Rafael BenÃtez, Universidad de Valencia - framespa
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2. Liens avec la Provence et intégration dans le royaume<br />
Au milieu du XVII e siècle, la situation d’Avignon et du Comtat Venaissin n’apparaît pas très<br />
différente <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> certaines villes provençales. Marseille et Arles, principales villes <strong>de</strong>s<br />
terres adjacentes, considèrent qu’elles n’appartiennent pas au Pays <strong>de</strong> Provence et que seul<br />
compte le lien personnel noué avec le roi, garant <strong>de</strong> leur autonomie et <strong>de</strong> leurs privilèges. En<br />
matière fiscale par exemple, elles échappent aux impositions consenties par le Pays et<br />
accor<strong>de</strong>nt à la monarchie <strong>de</strong>s dons gratuits au montant relativement faible. Bien que le<br />
souverain soit différent, Avignon se comporte aussi comme une ville libre, fière <strong>de</strong> son passé,<br />
et ne manque pas une occasion <strong>de</strong> rappeler aux représentants du pouvoir pontifical que leur<br />
droit d’intervention sur les affaires intérieures <strong>de</strong> la cité est limité par <strong>de</strong>s statuts et <strong>de</strong>s usages.<br />
Par exemple, après que le vice-légat Lascaris ait obtenu, en janvier et février 1659, une<br />
réconciliation <strong>de</strong>s nobles, il cherche une solution financière pour in<strong>de</strong>mniser les victimes <strong>de</strong>s<br />
révoltes populaires dont les biens ont été pillés et saccagés, mais la ville s’oppose à<br />
l’établissement d’une contribution sur les maisons et jardins situés dans l’enceinte <strong>de</strong> la ville,<br />
qu’elle considère comme injuste, et elle envoie une ambassa<strong>de</strong> auprès du pape. Or lorsque le<br />
vice-légat tente d’obtenir une copie <strong>de</strong> la délibération qui lui permettrait <strong>de</strong> connaître<br />
précisément l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s membres du conseil, le secrétaire et les consuls lui rappellent que la<br />
liberté <strong>de</strong>s délibérations est un privilège <strong>de</strong> la ville et refusent donc d’obtempérer. Lascaris<br />
admet ce refus, sans pour autant renoncer à peser sur la vie politique locale puisque les<br />
conseillers obtempèrent assez facilement, peu <strong>de</strong> temps après, à une ordonnance interdisant<br />
d’élire comme consuls <strong>de</strong>ux nobles qu’il estime responsables <strong>de</strong> l’opposition à ses ordres<br />
(MM. <strong>de</strong> la Barthelasse et <strong>de</strong> Saint-Martin) 276 . Cette affaire définit un modèle <strong>de</strong> relations<br />
politiques : l’intervention <strong>de</strong>s pouvoirs supérieurs dans les élections est admise mais le conseil<br />
en place doit pouvoir délibérer librement.<br />
Les populations <strong>de</strong>s enclaves pontificales se rapprochent aussi <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> la Provence<br />
par <strong>de</strong>s problèmes et <strong>de</strong>s intérêts communs, notamment en matière monétaire, économique et<br />
fiscale.<br />
La mise en circulation en gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong> pièces <strong>de</strong> billon <strong>de</strong> faible valeur a <strong>de</strong> fortes<br />
inci<strong>de</strong>nces sur l’économie du Sud-Est du royaume <strong>de</strong> France au milieu du XVII e siècle. Or ces<br />
pièces sont frappées aussi bien à Avignon et dans le Comtat que dans la principauté d’Orange<br />
et à Villeneuve-lès-Avignon, en Languedoc, face aux possessions pontificales 277 . L’aspect <strong>de</strong>s<br />
pièces prête volontairement à confusion : les limites politiques et les questions <strong>de</strong><br />
souveraineté ne jouent donc qu’un rôle mineur ou plutôt favorisent une production que la<br />
monarchie française tolère parce qu’elle est utile à l’économie régionale pour pallier la disette<br />
monétaire et qu’elle ne remet pas en cause la souveraineté française. Cependant, cette<br />
situation encourage le faux-monnayage et le trafic <strong>de</strong>s monnaies : la monnaie française étant<br />
sous-évaluée, cette situation profite aux enclaves pontificales qui accumulent le métal<br />
précieux. La gran<strong>de</strong> réforme française <strong>de</strong> 1640-1641 met <strong>de</strong> l’ordre dans la circulation<br />
monétaire. Ses conséquences sur l’économie avignonnaise et comtadine sont mal connues<br />
mais il est probable que la limitation du trafic, rendu plus difficile par les contrôles effectués<br />
par la France, eut un effet déflationniste. Les difficultés pour l’économie <strong>de</strong>s enclaves peuvent<br />
expliquer l’aggravation <strong>de</strong>s tensions sociales au milieu du XVII e siècle, surtout à Avignon qui<br />
brassait <strong>de</strong>s sommes d’argent considérables par le commerce <strong>de</strong>s soieries et <strong>de</strong>s velours<br />
<strong>de</strong>stiné en gran<strong>de</strong> partie à l’exportation.<br />
276 . J. MERITAN, « Les troubles et émeutes d’Avignon (1652-1659) », art. cité, p. 55-57.<br />
277 . R. VALLENTIN, « Les doubles tournois et les <strong>de</strong>niers tournois frappés à Villeneuve-lès-Avignon pendant le règne <strong>de</strong> Louis<br />
XIII (1610-1643) », Mémoires <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong> Vaucluse, t. VII, 1888, p. 33-59 ; J. LAUGIER, « Monnaies inédites ou peu<br />
connues <strong>de</strong>s papes et légats d’Avignon », Comptes rendus du Congrès tenu à Avignon par la Société française d’archéologie<br />
en septembre 1882, Paris, 1882, p. 19-26.<br />
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