Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

terres des colons de la Nouvelle-Angleterre après 1759
et la capitulation définitive de Louisbourg en 1758. Au
cours de la guerre, les officiers de différents régiments
en campagne dans la région écrivent un certain nombre
de comptes rendus sur l'état de la colonie et de ses
ressources. Ainsi, le capitaine John Knox stationné à
Annapolis écrit à propos de la péche locale :
Les principaux habitants de la ville ont réparti la côte
ou plage en parcelles et, au niveau des basses eaux, les
ont entourées de pieux d'une certaine hauteur et de
clôtures recouvertes d'osier de façon à emprisonner le
poisson qui peut y pénétrer avec la marée; c'est ce que
l'on appelle des parcs à poisson. 22
À l'époque de Knox, la pêche au moyen de barrières à
poisson n'a guère changé depuis le passage de Champlain
dans cette région. Le premier incident de braconnage
en Nouvelle-Écosse est aussi consigné par Know
à Annapolis, qui raconte qu'un soir l'alarme a été donnée
au fortin de l'île Hog parce que « certains chenapans
de la ville allaient dérober du poisson dans les parcs
après s'être introduits dans l'enceinte fortifiée »Y'
Knox fait fréquemment allusion à la consommation
de poisson frais par les troupes afin qu'elles
restent en bonne santé; avant de quitter Halifax pour se
lancer à l'attaque de Québec en 1759, chaque soldat
reçoit des hameçons et des lignes à main pour ses besoins
personnels, et il n'est pas rare qu'un détachement
de soldats se voit confier la tâche d'aller à la pêche pour
approvisionner le garde-manger du régiment. 24
Knox participe également à la destruction des colonies
acadiennes le long des rives du Golfe à l'époque
de la déportation; il rapporte qu'à Gaspé et Grand River
des stocks de poisson salé sont détruits de même qu'un
grand nombre de « filets, hameçons et lignes à main ». 25
Il ne fait aucun doute que de grandes quantités de saumon
de la région de Restigouche et de la baie des
Chaleurs sont exportées par les Français avant 1760; 26
cependant, ce commerce s'arrête brusquement avec
l'arrivée de l'expédition britannique dont Knox fait partie.
Il n'est guère question à cette époque de la région
de Miramichi. Cependant, si l'on en croit un captif
anglais détenu sur la rivière en 1757, la pêche au saumon
n'y semble pas très active : «Il y a ici une belle
rivière pour la pêche au saumon. . . la truite et encore.
Mais les gens sont paresseux et n'emmagasinent rien
pour les mauvais jours ». 22
D'autres officiers coloniaux comme le colonel
John Winslow sont chargés d'expulser les habitants
français de Cobequid (Truro), Tatamagouche, Chignectou
(Amherst) et Petitcodiac; impossible pour eux de ne
pas remarquer à quel point les habitants de ces collectivités
comptent sur la pêche locale. n En s'appropriant
la rivière Saint-Jean pour le compte des
Britanniques, le lieutenant-colonel Robert Monckton
conduit une expédition qui remonte son cours pour dé-
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gager les régions éloignées des colonies acadiennes.
Monckton ne prend pas beaucoup de notes sur la rivière
et ses pêches, mais le capitaine William Pote, capturé
par les Indiens et amené en amont en 1745 observe
qu'« en uen occasion ils (les Indiens) ont capturé dans
une petite anse à quelques milles en-deça de l'embouchure
de la Tobique 54 saumons, en l'espace de
quelques heures ». 29 Monckton construit le fort Frederick
à l'embouchure de la Saint-Jean et, au cours des
années suivantes, les troupes en garnison dans ce poste
découvrent rapidement les avantages de leur emplacement.
L'embouchure de la rivière Nerepis est une
excellente source pour la pêche au saumon.
Nouvelle-France
Bien que La Hontan ait décrit en 1703 le riche
potentiel offert par la pêche au saumon de la Nouvelle-
France et maintes fois donné — ou tout au moins indiqué
— le nom de Rivière du saumon sur ses cartes du
Canada, 36 il n'en reste pas moins que l'intérêt commercial
à l'égard de cette espèce semble plutôt dispersé. La
baie des Chaleurs se détache comme la principale région
exploitée périodiquement pour ses ressources en
saumon, et l'espèce doit avoir joui ailleurs au pays
d'une certaine importance, mais il n'en demeure pas
moins qu'au Québec les contemporains de l'époque
parlent rarement de ce poisson; seuls quelques noms
comme Jolliet et Riverin sont particulièrement liés à la
ressource.
L'une des raisons de ce manque d'information plus
précise peut s'expliquer par le fait que la pêche au
Québec était essentiellement une pêche mixte ou diversifiée,
aucune autre espèce — à l'exception de la
morue — n'y ayant la préséance. Par exemple, l'anguille
y a autant d'importance que le saumon, et on
accorde autant d'attention aux mammifères marins
qu'aux poissons, la chasse aux premiers étant considérée
comme de la pêche. On trouve un bon exemple de
cette diversification dans la région située à l'est de
Mingan —le Labrador. Dans un journal du Labrador de
1715-1716, on peut lire :
Ce qui doit attirer davantage notre attention c'est que la
pêche au saumon, à la morue, au phoque, au morse et
à la baleine sur ce littoral d'une longueur de quatre
cents lieues peut produire des richesses plus grandes
que les plus riches mines d'or du Pérou.'
Le poste de Courtemanche édifié vers 1704 à Baye
de Phélypeaux (Brador Bay) est l'une des premières
stations fixes du Labrador au Québec à tirer avantage de
ces ressources variées. On raconte qu'Augustin Le Gardeur
de Courtemanche a des petites pois, des haricots,
des herbes, de l'orge et de l'avoine dans son jardin; des
chevaux, des vaches, des cochons et des moutons dans