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Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

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Nouvelle-Écosse, et Richard Nettle au Québec, s'efforcent<br />

<strong>de</strong> sensibiliser la population aux gran<strong>de</strong>s possibilités<br />

<strong>de</strong> cette ressource, si elle était mieux gérée; ces<br />

mémes personnes continuent à jeter les bases <strong>de</strong> politiques<br />

protectrices, adoptées <strong>de</strong> temps à autre par les<br />

administrations coloniales et, plus tard, nationales.<br />

<strong>Le</strong> contrôle <strong>de</strong> la pêche en mer est particulièrement<br />

difficile, sinon pratiquement impossible. Ce secteur <strong>de</strong><br />

la pêche relève <strong>de</strong>s autorités <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong>-Bretagne, qui<br />

l'administrent principalement — et inefficacement —<br />

par l'intermédiaire <strong>de</strong> l'Amirauté. <strong>Le</strong>s colonies se plaignent<br />

<strong>du</strong> manque d'intérêt <strong>de</strong> la mère-patrie à cet égard,<br />

et elles réclament sans cesse davantage <strong>de</strong> protection<br />

pour la pêche en mer, surtout contre les empiétements<br />

<strong>de</strong>s navires <strong>de</strong> pêche américains. L'apathie <strong>de</strong>s Britanniques<br />

pour la pêche <strong>dans</strong> le nord <strong>de</strong> <strong>l'Atlantique</strong> se<br />

reflète nettement <strong>dans</strong> le Traité <strong>de</strong> 1818, qui accor<strong>de</strong><br />

aux pêcheurs américains <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> pêche côtière<br />

<strong>dans</strong> certaines régions, et prévoit une limite territoriale<br />

peu efficace <strong>de</strong> trois milles <strong>dans</strong> d'autres; même cette<br />

limite territoriale est ouvertement violée par les Américains,<br />

et, à toutes fins pratiques, la péche côtière et<br />

hauturière est presque complètement aux mains <strong>de</strong>s<br />

Yankees.<br />

En même temps que cette apathie britannique, on<br />

note un certain manque <strong>de</strong> dynamisme <strong>dans</strong> les colonies.<br />

Lorenzo Sabine, historien et chroniqueur américain<br />

connu <strong>de</strong> cette époque, écrit :<br />

Tous les Américains qui visitent la Nouvelle-Écosse<br />

sont étonnés <strong>de</strong> l'apathie qu'ils perçoivent chez la plupart<br />

<strong>de</strong>s gens, ainsi que <strong>de</strong>s nombreux avantages dont<br />

ils jouissent, mais qu'ils n'exploitent pas vraiment.<br />

Presque chaque nappe d'eau regorge <strong>de</strong> morues, goberges,<br />

<strong>saumon</strong>s, maquereaux, harengs, gaspareaux. . 5<br />

<strong>Le</strong>s gran<strong>de</strong>s possibilités <strong>de</strong> la pêche n'échappent donc<br />

pas aux Américains, alors qu'on ne semble pas trop s'en<br />

soucier chez les habitants <strong>de</strong>s colonies britanniques.<br />

Sam Slick, un ami yankee au franc-parler <strong>de</strong> Thomas<br />

Chandler Haliburton décrit la situation <strong>dans</strong> un langage<br />

un peu plus coloré :<br />

Ils [les habitants <strong>de</strong> Nouvelle-Écosse] ne font rien à<br />

part manger, boire, fumer, dormir, se promener à<br />

cheval, traîner <strong>dans</strong> les tavernes.., alors qu'ils sont<br />

entourés <strong>de</strong> pêcheries. .. toutes sortes <strong>de</strong> pêcheries,<br />

comme celles <strong>de</strong>s rivières, avec l'alose, le <strong>saumon</strong>, le<br />

gaspareau et le hareng... Mon Dieu! C'est incroyable;<br />

et ils nous laissent tout ça à nous autres. 6<br />

Ce que Sabine appelle <strong>de</strong> l'apathie, et que Sam<br />

Slick interprète comme <strong>de</strong> la paresse est <strong>dans</strong> une large<br />

mesure le fruit d'un sentiment <strong>de</strong> frustration et d'impuissance<br />

face à l'énergie et à la volonté <strong>de</strong>s pêcheurs<br />

américains. Interprétant <strong>de</strong> façon très libérale la Convention<br />

<strong>de</strong> 1818, les Américains entrent <strong>dans</strong> tous les<br />

ports et <strong>dans</strong> toutes les baies <strong>de</strong> <strong>l'Amérique</strong> britannique,<br />

