27.06.2013 Views

Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

vernement britannique déci<strong>de</strong> d'accor<strong>de</strong>r une prime <strong>de</strong><br />

quatre shillings sur chaque tierce <strong>de</strong> poissons afin <strong>de</strong><br />

compenser les restrictions imposées au commerce avec<br />

les États-Unis et d'encourager les exportations vers<br />

l'Angleterre, victime d'un blocus continental pendant<br />

les guerres <strong>de</strong> l'Empire. Cette décision a <strong>de</strong>s effets<br />

fulgurants : en 1804, 32 % seulement <strong>de</strong>s exportations<br />

<strong>de</strong> <strong>saumon</strong> <strong>de</strong> Terre-Neuve sont acheminées vers l'Angleterre,<br />

tandis qu'en 1807, l'année <strong>de</strong> l'instauration <strong>du</strong><br />

régime <strong>de</strong> primes, les marchés anglais reçoivent 66%<br />

<strong>de</strong>s exportations totales. Dès 1812, plus <strong>de</strong> 90% <strong>du</strong><br />

commerce ont lieu avec l'Angleterre. 142<br />

<strong>Le</strong> prix <strong>du</strong> <strong>saumon</strong> saumuré a également augmenté;<br />

pendant les douze premières années qui suivent<br />

la guerre <strong>de</strong> l'Indépendance, le prix le plus élevé d'une<br />

tierce <strong>de</strong> poisson saumuré est <strong>de</strong> £3, pour un prix moyen<br />

habituel <strong>de</strong> £2 environ; en 1814 toutefois, il varie <strong>de</strong> £4<br />

à £5 la tierce; la guerre <strong>de</strong> 1812 influe évi<strong>de</strong>mment sur<br />

cette hausse <strong>de</strong> même que l'accroissement <strong>de</strong>s exportations<br />

vers l'Angleterre par rapport aux États-Unis.<br />

En dépit <strong>de</strong>s hostilités, les pêcheurs <strong>de</strong> la Nouvelle-<br />

Écosse et <strong>de</strong> <strong>l'Amérique</strong> <strong>du</strong> <strong>Nord</strong> britannique continuent<br />

saison après saison <strong>de</strong> sillonner les eaux <strong>de</strong><br />

Terre-Neuve et <strong>du</strong> Labrador, sous la protection <strong>de</strong> la<br />

marine britannique, et les captures effectuées <strong>du</strong>rant ces<br />

années justifient les risques encourus. D'octobre 1813<br />

à octobre 1814, les registres indiquent que 3 425 tierces<br />

<strong>de</strong> <strong>saumon</strong> ont été pêchées et exportées <strong>de</strong> Terre-Neuve;<br />

en 1812, la pêcherie <strong>du</strong> Labrador pro<strong>du</strong>it 2 069 tierces<br />

et l'années suivante, 2 129 tierces.'"<br />

Malgré une prospérité sans précé<strong>de</strong>nt <strong>dans</strong> le secteur<br />

<strong>de</strong> la pêche à Terre-Neuve et au Labrador, l'année<br />

1814 marque à maints égards un tournant décisif. La fin<br />

<strong>de</strong>s hostilités en Europe a réouvert les marchés anglais<br />

aux pro<strong>du</strong>its <strong>de</strong> la pêche provenant d'autres régions que<br />

Terre-Neuve et, pour comble <strong>de</strong> malheurs, les terribles<br />

hivers <strong>de</strong> 1817 et <strong>de</strong> 1818 amènent les Terre-Neuviens<br />

au bord <strong>de</strong> la famine : <strong>du</strong>rant ces fameux « hivers <strong>de</strong>s<br />

voyous' », la population est soumise à <strong>de</strong> terribles privations<br />

et la colonie sombre <strong>dans</strong> le chaos social et<br />

politique. 144<br />

Nouvelle-Angleterre<br />

En 1793, avec la signature <strong>du</strong> traité <strong>de</strong> paix, les<br />

Américains parviennent à conserver leurs anciens privilèges<br />

sur la pêche en mer <strong>dans</strong> les eaux <strong>de</strong> <strong>l'Amérique</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Nord</strong>, mais ces privilèges per<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur valeur en<br />

raison <strong>de</strong> la perte <strong>de</strong>s marchés étrangers et en particulier<br />

celui <strong>de</strong>s Antilles qui constituait le principal débouché<br />

pour les pro<strong>du</strong>its <strong>de</strong> la pêche. De plus, la guerre <strong>de</strong><br />

l'Indépendance a beaucoup affaibli la flotte <strong>de</strong>s nouveaux<br />

états, et pendant une vingtaine d'années après la<br />

signature <strong>du</strong> traité <strong>de</strong> paix, les activités <strong>de</strong> pêche traditionnelles<br />

