Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

empêcher le déclin de la pêcherie de Restigouche, qui
s'est poursuivi pendant de nombreuses années. L'application
effective des lois existantes aurait peut-être au
moins permis d'atténuer le problème; le saumon de la
baie des Chaleurs ne constituait-il pas autrefois un des
principaux atouts de la prospérité de la région, et ne
méritait-il pas à ce titre qu'on s'en occupe davantage?
Malheureusement, le gouvernement ne fait à peu près
rien pour remédier à la situation, et localement une
certaine apathie prévaut.
Il est alors généralement accepté comme un fait
accompli que l'industrie du bois est plus importante que
le secteur des pêches dans l'économie de la baie des
Chaleurs. De plus, il y a une incompatibilité fondamentale
au niveau des lois des deux entités politiques — le
Nouveau-Brunswick et le Québec — qui se partagent la
pêcherie régionale. En 1848, le comté de Bonaventure,
au Québec, exerce un contrôle sur la pêche le long de
la côte de la baie des Chaleurs, dans la rivière Cascapédia
et du côté québécois de la rivière Restigouche, en
imposant le règlement de 1845 qui interdit la pêche au
filet dérivant, limite la longueur des filets en aval des
îles à 150 brasses, et stipule que les filets ne doivent pas
couper plus de deux tiers de la largeur du lit de la
rivière." Les règlements du Nouveau-Brunswick de la
même époque sont beaucoup plus stricts," et il est
évident que les pêcheurs du Nouveau-Brunswick n'allaient
pas respecter ces nouveaux règlements, alors que
leurs confrères du côté québécois bénéficient de conditions
beaucoup moins draconniennes; de toute façon,
les deux groupes ignorent toutes les lois, d'où qu'elles
viennent.
La situation se complique encore par le fait que le
Nouveau-Brunswick tarde à nommer un inspecteur, et
même en 1867 encore, un seul homme est chargé de
faire régner l'ordre du côté de la rivière située au
Nouveau-Brunswick." Même lorsque l'inspecteur fait
ses rondes, il est évident que son travail laisse souvent
à désirer, comme en fait foi le témoignage d'un observateur
en 1862 :
J'ai rencontré, un Indien sur la rivière Restigouche,
dont les services avaient été retenus par le garde de la
rivière, pour l'amener en canot lors de son unique
inspection annuelle, laquelle, je suppose, lui était nécessaire
pour avoir la conscience tranquille au moment
d'empocher son salaire, environ 40 livres par année.
L'individu en question appelait devant chaque maison
le propriétaire des filets, et après l'avoir informé de la
longueur légale de ceux-ci, sans toutefois les contrôler,
finissait par lui réclamer un saumon. Après une vingtaine
de visites de ce type, non sans oublier le saumon,
il retournait chez lui pour toucher son salaire. Certains
des gardes sont même propriétaires des filets, et ils ne
se préoccupent pas trop de la façon dont ces filets sont
installés, du moment qu'ils attrapent du poisson. 4 '
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Jusqu'à la fin des années 1850, la pêcherie de la
baie du Comté de Restigouche a relativement peu de
visites. Monro signale de façon erronée au début de la
décennie qu'il n'existe aucun établissement de pêche
sur la côte, et que les habitants ne pêchent le saumon
que pour leur propre consommation.' C'est faux, car il
y a, à cette époque, de 35 à 45 stations de pêche le long
de la rive du Nouveau-Brunswick; entre l'embouchure
de la rivière et Dalhousie, par exemple, on compte,
jusqu'en 1866,11 stations de filets,' leur nombre diminuant
considérablement après cette année. Perley mentionne
que l'une de ces stations, à Bon Ami Rocks,
fournit 26 barils (8 200 lb de poisson frais) en 1849,"
des captures aussi abondantes ayant apparemment stimulé
l'expansion de la pêcherie autour de la baie. Cette
expansion est, cependant, relativement lente, car il n'y
a qu'une légère augmentation du nombre de postes de
pêche entre la visite de Perley en 1849 et l'étude de P.
Millers en 1867." Les filets utilisés dans la pêcherie de
la baie sont différents de ceux employés dans la rivière,
et ils sont montés de façon à former un piège ou un sac
à l'une des extrémités. Généralement, ils sont fixés
grâce à des piquets, mais sur les rives rocheuses en
direction de la mer à partir de Dalhousie, ils sont employés
comme pièges flottants. Appelés filets flottants,
filets maillants ou filets à ailes, ils sont le seul type de
piège utilisé dans la région de la baie des Chaleurs avant
la Confédération.'
En s'éloignant de la rivière Restigouche et en descendant
la baie, on trouve des concentrations de filets
dans les régions des rivières Charlo et Jacquet. À l'époque
de Perley, le nombre de saumons a sensiblement
diminué dans la rivière Charlo, et un barrage de moulin,
qui arrête complètement la migration, a été construit sur
toute la largeur de la rivière peu avant sa visite. Il y a
déjà en 1849 un barrage sur la rivière Benjamin, mais
on sait que le saumon saute l'écluse pendant les hautes
eaux; dans les années 1860, les saumons sont toujours
capturés dans la fosse au bas du barrage, par les Indiens
à la pointe, et par les colons blancs à l'aide de sennes.
Dans les années 1840, une seule personne compte jusqu'à
100 saumons sautant l'écluse en un seul jour;
d'après cette personne, le poids moyen des saumons est
de 8 livres.'
La rivière Jacquet n'est toujours pas obstruée en
1849, et c'est donc, d'après les rapports de l'époque, la
meilleure rivière à saumons entre la Restigouche et la
Nepisiguit. Mais, elle est fortement exploitée par les
pêcheurs, car elle forme l'un des bras d'un circuit de
braconnage qui port de la Restigouche inférieure, remonte
l'Upsalquitch, et de là rejoint, par-dessus la ligne
de partage des eaux, le cours supérieur de la Jacquet,
pour aboutir finalement à la côte. En dépit des captures
illégales à l'intérieur de ce circuit, les remontées automnales
de poissons restent importantes dans la Jacquet.'