong>de</strong> frontière<br />

L’instabilité politique qui règne en Espagne au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> l’accession du duc d’Anjou au trône <strong>de</strong>s Rois<br />

Catholiques incite la dynastie <strong>de</strong>s Bourbons à prendre <strong>de</strong>s mesures strictes pour protéger la vie du jeune roi. La réforme <strong>de</strong><br />

la gar<strong>de</strong> royale intervient dès les premiers mois du règne <strong>de</strong> Philippe V et a pour objectif explicite d’imposer l’autorité du roi<br />

à la Cour. L’envoi d’unités françaises, option privilégiée par l’entourage français du roi d’Espagne, ne reçoit pas l’agrément<br />

<strong>de</strong> Louis XIV. Pour <strong>de</strong>s raisons politiques évi<strong>de</strong>ntes, le Très Chrétien juge trop élevé le risque <strong>de</strong> mécontenter les sujets <strong>de</strong>s<br />

royaumes d’Espagne. En lieu et place, un consensus se dégage pour conserver la structure multinationale <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong><br />

habsbourgeoise – constituée d’une compagnie espagnole, une flaman<strong>de</strong> et une alleman<strong>de</strong> – mais d’en modifier radicalement<br />

le rôle politique. Il s’agit <strong>de</strong> maintenir le principe du service <strong>de</strong>s vassaux (à l’exception <strong>de</strong>s Allemands, substitués par une<br />

compagnie italienne), tout en redonnant aux corps un caractère militaire que les fonctions palatines avaient<br />

considérablement réduit. Si, à première vue, l’organisation institutionnelle <strong>de</strong> la nouvelle gar<strong>de</strong> ne diffère pas beaucoup <strong>de</strong><br />

l’ancienne, dans les faits, la réforme rompt avec une gar<strong>de</strong> aulique qui s’inscrit dans une logique politique <strong>de</strong> représentation<br />

<strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> la monarchie à la Cour. Elle instaure au contraire un puissant instrument d’intégration <strong>de</strong>s élites par le<br />

service militaire. En effet, en alignant le fonctionnement <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong> sur celui <strong>de</strong> l’armée, le pouvoir royal modifie sa relation<br />

aux élites <strong>de</strong> la monarchie. Les unités <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong> ne sont plus le reflet d’une monarchie composite, mais uniquement <strong>de</strong>s<br />

corps militaires dans lesquels les élites viennent individuellement se mettre au service du roi 618 .<br />

Le contexte dans lequel la nouvelle gar<strong>de</strong> royale a été constituée explique que le statut juridique définitif, publié en<br />

1705, n’ait guère souligné particulièrement les traits ethniques <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> nation 618 . Les ordonnances <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong> royale<br />

se sont limitées à réserver l’entrée dans les différentes unités aux naturels <strong>de</strong>s territoires d’Espagne, <strong>de</strong>s Pays-Bas et d’Italie,<br />

sans donner d’autres privilèges à caractère culturel qui creuseraient le fossé entre les unités et le reste <strong>de</strong> la société. En effet,<br />

il aurait été contre-productif pour les Bourbons, sous prétexte <strong>de</strong> différencier au maximum la nouvelle gar<strong>de</strong> royale, <strong>de</strong><br />

retomber dans l’écueil d’une symbolique territoriale trop forte qui aurait rendu un caractère politique à la présence d’unités<br />

constituée <strong>de</strong> vassaux dans l’entourage du roi. La référence au territoire se borne à être un espace géographique et non à<br />

une entité politique 618 .<br />

En réalité, d’un point <strong>de</strong> vue juridique, le pouvoir royal se gar<strong>de</strong> bien d’insister sur les spécificités « nationales »<br />

<strong>de</strong>s différentes unités <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong>. L’usage <strong>de</strong> la langue française dans les unités flaman<strong>de</strong>s est une pratique admise mais qui<br />

ne fera jamais l’objet d’une inscription juridique. Il n’existe ni <strong>de</strong> confréries, ni <strong>de</strong> lieu <strong>de</strong> culte spécifiques aux officiers <strong>de</strong>s<br />

unités flaman<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong>. La principale référence en matière d’organisation institutionnelle est la Maison militaire <strong>de</strong><br />

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