<strong>de</strong> la Nouvelle-Angleterre <strong>dans</strong> les eaux <strong>de</strong><br />

<strong>l'Amérique</strong> <strong>du</strong> nord britannique sont au ralenti.'<br />

À cette époque-là, les États-Unis traversent une<br />

pério<strong>de</strong> d'instabilité politique et se remettent péniblement<br />

<strong>de</strong>s contrecoups économiques et sociaux <strong>de</strong> la<br />

guerre. <strong>Le</strong> gouvernement fédéral exerce peu ou pas <strong>de</strong><br />

pouvoirs réels, le pays est en faillite et les treize nations<br />

indépendantes se partagent pratiquement le pouvoir <strong>de</strong><br />

gouverner. Comme l'écrit John Jay : «<strong>Le</strong> Congrès peut<br />

tout promettre et ne rien faire >>. 146 Enfin, les treize Etats<br />

votent une Constitution qui les rassemble et accor<strong>de</strong> au<br />

gouvernment fédéral d'énormes pouvoirs. À cette époque,<br />

Benjamin Franklin est encore influent <strong>dans</strong> les<br />

affaires nationales et <strong>dans</strong> son document intitulé Consolation<br />

for America, il souligne l'importance <strong>de</strong> l'agriculture<br />

et <strong>de</strong> la pêche pour le pays; les ressources <strong>de</strong> la<br />

mer et <strong>de</strong> la terre sont, dit-il, inépuisables : « Quiconque<br />

plante une graine <strong>dans</strong> la terre est récompensé quarante<br />

fois; quiconque pêche un poisson récolte une pièce<br />

d' argent » .<br />

Sous l'impulsion <strong>de</strong> Franklin, le Congrès tente<br />

d'ai<strong>de</strong>r les pêcheurs en leur accordant une prime sur les<br />

exportations <strong>de</strong> poissons et en imposant <strong>de</strong>s droits sur<br />

les importations, ce qui entraîne une lente expansion <strong>du</strong><br />

secteur <strong>de</strong> la pêche. Pendant ce temps, les habitants<br />

s'adonnent beaucoup à la pêche <strong>dans</strong> les rivières, et les<br />

stocks <strong>de</strong> poissons anadromes subissent un déclin considérable.<br />

Sous l'action combinée <strong>de</strong> la surpêche et <strong>de</strong><br />

l'utilisation accrue <strong>de</strong>s cours d'eau pour les moulins au<br />

tournant <strong>du</strong> siècle, les stocks <strong>de</strong> poissons <strong>de</strong> la<br />

Nouvelle-Angleterre se raréfient <strong>de</strong> façon alarmante.<br />

La rivière Connecticut constitue la limite méridionale<br />

<strong>de</strong> l'habitat <strong>du</strong> <strong>saumon</strong>, et en 1793 un historien écrivait<br />

le commentaire suivant :<br />

L'alose, le bar et le <strong>saumon</strong> subviennent aux besoins <strong>de</strong><br />

plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> la province. D'après<br />

le nombre <strong>de</strong> seines utilisées pour pêcher les poissons<br />

qui remontent <strong>dans</strong> les lacs, on pourrait croire que tous<br />

les poissons sont capturés; pourtant, au bout <strong>de</strong> six<br />

mois, les jeunes qui retournent à la mer sont en si grand<br />

nombre qu'ils pourraient remplir la rivière Connecticut<br />

pendant <strong>de</strong> nombreux jours, mais il est impossible <strong>de</strong><br />

calculer leur nombre exact. 148<br />

À cette époque, le <strong>saumon</strong> est encore si abondant <strong>dans</strong><br />

la rivière Connecticut que les personnes désirant acheter<br />

<strong>de</strong> l'alose doivent également acheter quelques <strong>saumon</strong>s.<br />

En l'an 1800, Edward Oliphant mentionne que<br />

<strong>de</strong>s saunions sont encore pêchés « tout le long <strong>de</strong> la<br />

rivière Connecticut et <strong>dans</strong> la plupart <strong>de</strong> ses tributaires,<br />

mais en nombre décroissant »• ' 50 Un barrage construit à<br />

South Hadley vers 1795 entravait considérablement le<br />

passage sans toutefois l'obstruer totalement; quelques<br />

années plus tard cependant, un moulin et un barrage<br />

sont érigés à Montique et les <strong>saumon</strong>s cessent totalement<br />

<strong>de</strong> remonter la rivière en amont <strong>de</strong> ce point. Avec<br />

l'augmentation <strong>du</strong> nombre <strong>de</strong> barrages, très peu <strong>de</strong> saunions<br />

sont observés en 1810, et vers 1815, ils <strong>de</strong>vien-<br />

87

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!