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Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

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sources forestières est accompagné d'une diminution<br />

<strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> pêche. <strong>Le</strong>s ressources en <strong>saumon</strong>, en<br />

maquereau, en hareng et en gaspareau sont à peine<br />

exploitées; la morue, toujours considérée comme le<br />

poisson <strong>de</strong> mer le plus précieux, n'est pêchée qu'à <strong>de</strong>ux<br />

endroits, à Shippegan et à Miscou. <strong>Le</strong> reste <strong>de</strong><br />

l'in<strong>du</strong>strie est en crise, <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> personnes<br />

l'abandonnant pour se lancer <strong>dans</strong> l'expolitation forestière,<br />

une activité plus rentable.<br />

Dès 1816, le gouverneur, Sir Howard Douglas,<br />

poussé par la nette diminution <strong>de</strong>s exportations <strong>de</strong> poissons<br />

<strong>de</strong> la colonie, intro<strong>du</strong>it <strong>dans</strong> son discours <strong>du</strong> Trône<br />

plusieurs mesures visant à encourager les pêches, dont<br />

une prime à la capture et au salage <strong>du</strong> poisson <strong>de</strong>stiné<br />

aux marchés méditerranéens. En 1819, les lois régissant<br />

l'inspection <strong>du</strong> poisson sont également mises à jour<br />

mais, comme elles sont incluses jusqu'alors <strong>dans</strong> les<br />

statuts réglementant l'exploitation forestière, elles restent<br />

sans effet; le fait <strong>de</strong> les retirer <strong>de</strong> ce contexte laisse<br />

voir une tentative pour faire <strong>de</strong>s pêches un secteur distinct<br />

et important <strong>de</strong> l'in<strong>du</strong>strie. Toutefois, ces mesures<br />

et d'autres dispositions théoriques font en réalité très<br />

peu pour encourager la pêche au <strong>saumon</strong> ou pour augmenter<br />

les exportations. De plus, il y a lieu <strong>de</strong> croire<br />

que la crise <strong>dans</strong> laquelle cette ressource s'enlise n'est<br />

pas entièrement causée par la mutation <strong>de</strong> la base économique<br />

<strong>de</strong> la colonie. Certains signes permettent <strong>de</strong><br />

voir que l'espèce n'est pas aussi nombreuse après 1815<br />

et il est clair, d'après les rapports <strong>de</strong> ceux qui continuent<br />

à pratiquer cette pêche, qu'il <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus<br />

difficile d'attraper assez <strong>de</strong> <strong>saumon</strong>s pour que cette<br />

activité soit rentable.'<br />

De nombreuses raisons sont données pour expliquer<br />

cette rareté. Elle est attribuée pour une raison ou<br />

pour une autre aux saisons exceptionnellement froi<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> 1814 à 1818 mais la cause le plus souvent mentionnée<br />

est la surexploitation — l'exploitation sans<br />

borne à laquelle les ressources en <strong>saumon</strong> sont soumises<br />

<strong>de</strong>puis le début <strong>du</strong> siècle. Lorsque cette cause est reconnue<br />

par le pouvoir législatif, ce <strong>de</strong>rnier élabore <strong>de</strong> nouveaux<br />

règlements pour tenter d'améliorer la situation.<br />

En 1816, la longueur <strong>de</strong>s filets ten<strong>du</strong>s <strong>dans</strong> la baie <strong>de</strong><br />

Miramichi est limitée à 65 brasses afin <strong>de</strong> donner au<br />

poisson une meilleure chance <strong>de</strong> s'échapper. En 1820,<br />

la pêche aux filets dérivants est interdite <strong>dans</strong> toutes les<br />

parties <strong>de</strong> la province car cette métho<strong>de</strong> est «jugée<br />

comme très dommageable pour les pêches ». En 1823,<br />

les amen<strong>de</strong>s imposées pour les infractions à la Loi sur<br />

les pêches sont augmentées et, en raison <strong>de</strong> l'épuisement<br />

grave <strong>de</strong>s stocks <strong>de</strong> <strong>saumon</strong>s <strong>de</strong> la rivière<br />

Petitcodiac, la péche n'y est permise que pendant trois<br />

jours par semaine, ce qui ne s'est jamais vu auparavant.<br />

En 1831, afin <strong>de</strong> protéger les stocks <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong>s<br />

