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Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

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côte atlantique, et emploie une goélette spécialement à<br />

cette fin.' En outre, au Labrador, « les Montagnais<br />

vivent surtout <strong>de</strong> chasse, bien qu'au début <strong>de</strong> l'été, ils<br />

capturent le <strong>saumon</strong> et la truite qu'ils troquent contre<br />

d'autres biens avec <strong>de</strong>s commerçants <strong>de</strong> la côte ». 72<br />

L'importance <strong>du</strong> <strong>saumon</strong><br />

Quel rôle joue le <strong>saumon</strong> <strong>dans</strong> le régime alimentaire<br />

<strong>de</strong>s autochtones? En 1583, un voyageur et<br />

pêcheur qui se rend sur l'île <strong>de</strong> Terre-Neuve fait le<br />

commentaire suivant :<br />

<strong>Le</strong>s autochtones préfèrent le poisson, particulièrement<br />

le <strong>saumon</strong>, qui est très abondant, à toute autre nourriture;<br />

et quoique l'île comporte <strong>de</strong> nombreuses espèces<br />

d'oiseaux et <strong>de</strong> fruits, ils ne tirent profit que <strong>de</strong>s poissons.<br />

73<br />

<strong>Le</strong>s Béothuks <strong>de</strong> Terre-Neuve accor<strong>de</strong>nt une considération<br />

toute spéciale au <strong>saumon</strong> et en enterrent, par<br />

tradiction, <strong>de</strong>s carcasses séchées ou fumées avec les<br />

morts afin <strong>de</strong> subvenir aux besoins <strong>de</strong>s défunts avant<br />

qu'ils n'atteignent l'au-<strong>de</strong>là, pendant leur séjour <strong>dans</strong><br />

les ténèbres.' <strong>Le</strong>s Béothuks doivent sans doute modifier<br />

assez rapi<strong>de</strong>ment leur préférence pour le <strong>saumon</strong><br />

après l'arrivée <strong>de</strong>s pêcheurs britanniques qui les chassent<br />

<strong>de</strong> la côte jusqu'à l'intérieur <strong>de</strong>s terres où ce poisson<br />

n'existe pas ou est plus difficile à prendre.' <strong>Le</strong>s<br />

documents révèlent également que les Esquimaux <strong>du</strong><br />

Dorset passent le début <strong>de</strong> la saison <strong>de</strong> pêche sur la côte,<br />

où ils capturent <strong>de</strong>s phoques, puis se dirigent vers les<br />

cours d'eau au début <strong>de</strong> l'été pour pêcher le <strong>saumon</strong>.'<br />

Au Québec et en Ontario, les premiers colons, comme<br />

Cartier et le père Louis Hennepin, constatent que, parmi<br />

les nombreux poissons à la portée <strong>de</strong>s autochtones,<br />

le <strong>saumon</strong> constitue un aliment <strong>de</strong> base <strong>de</strong> leur régime<br />

alimentaire . 77<br />

Bon nombre <strong>de</strong> documents relatent la migration<br />

<strong>de</strong>s Indiens vers les importantes et traditionnelles zones<br />

<strong>de</strong> pêche <strong>du</strong> <strong>saumon</strong> qui se situent parfois <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s<br />

régions éloignées, ce qui indique qu'une gran<strong>de</strong> partie<br />

<strong>de</strong> la population indienne <strong>du</strong> golfe dépend fortement <strong>de</strong><br />

cette espèce. <strong>Le</strong>s ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la région <strong>du</strong> Saint-Laurent<br />

migrent souvent <strong>du</strong>rant la remonte <strong>du</strong> <strong>saumon</strong> vers la<br />

baie <strong>de</strong>s Chaleurs, où ils font concurrence aux tribus<br />

locales qui, elles aussi, se nourrissent principalement <strong>de</strong><br />

ce poisson. Pour les peuples autochtones <strong>de</strong> la région <strong>de</strong><br />

Restigouche, le <strong>saumon</strong> revêt une si gran<strong>de</strong> importance<br />

qu'ils l'adoptent comme symbole <strong>de</strong> la tribu, et ils le<br />

peignent sur leurs canots, le tissent sur leurs vêtements<br />

au moyen <strong>de</strong> piquets <strong>de</strong> porc-épic et se le font tatouer<br />

sur le corps." On raconte <strong>l'histoire</strong> d'un groupe d'Indiens<br />

<strong>de</strong> Nepisiguit qui arrive trop tard à la pêcherie<br />

pour prendre le <strong>saumon</strong>; un englacement précoce les<br />

surprend et c'est bientôt la famine.'<br />

Dans les régions situées plus au sud, le <strong>saumon</strong><br />

joue aussi un rôle capital <strong>dans</strong> les activités saisonnières<br />

d'autres tribus. <strong>Le</strong>s Indiens <strong>du</strong> lac Bras-d'Or <strong>de</strong> l'île <strong>du</strong><br />

