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Rafael Benítez, Universidad de Valencia - framespa

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Ainsi, à partir <strong>de</strong> 1770 on peut parler <strong>de</strong> communauté tabarkine tricéphale : à Tunis, à<br />

Carloforte et à la Nueva Tabarka 39 .<br />

Les tabarkins à Tunis à la recherche d’un nouveau statut, <strong>de</strong> nouvelles<br />

protections<br />

A partir du milieu du XVIIIè siècle les différentes communautés originaires <strong>de</strong><br />

Tabarka, connurent à la fois <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stins particuliers mais aussi <strong>de</strong>s évolutions croisées; leur<br />

survie dépendait beaucoup <strong>de</strong> leurs soutiens les unes aux autres. Transplantés à Tunis en<br />

1741, après <strong>de</strong>ux siècles passés leur île, quel est le nouveau statut <strong>de</strong>s Tabarkins 40 ?<br />

Pour les autorités <strong>de</strong> Tunis les personnes capturées à Tabarka, étaient <strong>de</strong>s prisonniers<br />

<strong>de</strong> guerre. La stratégie <strong>de</strong>s Puissances <strong>de</strong> la régence était <strong>de</strong> les utiliser comme monnaie<br />

d’échange pour libérer les captifs <strong>de</strong> la course chrétienne détenus en Europe. Mais après <strong>de</strong>ux<br />

opérations <strong>de</strong> rachat, les autorités génoises ne montraient plus beaucoup d’empressement à<br />

payer la rançon <strong>de</strong>s tabarkins. On le sait, les rachats <strong>de</strong> captifs étaient réalisés en gran<strong>de</strong> partie<br />

par les individus eux-mêmes. Ils payaient leurs rançons, en liquidant <strong>de</strong>s biens se trouvant<br />

dans leurs propres pays, ou en faisant à leurs familles en Europe pour effectuer les mêmes<br />

taches ou en leur prêtant <strong>de</strong> l’argent. Comme les tabarkins n’avaient plus beaucoup d’ancrage<br />

en Europe, ils n’avaient que peu <strong>de</strong> chances d’être rachetés. Ainsi en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ceux<br />

embarqués par les troupes algériennes en 1756, ils décidèrent à rester dans la régence.<br />

Pendant plusieurs années le bey leur garantissait le logement et payait une partie <strong>de</strong> leurs<br />

besoins : bois, huile…En fait il les considérait <strong>de</strong> plus en plus comme <strong>de</strong>s dhimmis,<br />

« protégés », à l’instar <strong>de</strong>s autres non musulmans dans le pays, ne relevant d’aucune<br />

souveraineté européenne. En perdant leur territoire les Tabarkins n’avaient plus leur<br />

protection politique hispano génoise. Ils étaient désormais <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la frontière. Ils ne<br />

sont plus à la frontière <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s mais une minorité chrétienne en terre musulmane.<br />

Cette décision <strong>de</strong> rester à Tunis, a eu <strong>de</strong>s conséquences importantes sur la<br />

communauté tabarkine. D’abord, certain <strong>de</strong> ses membres s’islamisèrent sans perdre contact<br />

avec le groupe d’origine. Dans les sources locales ils sont toujours i<strong>de</strong>ntifiés comme<br />

tabarkins. D’autres tout en restant chrétiens, entrèrent au service du bey, en tant que fermiers<br />

ou d’agents: ainsi par exemple en 1743 nous trouvons Bastiano le tabarkin fermier <strong>de</strong> la<br />

fabrication <strong>de</strong>s vins et alcools à Tunis; en 1764 Gozzo le tabarkin est <strong>de</strong>venu mé<strong>de</strong>cin du bey.<br />

Le service du beylik représentait pour certains Tabarkins, une source <strong>de</strong> revenu et un moyen<br />

<strong>de</strong> se protéger. Plusieurs familles peuvent être considérées comme makhzéniennes, et le<br />

restèrent plus d’un siècle. Une <strong>de</strong>s plus connues est celle <strong>de</strong>s Bogo. Elle avait fourni <strong>de</strong>s<br />

Gouverneurs à Tabarka au XVII è siècle et les premiers consuls génois à Tunis. Mais jusqu’au<br />

XIXè siècle, <strong>de</strong>s Bogo étaient au service du bey. Les tabarkins s’autochtonisent donc, à<br />

Tunis. Par ailleurs, d’autres membres <strong>de</strong> cette communauté cherchèrent à occuper le rôle<br />

d’intermédiaires entre les marchands européens <strong>de</strong> Tunis et la société locale. Ils mirent ainsi,<br />

à profit leurs connaissances linguistiques, leurs liens avec les marchés italiens en en<br />

particulier, ainsi que leur acclimatation aux conditions et aux usages du pays. Il s’agissait<br />

pour eux <strong>de</strong> développer une nouvelle fonctionnalité adaptée à leur nouveau statut.<br />

Pendant toute la fin du XVIIIè siècle et au début du siècle suivant, les tabarkins <strong>de</strong><br />

Tunis réussirent bien dans ce rôle d’entre <strong>de</strong>ux. Ils se sont placés eux mêmes sur une<br />

nouvelle frontière, celle <strong>de</strong> vivre et <strong>de</strong> travailler entre la majorité musulmane <strong>de</strong> la régence et<br />

le microcosme international <strong>de</strong>s nations européennes tout en maintenant <strong>de</strong>s liens forts avec<br />

39 S.BOUBAKER, 1993, pp.17-29; J.B. VILAR, 1995, pp.. 174 -177.<br />

40 Une étu<strong>de</strong> comparée <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> ces trois communautés serait d’un grand intérêt, mais elle n’est pas à notre portée<br />

aujourd’hui. Nous focaliserons le regard sur les Tabarkins <strong>de</strong> Tunis et autant que possible sur ceux <strong>de</strong> étu<strong>de</strong><br />

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