Rafael BenÃtez, Universidad de Valencia - framespa
Rafael BenÃtez, Universidad de Valencia - framespa
Rafael BenÃtez, Universidad de Valencia - framespa
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Effacer la limite ? Les enjeux sociaux <strong>de</strong> la « fron<strong>de</strong> avignonnaise » au milieu du XVII e<br />
siècle<br />
Patrick Fournier, Université Blaise Pascal <strong>de</strong> Clermont-Ferrand / Centre<br />
d’Histoire « Espaces et Cultures »<br />
L’historiographie avignonnaise et comtadine porte une attention limitée aux acteurs et aux<br />
enjeux sociaux <strong>de</strong> la situation d’enclave à l’intérieur du territoire français. La thèse <strong>de</strong> « la<br />
double fidélité au pape et au roi », défendue notamment pas Michel Feuillas 262 , permet <strong>de</strong><br />
concilier nostalgie pour la splen<strong>de</strong>ur du grand siècle avignonnais (le XIV e marqué par le<br />
séjour <strong>de</strong>s papes) et dépendance vis-à-vis du souverain français dont les territoires enserrent<br />
les enclaves pontificales <strong>de</strong>puis l’acquisition <strong>de</strong> la Provence en 1481 et font peser sur elles<br />
une pression constante à la fois économique et politique. Cette situation amène à s’interroger<br />
sur la véritable nature <strong>de</strong> l’entité avignonnaise et comtadine : un territoire étranger enclavé<br />
dans les possessions françaises ? un Etat ecclésiastique gouverné par un clergé presque<br />
toujours italien ? un ensemble constitué par une ville « libre » et une province<br />
« indépendante » mais reconnaissant un souverain lointain (selon un principe d’union<br />
personnelle) et dont le <strong>de</strong>gré d’autonomie dépend <strong>de</strong>s domaines considérées (droit <strong>de</strong>s gens,<br />
droits <strong>de</strong>s individus, affaires économiques…) ? Ces questions soulevées notamment dans un<br />
colloque international consacré aux enclaves à l’époque mo<strong>de</strong>rne 263 ne peuvent être résolues<br />
d’un point <strong>de</strong> vue seulement politique et juridique mais doivent prendre en considération aussi<br />
<strong>de</strong>s critères économiques, sociaux, culturels et religieux.<br />
La situation est rendue particulièrement complexe par la distinction territoriale et politique<br />
entre Avignon et le Comtat mais aussi par le fait que les juridictions avignonnaises se<br />
superposent à celles du Comtat et sont elles-mêmes soumises à <strong>de</strong>s juridictions romaines. Il<br />
existe dont une hiérarchie judiciaire doublée d’une hiérarchie politique puisque le recteur du<br />
Comtat, qui rési<strong>de</strong> à Carpentras, est un personnage inférieur en dignité et en prérogatives au<br />
vice-légat d’Avignon qui doit lui-même rendre compte <strong>de</strong> son action à Rome où un légat<br />
s’occupe <strong>de</strong>s affaires avignonnaises. La souveraineté du pape ne fait donc aucun doute : les<br />
tribunaux français n’ont aucune compétence sur Avignon et le Comtat qui dépen<strong>de</strong>nt<br />
entièrement <strong>de</strong> Rome.<br />
Se pose en revanche le problème <strong>de</strong>s tribunaux compétents chaque fois qu’un conflit concerne<br />
<strong>de</strong>s espaces à la limite entre la France et les enclaves pontificales car la définition même <strong>de</strong> la<br />
limite est complexe et la tentation d’empiéter sur les territoires voisins est fréquente. Les<br />
contestations se produisent au niveau <strong>de</strong> limites « naturelles » (principalement les rivières), <strong>de</strong><br />
communautés (par exemple pour <strong>de</strong>s droits d’usage) ou <strong>de</strong> seigneuries (qui peuvent être<br />
d’étendue très réduite dans un territoire où l’émiettement <strong>de</strong>s droits seigneuriaux est grand) ;<br />
elles peuvent aussi concerner <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> passage sur une rivière ou un chemin 264 . Les<br />
origines <strong>de</strong>s conflits peuvent être anciennes et remonter aux <strong>de</strong>rniers siècles du Moyen Âge<br />
(jamais au-<strong>de</strong>là du XIII e cependant, car c’est le moment où la domination pontificale s’est<br />
implantée dans cet espace et les documents écrits conservés remontent rarement plus haut)<br />
262 . Histoire d’Avignon, Aix-en-Provence, Edisud, 1979, p. 382.<br />
263 . P. DELSALLE, A. FERRER, Les enclaves territoriales aux Temps mo<strong>de</strong>rnes (XVI e – XVIII e siècles). Colloque international<br />
<strong>de</strong> Besançon, 4-5 octobre 1999, Besançon, Presses Universitaires franc-comtoises, 2000. Deux articles portaient sur Avignon<br />
et le Comtat Venaissin : M. FERRIERES, « Au cœur du royaume : Avignonnais et Comtadins », p. 39-58 ; P. FOURNIER, « Les<br />
procès du Rhône et <strong>de</strong> la Durance : une expression <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> frontière et <strong>de</strong> souveraineté entre la France et les<br />
enclaves pontificales d’Avignon et du Comtat Venaissin (XV e – XVIII e siècles) », p. 347-374.<br />
264 . Plusieurs exemples significatifs sont fournis par S. BENTIN : « La mémoire <strong>de</strong>s limites : l’exemple du Comtat », dans J.-L.<br />
FRAY, C. PEROL (dir.), L’historien en quête d’espaces, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 273-<br />
292.<br />
147