Cap-Breton se ren<strong>de</strong>nt régulièrement à Margaree Forks<br />

où les eaux regorgent <strong>de</strong> <strong>saumon</strong>s; ils y pêchent pendant<br />

cinq ou six semaines et, à l'automne, regagnent la<br />

région <strong>du</strong> lac Bras-d'Or où le temps est plus clément et<br />

où ils sont mieux abrités.' Au Nouveau-Brunswick, la<br />

rivière Saint-Jean comporte <strong>de</strong> nombreuses pêcheries<br />

prisées par les autochtones et, au XVII' siècle, leur<br />

principal établissement <strong>dans</strong> la vallée est situé à Me<strong>du</strong>ctic,<br />

qui se trouve juste en aval <strong>de</strong> la ville actuelle <strong>de</strong><br />

Woodstock et qui est maintenant inondée par <strong>de</strong>s barrages<br />

hydroélectriques. De Me<strong>du</strong>ctic, les autochtones<br />

se ren<strong>de</strong>nt aux chutes <strong>de</strong> la rivière Eel pour pêcher, car<br />

<strong>dans</strong> le cours principal <strong>de</strong> la rivière qui jouxte le village,<br />

ils ne peuvent pas facilement capturer <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s quantitiés<br />

<strong>de</strong> <strong>saumon</strong>.'<br />

Par suite d'une épidémie qui éclate à Me<strong>du</strong>ctic, les<br />

Indiens vont s'établir à l'embouchure <strong>de</strong> la rivière Keswick;<br />

ils choisissent cet emplacement en raison <strong>de</strong>s<br />

stocks considérables <strong>de</strong> <strong>saumon</strong>s qui se rassemblent à la<br />

limite <strong>de</strong> la marée.' <strong>Le</strong>s îles et les battures situées en<br />

aval <strong>du</strong> présent barrage <strong>de</strong> Mactaquac offrent aussi<br />

d'excellents lieux <strong>de</strong> pêche, comme en témoignent le<br />

nom <strong>de</strong> l'île aux Sauvages et les artefacts retrouvés<br />

pendant le forage <strong>de</strong>s puits pour l'établissement <strong>de</strong><br />

l'alevinière <strong>de</strong> Mactaquac.<br />

<strong>Le</strong>s autochtones savent très bien que les <strong>saumon</strong>s<br />

se massent à l'embouchure <strong>de</strong>s divers cours d'eau côtiers<br />

et en aval <strong>de</strong>s obstacles qui barrent partiellement<br />

ou totalement l'accès aux poissons, et ils choisissent ces<br />

emplacements pour s'établir : chutes Scoodic sur la<br />

rivière Ste-Croix, chutes Bellow sur la rivière Connecticut,<br />

chutes Amoskeag sur la rivière Merrimac et<br />

chutes Kochs sur la rivière LaHave, etc.' La <strong>de</strong>scription<br />

<strong>de</strong>s chutes Niagara <strong>de</strong> Louis La Hontan, en 1703,<br />

donne peut-être le meilleur exemple d'une pêcherie créée<br />

par un obstacle naturel : « les bêtes et poissons ainsi<br />

tués par les prodigieuses chutes servent <strong>de</strong> nourriture à<br />

50 Iroquois qui se sont établis à <strong>de</strong>ux lieues environ <strong>de</strong><br />

là; les Indiens les récupèrent <strong>dans</strong> leurs canots »."<br />

Dans certaines régions, où il n'existe pas d'obstacles<br />

naturels, les autochtones exploitent <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong><br />

pêche secondaires situées habituellement au confluent<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cours d'eau ou à la source ou à l'exutoire <strong>de</strong><br />

lacs et d'étangs. Dans la région <strong>du</strong> lac Champlain, par<br />

exemple, les Indiens pêchent le <strong>saumon</strong> <strong>dans</strong> la zone où<br />

la rivière Big Chasy se déverse <strong>dans</strong> le lac; le confluent<br />

<strong>de</strong>s rivières Concord et Merrimack est une pêcherie<br />

préférée <strong>de</strong>s Indiens <strong>du</strong> New Hampshire comme le sont<br />

également les embouchures <strong>de</strong> nombreux affluents <strong>de</strong>s<br />

rivières Saint-Jean, Mirramichi et Restigouche, au<br />

Nouveau-Brunswick.' Pour pêcher le <strong>saumon</strong>, les Indiens<br />

profitent volontiers <strong>de</strong>s barrières naturelles, mais<br />

cela ne les empêche pas à l'occasion d'améliorer leurs<br />

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