Chaleurs, les juges <strong>de</strong> paix <strong>du</strong> comté <strong>de</strong> Gloucester, qui<br />

comprend à l'époque l'actuel comté <strong>de</strong> Restigouche,<br />

sont autorisés à adopter tout règlement qu'ils jugent<br />

nécessaires, mais leur apathie entraîne l'intervention <strong>du</strong><br />

pouvoir législatif qui, en 1933, adopte une loi établissant<br />

<strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fermeture saisonnières et hebdomadaires<br />

et limitant la longueur <strong>de</strong>s filets ten<strong>du</strong>s <strong>dans</strong><br />

les cours d'eau.'"<br />

Ces mesures législatives ne réussissent cependant<br />

pas beaucoup à conserver ou à améliorer les stocks <strong>de</strong><br />

<strong>saumon</strong>s, surtout parce qu'elles ne tiennent pas compte<br />

<strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction causée par les diverses activités liées<br />

à l'in<strong>du</strong>strie forestière, notamment la dérivation <strong>de</strong>s<br />

cours d'eau, la coupe rase et la constructon <strong>de</strong> barrages<br />

ou ne la limitent pas par <strong>de</strong>s règlements. Avant que la<br />

guerre <strong>de</strong> 1812 n'éclate, la province ne compte que<br />

quelques scieries et barrages exploités uniquement pour<br />

répondre aux besoins locaux puisque, à cette époque,<br />

l'in<strong>du</strong>strie forestière pro<strong>du</strong>it principalement <strong>de</strong>s mâts <strong>de</strong><br />

bois <strong>de</strong>stinés à l'exportation, un pro<strong>du</strong>it qui n'a pas<br />

besoin d'être façonné. Il n'est pas rentable d'expédier<br />

par bateau d'autres pro<strong>du</strong>its <strong>du</strong> bois en Gran<strong>de</strong>-<br />

Bretagne, puisque ce pays peut facilement s'en procurer<br />

<strong>dans</strong> les pays <strong>de</strong> la Baltique.<br />

Seuls les poteaux si rares et si précieux essentiels à<br />

l'érection <strong>de</strong>s grands mâts <strong>de</strong>s plus gros navires <strong>de</strong> la<br />

marine justifiaient leurs coûts <strong>de</strong> transport transatlantique.<br />

Toutefois, après 1812, <strong>de</strong>s débouchés pour le bois<br />

<strong>de</strong> construction, la latte, la douve et le bois équarri<br />

apparaissent et la guerre qui fait rage en Europe élargit<br />

le commerce <strong>du</strong> bois entre le Gran<strong>de</strong>-Bretagne et<br />

<strong>l'Amérique</strong> <strong>du</strong> <strong>Nord</strong> britannique. Ces éléments<br />

entraînent, pendant les 40 années qui suivent, la construction<br />

<strong>de</strong> 15 nouvelles usines par année, la plupart<br />

d'entre elles étant exploitées <strong>de</strong> concert avec <strong>de</strong>s barrages<br />

construits en travers <strong>de</strong>s rivières et cours d'eau.<br />

Dès 1819, près <strong>de</strong> 300 bateaux par année chargent <strong>du</strong><br />

bois à Miramichi et, dès 1824, plus <strong>de</strong> 140 000 tonnes<br />

<strong>de</strong> bois sont expédiées annuellement à partir <strong>de</strong>s ports<br />

<strong>du</strong> Nouveau-Brunswick situé sur le golfe.'<br />

<strong>Le</strong> <strong>saumon</strong> en subit les contrecoups; ses frayères<br />

sont érodées par la dérivation <strong>de</strong>s cours d'eau et leurs<br />

anciens refuges leur sont interdits par <strong>de</strong>s barrages qui<br />

sont également <strong>de</strong>s endroits <strong>de</strong> prédilection pour les<br />

pêcher à la pointe. Même si une loi adoptée en 1810<br />

rend obligatoire l'aménagement <strong>de</strong> passes à poissons<br />

<strong>dans</strong> <strong>de</strong> tels ouvrages, tous contournent la loi. De plus,<br />

le gouvernement ferme les yeux sur le problème, estimant<br />

que si l'in<strong>du</strong>strie forestière et les pêches sont<br />

incompatibles, les pêches doivent cé<strong>de</strong>r pour le moment<br />

la place à cette in<strong>du</strong>strie, les arbres <strong>du</strong> Nouveau-<br />

Brunswick étant beaucoup plus précieux.' Il est donc<br />

révélateur que les lois adoptées pour préserver les<br />

stocks <strong>de</strong> poissons à cette époque ne reconnaissent<br />

qu'une seule cause à la diminution <strong>de</strong> cette ressource; la<br />

législation se contente <strong>de</strong> limiter la surpêche plutôt que<br />

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