Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

d'être dominée par la pêche à la morue mais, pendant
la seconde décennie de cette période, commencent à
surgir de nouvelles entreprises qui s'intéressent tant à la
diversification des pêches qu'a la poursuite d'activités
différentes. Jusqu'en 1610, la colonisation permanente
n'est pas envisagée pour Terre-Neuve; jusqu'à cette
date, les constructions érigées sur l'île ne servent que
pendant la saison de la pêche. Un grand nombre de ces
petites habitations et petits magasins sont construits
principalement autour de la presqu'île Avalon, mais les
habitants ne les occupent pas de septembre à mai."
Néanmoins, en 1610, John Guy, shérif à Bristol,
installe une colonie à Cupids, où la rivière South, petite
rivière à saumon, pénètre dans la baie Conception. Guy
n'indique pas dans ses écrits s'il a tiré profit de la pêche
au saumon à cet endroit, mais il tente très probablement
d'utiliser cette ressource, car il est reconnu pour être
exceptionnellement entreprenant. En fait, John Mason
qui plus tard devient gouverneur de la colonie de Guy,
observe, en 1620, que juin est le mois où le saumon
• commence à fréquenter la côte et que « dans certaines
parties », il est « assez abondant ». 61 En 1626, sir
William Vaughn écrit dans son livre intitulé Golden
Fleece qu'une industrie de pêche au saumon indépendante
a été établie à Terre-Neuve, et que, pour la première
fois, elle n'est pas à la remorque de la pêche à la
morue. « L'expérience a montré que la pêche fait vivre
8 000 personnes à Terre-Neuve pendant six mois. . .
Les produits de la colonie (comprennent) le goudron, le
brai, etc., la morue, le saumon, le maquereau, (et) le
hareng. . . ».62
Vers 1750, les pêcheurs américains capturent le
saumon dans les eaux de Terre-Neuve, comme le montre
un membre d'équipage d'un navire de la Nouvelle-
Angleterre qui écrit de Renews en 1663 que
Le havre dans lequel nous nous trouvions était considéré
comme un excellent lieu de pêche — les hommes
de Barnstable le préfèrent à tout autre — quoique la
pêche ait été mauvaise et n'ait pas rapporté plus de 130
quintaux par bateau et £3,5s la part. À la source de
cette rivière (Renews) il y a de nombreux saumons;
nous en avons pêché en abondance et notre capitaine en
a mis de côté quelques hogsheads et en a séché et fumé
une grande partie. 63
Mais les Américains ne sont pas encore ni persévérants
ni nombreux dans l'exercice de cette activité car, vers
1680, Charles Talbot écrit : « Les colons de la
Nouvelle-Angleterre ne pêchent pas beaucoup sur la
côte, mais la pêche sur leur propre côte augmente étant
donné qu'ils peuvent voler les pêcheurs d'ici, ce qu'ils
font chaque année »."
La valeur de Terre-Neuve comme importante base
de pêche britannique dans l'Atlantique occidental est
maintenant bien établie, et pour y maintenir ses intérêts,
le gouvernement de la mère patrie encourage les pê-
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cheurs à s'adonner à la pêche en nombre croissant —
une politique qui gagne du terrain, étant donné qu'une
large section de l'île n'est pas accessible aux pêcheurs
anglais. Les Français se livrent eux aussi activement à
la pêche sur la côte et, en 1662, ils construisent une
base terrestre fortifiée à Placentia." Cette base se trouve
suffisamment près de Saint-Jean pour alimenter une
hostilité constante entre les deux établissements, et les
deux groupes d'habitants continuent de se harceler.
Les Français sont avant tout intéressés par la morue
mais ils ne négligent pas le saumon pour autant; une
carte de Placentia contenue clans les Nouveaux Voyages
de La Hontan datant de 1703 désigne sous le nom de
« rivière où les saumons se pêchent » la rivière appelée
à l'heure actuelle Southeast. Les pêcheurs français
s'adonnent également à la pêche à la morue dans la baie
Trinité de l'autre côté de la partie occupée par les
Anglais et le saumon leur est familier; une carte de 1720
indique le nom de Port aux Saumons pour l'un de leurs
postes de pêche et une autre rivière aux Saumons sur la
côte méridionale du Labrador.' À propos de ce dernier
endroit, d'après les documents, dès le début des années
1600, les Français se livrent à une pêche intensive dans
les parages du détroit de Belle-Isle et fondent la ville de
Brest à l'embouchure de la baie Bradore près de la
rivière aux Saumons. Cette collectivité compute alors,
semble-t-il, jusqu'à I 000 personnes et quelque 200
habitations.'
À la fin du XVII' et au début du XVIII' siècle,
l'exploitation de la pêche à Terre-Neuve est généralement
agitée par des troubles. Non seulement les
Français et les Anglais sont en lutte constante à ce sujet
mais les habitants permanents de l'île sont en outre
harcelés et dominés par les pêcheurs saisonniers et les
capitaines des bateaux de pêche. Cette situation est
aggravée par l'absence d'un gouvernement civil et de
toute autorité religieuse; un capitaine de convoie fait
remarquer, en 1684, que si les habitants se rassemblent
ce n'est certainement pas pour .'adorer le Seigneur :"
c'est plutôt pour se battre, concentrer leurs efforts sur la
morue — ou attaquer les saumons remontant pour la
fraie. Dans une situation aussi perturbée et dans une
colonie où la vie est difficile même dans les meilleures
conditions, la pêche ne peut progresser à cette époque.
Nouvelle terre de Canaan anglaise
Tandis que les Français explorent le littoral acadien
pour essayer de s'y établir, les Anglais font également
preuve d'un intérêt considérable à l'égard de la
côte américaine, au sud de l'actuel État du Maine; la
colonie de Champlain à Port-Royal ne devance que de
deux ans l'établissement des Anglais en Virginie. Le
capitaine John Smith, fondateur de la Virginie, est à
l'emploi d'un groupe de commerçants de Plymouth et
Bristol, qui rapidement voient l'occasion d'amortir sans