Rafael BenÃtez, Universidad de Valencia - framespa
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lespace <strong>de</strong> treze jours non sans grand dommaige et <strong>de</strong>triment » 24 . Puis, le 22 juillet, la flotte<br />
avait quitté Malte 25 et débarqué à Gozo où « elle priz tous les habitants et dépopula du tout<br />
l’isle » 26 , ce qui correspondait à 5 000 personnes, femmes, hommes et enfants confondus. Une<br />
centaine d’habitants furent laissés libres, pour instruire l’Ordre <strong>de</strong> ce qui était advenu 27 .<br />
Le second événement militaire d’importance fut le siège <strong>de</strong> 1565. Pendant quatre mois, du 23<br />
mai au 8 septembre, Maltais et chevaliers (soit 10 000 personnes en tout), avaient résisté<br />
vaillamment à une armée musulmane trois fois supérieure en nombre. Durant tout l’été,<br />
l’artillerie turque avait bombardé les forts et les cités portuaires et mené plusieurs assauts<br />
meurtriers, qui exigeaient une surveillance constante <strong>de</strong>s brêches <strong>de</strong>s remparts, un travail<br />
harassant pour les habitants <strong>de</strong> réparation <strong>de</strong>s fréquentes <strong>de</strong>structions et une mobilisation<br />
permanente <strong>de</strong>s assiégés 28 . L’événement le plus dramatique du siège fut assurément, le 23<br />
juin, la chute du fort Saint-Elme défendu par une garnison d’environ 150 hommes 29 . Un mois<br />
durant, le fort avait subi <strong>de</strong>s assauts 30 et essuyé entre 14 000 31 et 19 000 32 tirs d’artillerie qui<br />
avaient progressivement abattu ses murs. De tous les défenseurs, « nul n’y resta en vie, tant<br />
valeureusement se défendirent » 33 ; seuls <strong>de</strong>ux ou trois soldats parvinrent à prendre la fuite et<br />
à gagner Birgù à la nage en traversant le port, tandis que quelques chevaliers conservèrent la<br />
vie en se rendant aux Barbaresques qui les réduisirent en esclavage 34 . À la fin <strong>de</strong> l’été 1565, le<br />
siège avait ravagé le port et coûté la vie à 25 000 hommes environ : 15 000 du côté<br />
musulman 35 et 10 000 environ du côté chrétien (dont 3 000 soldats et chevaliers). Environ 6<br />
000 à 7 000 Maltais, essentiellement <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s enfants, étaient morts <strong>de</strong> maladie, <strong>de</strong><br />
faim et <strong>de</strong> blessures 36 .<br />
Par <strong>de</strong>ux fois donc, en 1551 et en 1565, la population insulaire avait payé un lourd tribut à<br />
l’affrontement méditerranéen entre chrétiens et musulmans. Les événements n’avaient pas<br />
concerné que l’Ordre, mais bien tous les habitants <strong>de</strong> Malte désormais soudés aux chevaliers<br />
dans une sorte d’union sacrée, chrétienne, qui transcendait toutes les différences <strong>de</strong> sexe,<br />
d’origine géographique et <strong>de</strong> statut social. Emportés par la vague hagiographique <strong>de</strong>s récits<br />
encensant les Hospitaliers comme les véritables héros <strong>de</strong> la croisa<strong>de</strong>, Malte et ses habitants se<br />
trouvaient héroïsés et sanctifiés, transformés en rempart chrétien contre les Infidèles. Ainsi<br />
rattachée à une histoire militaire qui lui était jusqu’alors quasiment étrangère 37 , la société<br />
maltaise se transformait en société <strong>de</strong> frontière vivant en accord avec les intérêts <strong>de</strong> ses<br />
autorités religieuses et s’illustra, à partir <strong>de</strong> la fin du XVI e siècle, dans une guerre <strong>de</strong> course<br />
qui prenait officiellement le relais <strong>de</strong>s affrontements passés. Au XVII e siècle, la gran<strong>de</strong><br />
majorité <strong>de</strong> la population insulaire vivait d’une activité corsaire qui, si elle s’apparentait bien<br />
souvent à <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> piraterie pure et simple, se pratiquait toujours a danno d’Infi<strong>de</strong>le. À un<br />
24 - AOM (Archives of the Or<strong>de</strong>r of Malta) 88, ff°93r.-93v., 6 août 1551, Lettre du Grand Maître au roi <strong>de</strong> France.<br />
25 - AOM 88, f°94r.<br />
26 - AOM 88, f°93v., Lettre au roi <strong>de</strong> France.<br />
27 - Giacomo Bosio, Dell’Historia <strong>de</strong>lla Religione et Illustrissima Militia di San Giovanni Gierosolimitano, Rome, 1596,<br />
Tome III, p.305.<br />
28 - Martin Croua, Brief Discours du Siege et oppugnation <strong>de</strong> l’Ile <strong>de</strong> Malte. Contenant l’Histoire <strong>de</strong> ce qui s’est fait <strong>de</strong>puis<br />
l’arrivée jusques à la retraite et fuyte <strong>de</strong> l’armée du Grand Turc Soliman en l’an MDLXV, Anvers, 1565, p.13.<br />
29 - Balbi <strong>de</strong> Correggio, La Verda<strong>de</strong>ra Relación <strong>de</strong> todo lo que el anno <strong>de</strong> MDLXV ha succedido en la Isla <strong>de</strong> Malta, <strong>de</strong> antes<br />
que llegasse l’armada sobre ella <strong>de</strong> Soliman Gran Turco, Barcelona, ed. Pedro Reigner, 1568, f°31r.<br />
30 - Raoul James Dunbar Cousin, A Diary of the Siege of Saint-Elmo, The Lux Press, Malta, 1955, p.123.<br />
31 - M. Croua, Brief Discours du Siege..., p.10.<br />
32 - SMOM (Sovrano Militare Ordine di Malta), Copie <strong>de</strong> plusieurs missives escrites et envoyées <strong>de</strong> Malte par le Seigneur<br />
grand Maistre, et autres chevaliers <strong>de</strong> Sainct Iehan <strong>de</strong> Hierusalem, a nostre Sainct Pere et autres Seigneurs..., Paris, Jean<br />
Dallier libraire, 1565, f°13r.<br />
33 - M. Croua, Brief Discours du Siege..., p.10.<br />
34 - Balbi <strong>de</strong> Correggio, La Verda<strong>de</strong>ra Relación..., f°55r.<br />
35 - Bosio, III, p.711.<br />
36 - Bosio, III, p.711.<br />
37 - H. Bresc, .Une petite course existait toutefois au Moyen Âge à Malte, mais qui n’avait pas l’envergure <strong>de</strong> celle qui se<br />
développa à l’époque mo<strong>de</strong>rne.<br />
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