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Rafael Benítez, Universidad de Valencia - framespa

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L’i<strong>de</strong>ntité tabarkine s’est construite sur le souvenir <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux siècles passés sur un rocher,<br />

mais surtout autour <strong>de</strong>s malheurs subits. Le départ <strong>de</strong> 1738 et l’évacuation <strong>de</strong>1741 ont été<br />

vécus comme <strong>de</strong>ux tournants qui ont à la fois permis la survie <strong>de</strong> la communauté mais aussi<br />

causé son implosion et son déracinement. Alors que la capture <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> Carloforte par<br />

les corsaires <strong>de</strong> Tunis en 1798 et leur installation forcée dans la régence pendant quelques<br />

années, a été perçue par les tabarkins en général et ceux <strong>de</strong> Carloforte en particulier, comme<br />

une gran<strong>de</strong> injustice traumatisante qui a renforcé le sentiment <strong>de</strong> persécution. Cet événement<br />

est commémoré, encore aujourd’hui par les carlofortais. Au mois <strong>de</strong> juin <strong>de</strong> chaque année on<br />

célèbre l’arrivée <strong>de</strong> la vierge « <strong>de</strong>llo schiavo », vierge noire rapportée <strong>de</strong> Tabarka en 1738 et<br />

qui orne toujours l’autel <strong>de</strong> l’église <strong>de</strong> la ville. La commémoration insiste sur la « réduction en<br />

esclavage » et son caractère intolérable pour cette communauté qui se considère toujours<br />

comme exilée <strong>de</strong> Tabarka. Le nombre <strong>de</strong>s Tabarkins installés aujourd’hui à Tunis, étant<br />

extrêmement réduit, c’est à Carloforte que cette i<strong>de</strong>ntité, farouchement insulaire, continue à<br />

se manifester à travers toute une série <strong>de</strong> traits culturels et sociaux. La langue tabarkine,<br />

toujours parlée, est un mélange <strong>de</strong> ligure, <strong>de</strong> provençal avec quelques mots d’arabe. Dans le<br />

domaine culinaire le principal plat est le « kechkech » (coucous) blanc, cuit à la mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

campagnes du nord ouest tunisien, préparé à la vapeur <strong>de</strong> légumes ou <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>, mais sans<br />

sauce tomate. Le thon, dont la pêche fait partie <strong>de</strong>s activités majeures <strong>de</strong> la ville caroline fait<br />

partie <strong>de</strong>s mets courants. Il est encore <strong>de</strong> mise d’offrir un voile <strong>de</strong> mariée rouge, comme celui<br />

<strong>de</strong>s tribus qui entouraient Tabarka. Certains carlofortais se plaisent encore à raconter que<br />

jusqu’aux années cinquante du vingtième siècle, les candidats au mariage allaient par barque<br />

chercher une partie <strong>de</strong> leurs trousseaux et meubles à Tabarka. Le travail du corail reste par<br />

ailleurs une <strong>de</strong>s particularités <strong>de</strong> l’île <strong>de</strong> Saint Pierre. En fin les enjeux politiques <strong>de</strong>s élections<br />

actuelles ne manquent jamais <strong>de</strong> traduire par les clivages ou parfois les rassemblements, le<br />

souci <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>r l’i<strong>de</strong>ntité tabarkine dans la Sardaigne actuelle.<br />

« Des frontières persistent en dépit <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> personnes qui les franchissent » 43 selon<br />

F.BARTH; on serait tenté d’inverser le raisonnement à propos <strong>de</strong> Tabarka, en disant que la<br />

communauté se maintient, en dépit <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> frontières et <strong>de</strong> souverainetés. Mais<br />

cela veut il dire pour autant que la frontière a disparu ? Vivre à la frontière c’est un état<br />

d’esprit, un rapport particulier à l’espace et au territoire, encore plus quand il s’agit<br />

d’insularité doublée <strong>de</strong> particularisme religieux. Les hommes <strong>de</strong>s frontières se considèrent<br />

toujours comme différents et toute velléité d’attraction/domination à leur égard les repousse<br />

<strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la frontière, quitte à en créer <strong>de</strong> nouvelles.<br />

43 F. BARTH, « Les groupes ethniques et leurs frontières », in Théories <strong>de</strong> l’ethnicité, Paris, 1995, p.204, cité par<br />

A.BROGINI, Malte, frontière <strong>de</strong> chrétienté (1530-1670), Rome, 2006, p.1.<br />

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