à partir <strong>de</strong> la rivière St Croix jusqu'au Labrador, sous<br />

prétexte <strong>de</strong> s'abriter, <strong>de</strong> s'approvisionner en eau ou<br />

encore <strong>de</strong> sécher leurs prises — tout en jetant leurs filets<br />

par la même occasion. <strong>Le</strong>s violations <strong>de</strong>viennent si<br />

fréquentes <strong>dans</strong> certaines régions que les pêcheurs <strong>de</strong>s<br />

endroits ainsi visités sont obligés d'adopter une attitu<strong>de</strong><br />

passive s'ils ne veulent pas d'ennuis.<br />

Il faut, cependant, remarquer que la limite <strong>de</strong> 3<br />

milles n'est pas très claire pour aucun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux pays,<br />

particulièrement <strong>dans</strong> la zone <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong>s Chaleurs et<br />

<strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Fundy : est-ce qu'elle suit les acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong><br />

la côte ou saute d'un promontoir à un autre? D'un autre<br />

côté, il semble que certains groupes <strong>de</strong> pêcheurs <strong>de</strong>s<br />

colonies britanniques profitent considérablement <strong>de</strong> ces<br />

empiétements américains : lorsque les pêcheurs <strong>de</strong><br />

Nouvelle-Angleterre ne peuvent pêcher efficacement<br />

eux-mêmes <strong>dans</strong> certaines zones, ils s'enten<strong>de</strong>nt fréquemment<br />

avec les pêcheurs <strong>de</strong> l'endroit; par exemple,<br />

<strong>dans</strong> la baie <strong>de</strong> Passamaquody, un grand nombre <strong>de</strong><br />

barrières à poissons sont louées aux Américains.' <strong>Le</strong>s<br />

pêcheurs peuvent ainsi écouler leurs prises <strong>de</strong> façon<br />

profitable, sans difficultés et sans risques. À noter que<br />

les habitants <strong>du</strong> Nouveau-Brunswick semblent mieux<br />

tolérer la présence <strong>de</strong>s Américains que ceux <strong>de</strong><br />

Nouvelle-Écosse.<br />

Généralement, les colonies protestent auprès <strong>du</strong><br />

gouvernement central contre ces violations <strong>du</strong> traité, et<br />

elles se plaignent <strong>du</strong> nombre croissant <strong>de</strong> conflits entre<br />

pêcheurs américains et britanniques. Mais l'action <strong>de</strong> la<br />

Gran<strong>de</strong>-Bretagne se fait attendre et, dès 1851, la<br />

Nouvelle-Écosse déci<strong>de</strong> d'équiper elle-même <strong>de</strong>ux navires<br />

<strong>de</strong> protection, le Nouveau-Brunswick optant pour<br />

la même voie, niais avec un seul navire. Quelques années<br />

plus tard, la flotte <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s pêcheries <strong>de</strong><br />

Nouvelle-Écosse compte quatre navires, celle <strong>du</strong><br />

Nouveau-Brunswick <strong>de</strong>ux; le Canada et l' île-<strong>du</strong>-Prince-<br />

Édouard en possé<strong>de</strong>nt un chacun. Mais, cette minuscule<br />

Armada n'impressionne nullement les États-Unis;<br />

Daniel Webster, le Secrétaire d'État américain, écrit :<br />

il ne faut pas s'attendre à ce que les États-Unis cè<strong>de</strong>nt<br />

leurs droits et se soumettent au tribunal <strong>de</strong> marine <strong>de</strong>s<br />

provinces; nous ne laisserons pas saisir nos bateaux par<br />

<strong>de</strong>s agents ou d'autres officiers mariniers, et nous<br />

n'accepterons pas d'être condamnés par les Cours municipales<br />

<strong>du</strong> Québec, <strong>de</strong> Terre-Neuve, <strong>du</strong> Nouveau-<br />

Brunswick ou <strong>du</strong> Canada. 8<br />

Finalement, la Gran<strong>de</strong>-Bretagne tempère l'ar<strong>de</strong>ur<br />

<strong>de</strong> ses colonies, car elle veut éviter tout conflit ouvert<br />

<strong>dans</strong> les pêches. Elle déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> les apaiser en engageant<br />

<strong>de</strong>s négociations avec les Américains pour régler le<br />

problème <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> pêche; le différend constitue l'un<br />

<strong>de</strong>s principaux éléments <strong>de</strong> marchandage lors <strong>de</strong> la négociation<br />

<strong>du</strong> Traité <strong>de</strong> réciprocité en 1854. Par ce traité,<br />

la limite <strong>de</strong> 3 milles est abolie, et les Américains obtienment<br />

l'autorisation <strong>de</strong> pêcher n'importe où le long<br />

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