Rafael BenÃtez, Universidad de Valencia - framespa
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l’économie du régiment en gran<strong>de</strong> partie sur les capitaines. Ceux-ci sont payés au pro rata du<br />
nombre <strong>de</strong> soldats présents lors <strong>de</strong>s revues <strong>de</strong> leurs compagnies et bénéficient d’avantages<br />
économiques lorsque leur compagnie est complète. Il s’agit <strong>de</strong> la sorte <strong>de</strong> faire coïnci<strong>de</strong>r les<br />
intérêts <strong>de</strong>s officiers avec ceux du pouvoir royal. Par ailleurs, la figure institutionnelle du<br />
sergent major, et dans une moindre mesure du lieutenant colonel, sont renforcées par<br />
l’administration militaire qui en fait les principaux gestionnaires <strong>de</strong> l’économie interne du<br />
régiment. Le trésorier remet la sol<strong>de</strong> au sergent major qui la redistribue ensuite entre les<br />
capitaines. L’indépendance du sergent major est garantie notamment par le fait que son<br />
emploi n’est pas vénal, qu’il est nommé par le roi et qu’il est couvert généralement par <strong>de</strong>s<br />
militaires roturiers ayant une longue carrière dans les armes. Le colonel conserve une position<br />
dominante, notamment dans les propositions aux emplois, mais il est progressivement écarté<br />
<strong>de</strong>s tâches logistiques et économiques 29 .<br />
Les réformes militaires entamées par Philippe V dès les premiers mois <strong>de</strong> son règne ne<br />
diffèrent guère dans le principe 30 . Elles consistent à rompre avec l’ancienne structure du<br />
tercio, miné par la désertion, et à introduire les régiments sur le modèle <strong>de</strong> Louis XIV. Les<br />
<strong>de</strong>ux régiments <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s (espagnoles et wallonnes) sont également formés selon les<br />
nouveaux principes <strong>de</strong> gestion. Néanmoins, la volonté <strong>de</strong> Philippe V <strong>de</strong> détacher ces unités du<br />
contrôle <strong>de</strong> l’administration militaire s’est réalisée au prix d’une large autonomie concédée<br />
aux colonels. En forçant à peine le propos, on pourrait dire que les régiments <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong>, les<br />
fleurons <strong>de</strong> la nouvelle dynastie, sont ceux dont le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement est le plus proche<br />
du siècle antérieur 31 . Les secrétaires <strong>de</strong> guerre successifs, dès les len<strong>de</strong>mains <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong><br />
Succession, vont tenter <strong>de</strong> récupérer le terrain cédé aux colonels. En fait, ils n’ont l’occasion<br />
<strong>de</strong> découvrir le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> circulation <strong>de</strong> l’argent au sein du régiment qu’à l’occasion <strong>de</strong>s<br />
conflits qui opposent les capitaines au colonel. En temps normal, les capitaines<br />
s’accommo<strong>de</strong>nt relativement bien d’un système <strong>de</strong> gestion du colonel. Seuls les conflits ont<br />
permis <strong>de</strong> mettre à jour l’existence d’importants détournements <strong>de</strong> fonds venant alimenter <strong>de</strong>s<br />
caisses noires dont on sait par ailleurs que la plupart <strong>de</strong>s officiers ont pu en bénéficier 32 .<br />
L’existence <strong>de</strong> ce système financier occulte a bien entendu contribué à renforcer la position<br />
du colonel. Si les officiers veulent bénéficier <strong>de</strong>s caisses noires, ils doivent accepter les règles<br />
imposées par le colonel. Ce <strong>de</strong>rnier est, en retour, fragilisé par le système en cas <strong>de</strong> conflit<br />
grave avec certains <strong>de</strong> ses capitaines.<br />
La crise <strong>de</strong> 1777 apparaît alors que <strong>de</strong>s tensions agitent le corps <strong>de</strong>s officiers <strong>de</strong>puis plusieurs<br />
années 33 . Le comte <strong>de</strong> Priego, colonel <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s wallonnes, règne sans partage sur le<br />
régiment <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> vingt-cinq ans. Néanmoins, le contrôle du secrétaire <strong>de</strong> guerre sur le<br />
corps est plus important. Une <strong>de</strong>s mesures prises par l’administration royale a été d’instaurer<br />
le principe d’une vérification périodique <strong>de</strong>s comptes du régiment par trois capitainescontrôleurs<br />
désignés par le roi. Jusque là, la vérification <strong>de</strong>s comptes n’avait pas posé <strong>de</strong><br />
problèmes. Du moins, les rapports remis par les contrôleurs avaient été contre signés par le<br />
colonel dans une parfaite harmonie. Toutefois, un <strong>de</strong>s capitaines-contrôleurs <strong>de</strong> 1777, un<br />
29 G. Rowlands, The Dynastic State and the Army un<strong>de</strong>r Louis XIV. Royal Service and Private Interest, 1661-1701,<br />
Cambridge, 2002.<br />
30 : F. Andújar Castillo, Los militares en la España <strong>de</strong>l siglo XVIII: un estudio social, Grena<strong>de</strong>, 1991 ; Id. « La reforma<br />
militar <strong>de</strong> Felipe V », op. cit ; Id., « El ejército <strong>de</strong> Felipe V. Estrategias y problemas <strong>de</strong> una reforma », op. cit. ; C. Borreguero<br />
Beltrán, « Del Tercio al Regimiento », Estudis, 27, 2001, p. 53-89.<br />
31 En 1712 notamment, les colonels obtiennent le droit <strong>de</strong> contrôler la totalité <strong>de</strong>s comptes du régiment à l’exclusion <strong>de</strong>s<br />
capitaines. J. A. Portugues, Colección general <strong>de</strong> las or<strong>de</strong>nanzas militares, Madrid, 1764, t. 5, p. 305-307. De même, dans les<br />
premières années du siècle, lors d’emplois vacants, les colonels proposent un seul candidat au roi, alors que les autres<br />
régiments <strong>de</strong> l’armée doivent présenter une liste <strong>de</strong> trois personnes réglées selon leur ancienneté. Voir notamment : AHN,<br />
Estado, 495-1, s. f.<br />
32 AHPB, Troch, Test. 1768-1773, fol. 280-292. Testament <strong>de</strong> Manuel Craywinckel (Barcelone, 11 juillet 1772).<br />
33 AGS, GM, 2308. En 1759, un conflit oppose Pedro Dubarlet, lieutenant colonel, au comte <strong>de</strong> Priego, colonel <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s<br />
wallonnes, au sujet <strong>de</strong> la préséance du sergent major sur le lieutenant colonel.<br />
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