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Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

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littoral peuvent tirer beaucoup plus d'avantages <strong>de</strong>s<br />

opérations <strong>de</strong> pêche. Des efforts énormes sont actuellement<br />

déployées en ce sens et il ne fait aucun doute<br />

que les exportations <strong>de</strong> poisson <strong>de</strong> Shelburne et<br />

d'autres nouveaux établissements, ajoutées aux exportations<br />

habituelles <strong>de</strong>s vieux ports, suffiront à bien<br />

approvisionner les Antilles, cette année (1784). 10<br />

À mesure que la pêche se développe, les colonies<br />

commencent à construire <strong>de</strong>s bateaux pour approvisionner<br />

les marchés étrangers en expansion. Bientôt,<br />

<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> <strong>saumon</strong> sont expédiées <strong>de</strong>s<br />

ports <strong>de</strong> la Nouvelle-Écosse et <strong>de</strong>s rivières Restigouche,<br />

Miramichi et Saint-Jean à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> l'Europe, <strong>de</strong>s<br />

pays méditerranéens, <strong>de</strong>s Antilles britanniques et<br />

même, occasionnellement Boston et New York :<br />

d'après les estimations, les colonies <strong>de</strong> <strong>l'Atlantique</strong><br />

exportent pas moins <strong>de</strong> quatre millions <strong>de</strong> livres <strong>de</strong><br />

<strong>saumon</strong> avant 1814, sans compter le <strong>saumon</strong> consommé<br />

sur place»<br />

Dès la fin <strong>du</strong> XVIII' siècle, toutefois, les Américains<br />

commencent à menacer sérieusement les colonies<br />

britanniques en empiétant sur les droits <strong>de</strong> pèche hauturière,<br />

côtière et même estuarienne. La Révolution a<br />

temporairement dispersé les activités <strong>de</strong> pêche <strong>de</strong>s habitants<br />

<strong>de</strong> la Nouvelle-Angleterre qui, parviennent finalement<br />

à se regrouper plusieurs années après la fin <strong>de</strong>s<br />

hostilités. Cependant, ceux-ci n'abandonneront jamais<br />

leurs prétentions à pécher <strong>dans</strong> les eaux au large <strong>de</strong>s<br />

colonies septentrionales, même s'ils constituent désormais<br />

une nation souveraine et étrangère.<br />

Avant même l'ouverture <strong>de</strong>s négociations <strong>de</strong> paix,<br />

les pêcheurs <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Boston prédisent ouvertement<br />

la ruine pour <strong>l'Amérique</strong> si leurs bateaux <strong>de</strong> pêche ne<br />

peuvent plus sillonner les eaux septentrionales. La ville<br />

<strong>de</strong> Boston prend les mesures nécessaires pour s'assurer<br />

que les principaux négociateurs américains sont bien au<br />

courant <strong>de</strong> la situation; après tout, avant le début <strong>de</strong>s<br />

hostilités, 400 bateaux <strong>de</strong> pêche appartenant à <strong>de</strong>s Bostonnais<br />

fréquentaient les eaux au large <strong>de</strong> la Nouvelle-<br />

Écosse :<br />

Messieurs, les brillants succès remportés par nos alliés<br />

lors <strong>de</strong> la campagne précé<strong>de</strong>nte nous permettent <strong>de</strong><br />

prévoir que nos ennemis (dont l'obstination frôle<br />

l'aberration) <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ront bientôt d'engager <strong>de</strong>s pourparlers<br />

<strong>de</strong> paix. Il est donc <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> vous faire<br />

part <strong>de</strong> nos points <strong>de</strong> vue sur la principale activité <strong>du</strong><br />

commerce <strong>dans</strong> les régions <strong>de</strong> l'est, soit la pêche, et <strong>de</strong><br />

la nécessité <strong>de</strong> protéger ce droit expressément <strong>dans</strong> un<br />

article <strong>du</strong> traité <strong>du</strong> paix. 12<br />

John Adams, principal négociateur <strong>de</strong>s États-Unis,<br />

aurait averti les commissaires anglais que la paix ne<br />

serait pas signée si le droit <strong>de</strong> pêcher n'était pas accordé<br />

aux Américains, notamment sur les Grands Bancs <strong>de</strong><br />

Terre-Neuve. C'est la France, alliée <strong>de</strong>s États-Unis, qui<br />

s'oppose le plus vivement à cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, car toute<br />

revendication américaine concernant les pêches pourrait<br />

menacer les activités <strong>de</strong> la France et, <strong>dans</strong> l'esprit<br />

français, il est nettement préférable et avantageux <strong>de</strong><br />

diviser un poisson en <strong>de</strong>ux parties plutôt qu'en trois."<br />

Du côté anglais, les négociateurs savent très bien que<br />

leurs pêcheurs souhaiteraient que les Américains<br />

n'aient pas accès aux eaux coloniales anglaises; <strong>de</strong> plus,<br />

conscients <strong>de</strong> la vigueur <strong>de</strong>s pêcheurs <strong>de</strong> la Nouvelle-<br />

