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Le saumon de l'Atlantique dans l'histoire de l'Amérique du Nord

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le fleuve et la baie dont le nom commémore la découverte<br />

<strong>de</strong> Henry Hudson délimitent l'aire <strong>de</strong> répartition<br />

<strong>de</strong> cette espèce; toutefois, cela n'est pas le cas car l'on<br />

soupçonne que les rares personnes qui préten<strong>de</strong>nt avoir<br />

observé <strong>de</strong>s <strong>saumon</strong>s confon<strong>de</strong>nt ce poisson avec le<br />

<strong>saumon</strong> <strong>de</strong> Hearne, aussi connu sous le nom d'omble<br />

chevalier (Salvelinus alpinus). Par le biais <strong>de</strong> publications<br />

récentes, nous savons que certains <strong>saumon</strong>s <strong>de</strong><br />

<strong>l'Atlantique</strong> <strong>du</strong> Canada migrent jusqu'à la mer <strong>du</strong> Labrador<br />

et la côte ouest <strong>du</strong> Groenland, mais il n'a pas été<br />

déterminé si, <strong>de</strong> tout temps, ils suivent les mêmes voies<br />

migratoires. D'après certains signes, la présence <strong>de</strong><br />

l'espèce sur la côte centre ouest <strong>du</strong> Groenland est récente<br />

et est peut-être <strong>du</strong>e au changement <strong>de</strong> température<br />

<strong>de</strong> la mer.' Cependant, comme il n'y a ni témoignage<br />

écrit ni activités <strong>dans</strong> cette région avant le XX' siècle,<br />

il est peut-être plus raisonnable d'ignorer la présence <strong>de</strong><br />

ce poisson <strong>dans</strong> le passé à ces latitu<strong>de</strong>s.<br />

<strong>Le</strong> paradis caché <strong>du</strong> Nouveau Mon<strong>de</strong><br />

Dans les temps anciens, les bassins versants accessibles,<br />

qui représentent l'aire <strong>de</strong> dispersion <strong>du</strong> <strong>saumon</strong>,<br />

couvrent au total au moins un quart <strong>de</strong> million <strong>de</strong> milles<br />

carrés <strong>de</strong> territoire encore vierge;" il n'y a que les<br />

Amérindiens qui y vivent, en harmonie avec la nature.<br />

De nos jours, il est difficile <strong>de</strong> se représenter réellement<br />

comment étaient ces vastes zones <strong>de</strong> terres vierges, car<br />

nos régions sauvages n'ont pas entièrement conservé<br />

leur état primitif et sont plus ou moins touchées par la<br />

civilisation, le développement et la pollution. Nous ne<br />

pouvons donc ni juger <strong>de</strong> l'effet <strong>de</strong> terres totalement<br />

sauvages, ni nous émerveiller <strong>de</strong> leur pro<strong>du</strong>ctivité, ni<br />

recréer l'isolement et la puissance qu'elles dégagent, ni<br />

savourer leur pureté ni admirer sans réserve leur irrésistible<br />

magnificence. Nous ne pouvons nous imaginer,<br />

par exemple, que les premiers immigrants d'Europe<br />

savent qu'ils sont près <strong>du</strong> continent américain d'après<br />

l'o<strong>de</strong>ur que dégagent les forêts <strong>de</strong> pins à 200 milles au<br />

large <strong>de</strong> la côte.' Francis Parkman, le célèbre historien<br />

américain <strong>de</strong> la fin <strong>du</strong> XIX' siècle décrit comme suit les<br />

zones sauvages à I:arrivée <strong>de</strong>s Européens <strong>dans</strong> l'est <strong>de</strong><br />

<strong>l'Amérique</strong> :<br />

Une forêt vaste et <strong>de</strong>nse qui ombrage le sol fertile,<br />

recouvre les terres comme la pelouse d'un jardin, on<strong>du</strong>le<br />

par-<strong>de</strong>ssus collines et vallons, ensevelit les montagnes<br />

<strong>dans</strong> sa ver<strong>du</strong>re et cache les ruisseaux et les<br />

cours d'eau <strong>de</strong> la lumière <strong>du</strong> jour. 36<br />

Bon nombre <strong>de</strong> gens quittant les régions cultivées<br />

et civilisées d'Europe sont impressionnés par ces vastes<br />

éten<strong>du</strong>es :<br />

12<br />

ou les saisons se succè<strong>de</strong>nt, où l'herbe pousse et fleurs<br />

meurent; ... où la neige recouvre, immobile, les col-<br />

lines et les lacs; où le niveau <strong>de</strong>s eaux <strong>dans</strong> les rivières<br />

s'élève et s'abaisse, mais où la nature reste inchangée,<br />

permanente. C'est la solitu<strong>de</strong>, le silence, le calme; ni<br />

l'homme ni les saisons ni le temps ne peuvent la modifier;<br />

ce sont <strong>de</strong>s espaces infinis."<br />

Il est presque impossible <strong>de</strong> décrire les panoramas<br />

qui se déroulent et un colon écrit : « Rien au mon<strong>de</strong><br />

n'est comparable à la splen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s paysages »' tandis<br />

qu'un autre, qui se rend un jour à l'intérieur <strong>de</strong>s terres<br />

<strong>dans</strong> l'est <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s zones encore vierges déclare :<br />

Il est impossible <strong>de</strong> décrire la gran<strong>de</strong>ur et la richesse<br />

<strong>de</strong>s paysages .. . Partout règne l'état sauvage, la toute<br />

puissance et la tranquillité <strong>dans</strong> ces terres primitives, <strong>de</strong><br />

sorte que l'homme est ramené à <strong>de</strong>s milliers d'années<br />

en arrière et qu'il se retrouve lui-même <strong>dans</strong> son état<br />

primitif, oubliant ce qu'il a acquis au cours <strong>de</strong>s<br />

siècles. 39<br />

<strong>Le</strong>s terres sont fertiles. La faune et la flore abon<strong>de</strong>nt.<br />

On raconte que les tourtes noircissent le ciel<br />

pendant <strong>de</strong>s jours au cours <strong>de</strong> leur migration; <strong>dans</strong> un<br />

zone <strong>de</strong> nidification au Michigan, qui s'étend sur environ<br />

300 milles carrés, la population s'élève non pas à<br />

<strong>de</strong>s millions, mais à <strong>de</strong>s milliards d'oiseaux.' D'autres<br />

espèces d'oiseaux sont aussi prolifiques et, même avec<br />

les armes à feu rudimentaires <strong>de</strong> l'époque, Champlain,<br />

par exemple, capture aisément plus <strong>de</strong> 2 000 alouettes,<br />

pluviers, bécassines et curlis en une après-midi."<br />

« Partout, il y a <strong>de</strong>s sentiers <strong>de</strong> cerfs à quelques verges<br />

<strong>de</strong> distance seulement les uns <strong>de</strong>s autres » 42; « les terres<br />

regorgent d'orignaux et <strong>de</strong> caribous et, d'après les estimations,<br />

entre 50 et 70 millions <strong>de</strong> buffles vivent sur les<br />

plaines continentales où leurs troupeaux sont les plus<br />

nombreux » .<br />

Font partie intégrante <strong>de</strong> cette véritable réserve<br />

naturelle les cours d'eau et ruisseaux, dont les eaux<br />

pures s'écoulent librement et se déversent <strong>dans</strong> une mer<br />

qui n'est pas, elle non plus, profanée. En 1767, au<br />

cours <strong>de</strong> ses périples <strong>dans</strong> les terres intérieures <strong>de</strong><br />

<strong>l'Amérique</strong> <strong>du</strong> <strong>Nord</strong>, Jonathan Carver est saisi par la<br />

pureté et la beauté <strong>du</strong> fleuve Saint-Laurent :<br />

L'eau. . . est aussi pure et transparente que l'air et mon<br />

canot semble flotter <strong>dans</strong> cet élement. Il nous est impossible<br />

d'observer les roches au fond <strong>de</strong> l'eau limpi<strong>de</strong><br />

sans, qu'au bout <strong>de</strong> plusieurs minutes, la tété nous<br />

tourne et que nous soyons éblouis par le miroitement <strong>de</strong><br />

Peau."<br />

Dans ce milieu primitif, le <strong>saumon</strong> et les autres<br />

espèces <strong>de</strong> poisson vivent et se repro<strong>du</strong>isent en quantité<br />

prodigieuse. Au début <strong>de</strong>s années 1600, le gouverneur<br />

<strong>de</strong> l'Acadie affirme que la mer est « remplie <strong>de</strong><br />

<strong>saumon</strong>s » et d'autres poissons;" pendant certaines pério<strong>de</strong>s,<br />

les poissons sont si abondants qu'ils nuisent au<br />

déplacement <strong>de</strong>s navires;' et, selon Jean Cabot, on peut<br />

prendre la morue en abaissant simplement un panier en

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