Angleterre, ils reconnaissent qu'une forte concurrence<br />

s'établirait inévitablement si les Américains recouvraient<br />

le droit <strong>de</strong> pêcher <strong>dans</strong> <strong>l'Atlantique</strong> nord.<br />

Malheureusement, les négociateurs anglais défen<strong>de</strong>nt<br />

faiblement les intérêts anglais sur cette question :<br />

surtout intéressés à mettre fin aux hostilités, ils sont<br />

prêts à essuyer le courroux <strong>de</strong> leurs colonies. De plus,<br />

apparemment, ils connaissent peu ou pas le problème<br />

<strong>de</strong>s pêches <strong>dans</strong> les colonies; lorsque Henry Strachey,<br />

principal négociateur anglais, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à un autre commissaire,<br />

Richard Oswald, <strong>de</strong> le renseigner sur la valeur<br />

et l'importance <strong>de</strong> la pêche à Terre-Neuve, Oswald<br />

répond : « Pour répondre à votre <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, j'ai cherché<br />

le document que j'avais préparé sur les pêches à Terre-<br />

Neuve, lorsque vous étiez ici. Malheureusement, je ne<br />

l'ai pas trouvé; j'ai dû le brûler avec d'autres papiers<br />

sans valeur. » 14<br />

Ce mépris et ce manque d'intérêt ont <strong>de</strong> graves<br />

conséquences pour les pêcheurs <strong>de</strong>s colonies anglaises<br />

lorsque le troisième article <strong>du</strong> Traité <strong>de</strong> Paris est<br />

rédigé :<br />

( I) Il est convenu que le peuple <strong>de</strong>s États-Unis<br />

continuera à jouir sans être inquiété <strong>du</strong> droit <strong>de</strong> pêcher<br />

toutes sortes <strong>de</strong> poissons sur le Grand-Banc et sur tous<br />

les autres bancs <strong>de</strong> Terre-Neuve, ainsi que <strong>dans</strong> le golfe<br />

Saint-Laurent et à tous les autres endroits <strong>de</strong> la mer<br />

(2) où les habitants <strong>de</strong>s États-Unis auront la liberté<br />

<strong>de</strong> pêcher toutes sortes <strong>de</strong> poissons sur les parties <strong>de</strong> la<br />

côte <strong>de</strong> Terre-Neuve fréquentées par les pêcheurs anglais<br />

<strong>de</strong> même que sur les côtes, <strong>dans</strong> les baies et les<br />

criques <strong>de</strong> toutes les autres possessions <strong>de</strong> Sa Majesté<br />

britannique en Amérique. 15<br />

Sauf <strong>dans</strong> l'île <strong>de</strong> Terre-Neuve, les Américains reçoivent<br />

également le droit <strong>de</strong> préparer le poisson <strong>dans</strong><br />

toutes les parties inhabitées <strong>de</strong>s colonies anglaises.<br />

En fait, cet article remet les pêcheries <strong>de</strong> <strong>l'Atlantique</strong><br />

<strong>Nord</strong> entre les mains d'Américains audacieux,<br />

contrecarrant ainsi les plans <strong>de</strong>s autorités coloniales<br />

anglaises. L'avenir prometteur entrevu par les Loyalistes<br />

à leur arrivée appartient maintenant aux Yankees,<br />

et les habitants <strong>de</strong> la Nouvelle-Écosse, <strong>du</strong> Nouveau-<br />

Brunswick et <strong>de</strong> Terre-Neuve réalisent bientôt qu'ils ne<br />

peuvent pratiquer la pêche, ne serait-ce qu'à une distance<br />

d'un filet <strong>de</strong> la côte, sans la présence <strong>de</strong>s Américains.<br />

Il faut un certain temps aux Américains pour<br />

regrouper leurs efforts après la Révolution, mais on<br />

observe toutefois que :<br />

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