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1894 - Diocèse de Quimper et du Léon

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— 398 —<br />

De son côté, Dieu l'appelle ; car il a plu à Dieu <strong>de</strong> choisir<br />

une jeune fille potir chasser les ennemis. Tant qu'il y aura un<br />

Anglais sur le sol <strong>de</strong> la patrie, elle entendra résonner à son<br />

oreille l'ordre d'en haut: « Fille <strong>de</strong> Dieu, va, va, va... » Dusseje<br />

user mes jambes jusqu'aux genoux, j'irai !<br />

Nous l'avpns vue, éclairée par les inspirations <strong>du</strong> ciel, fidèle<br />

à sa France <strong>et</strong> à son Dieu, s'élancer avec la sûr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> la rapidité<br />

<strong>de</strong> l'aigle pour accomplir sa mission. Les hommes d. armes<br />

ont combattu <strong>et</strong> Dieu a donné la victoire, Jeanne est à Reims,<br />

telle que vous la voyez rayonnante au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> c<strong>et</strong> autel. Au<br />

niilieu <strong>de</strong> l'imposante majesté <strong>et</strong> <strong>de</strong>s émotions <strong>de</strong> la cérémonie<br />

<strong>du</strong> sacre, tous les regards sont pour elle. Son cœur bat, non<br />

point d'orgueil, mais <strong>de</strong> joie pour la France, <strong>de</strong> reconnaissance<br />

envers Dieu. Elle a bien le droit <strong>de</strong> porter <strong>et</strong> <strong>de</strong> placer son<br />

étendard « à l'honneur. > Pour elle, <strong>et</strong> ce <strong>de</strong>rnier trait achève<br />

sa gran<strong>de</strong>ur, en ce jour, elle se j<strong>et</strong>te toute baignée <strong>de</strong> larmes<br />

aux pieds <strong>de</strong> son roi dont elle embrasse les genoux. La première<br />

partout à la peine, elle veut être la première k l'hommage<br />

<strong>de</strong> fidélité, à l'humble soumission, la première toujours<br />

au dévouement envers sa patrie <strong>et</strong> son roi.<br />

Les illustrations guerrières <strong>de</strong> tous les siècles peuvent<br />

venir sans honte incliner leurs lauriers <strong>et</strong> leur gloire <strong>de</strong>vant<br />

notre héroïne, <strong>et</strong> reconnaître qu'il n'est pas, dans les fastes<br />

<strong>de</strong>s armées, <strong>de</strong> renommée plus intacte <strong>et</strong> qui fasse mieux<br />

resplendir sur le mon<strong>de</strong>, dans la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa vérité, notre<br />

<strong>de</strong>vise br<strong>et</strong>onne : Potius mori quam foedari f<br />

III<br />

L'honneur a son <strong>de</strong>rnier triomphe dans les épreuves; il<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors toute Ia force <strong>du</strong> lion : leonibus fortiores*<br />

Chez tous les peuples <strong>et</strong> en tous les temps, on a vu le comble<br />

<strong>de</strong> l'honneur, pour la nature humaine, dans le juste aux<br />

prises avec l'adversité. L'homme déchu a pu par lui-même<br />

entrevoir quelque chose <strong>de</strong> ces gran<strong>de</strong>urs <strong>et</strong> trouver <strong>de</strong>s<br />

paroles éloquentes pour les exalter. Mais sa statue <strong>de</strong> l'honneur<br />

a toujours <strong>de</strong>s pieds d'argile, <strong>et</strong> on Ia voit s'effondrer,<br />

sous les coups <strong>du</strong> fatalisme, <strong>du</strong> suici<strong>de</strong>, d'un stoïcisme sans<br />

entrailles ou par la découverte d'un vice caché qui minait<br />

secrètement l'idole.<br />

La Croix domine le mon<strong>de</strong>, comme le siège <strong>et</strong> le parfait<br />

signe <strong>de</strong> l'honneur. Là est la vertu sans tache, dans la souffrance<br />

sans limite, le sacrifice sans réserve, l'immolation sans<br />

défaillance, la victime dont le sang purifie <strong>et</strong> sauve Ie mon<strong>de</strong>,<br />

en lui rendant, avec les beautés <strong>de</strong> l'innocence, l'éternel honneur.<br />

Voilà jusqu'à quelle hauteur nous <strong>de</strong>vons élever la<br />

<strong>de</strong>vise <strong>de</strong> la Br<strong>et</strong>agne, pour qu'elle soit jusqu'au bout la règle<br />

<strong>et</strong> la mesure à laquelle nous jugerons Jeanne d'Arc.<br />

O Jeanne, quand Dieu t'a dit : Fille <strong>de</strong> Dieu, va, va, va,..,<br />

Il t'appelait à mieux encore qu'au triomphe <strong>de</strong> Reims. Tu<br />

Archives diocésain <strong>de</strong> <strong>Quimper</strong> <strong>et</strong> <strong>Léon</strong><br />

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continueras à sauver la France,.comme ton Jésus, dont le<br />

nom est écrit sur ta bannière,, a sauvé le mon<strong>de</strong> ' en donnant,<br />

toi aussi, ta vie dans un supplice qui rappellera la Passion<br />

<strong>et</strong> le Calvaire.<br />

Vive labeur ! Ces mots qu'on lit encore sur la maison <strong>de</strong><br />

Jeanne d'Arc, à Domrémy, sont gravés au-<strong>de</strong>ssous d'une gerbe<br />

<strong>de</strong> blé enlacée avec <strong>de</strong>ux grappes <strong>de</strong> raisin. U y a eu labeur,<br />

pour faire pro<strong>du</strong>ire à la terre c<strong>et</strong>te gerbe <strong>et</strong> ces grappes qui forment<br />

l'emblème, Mais le <strong>de</strong>rnier labeur, je le vois dans la<br />

meule qui broiera le pur froment, dans Ie pressoir qui foulera,<br />

écrasera le raisin.<br />

Vive labeur ! C<strong>et</strong>te meute <strong>et</strong> ee pressoir qui doivent broyer<br />

Jeanne, est-ce qu'on ne les trouve pas dans c<strong>et</strong> inconnu <strong>du</strong><br />

malheur qu'ouvrent <strong>de</strong>vant elle ses voix, dans les pressentiments<br />

<strong>de</strong> trahison qui la torturent? Où est le traître? On ne<br />

saurait peut-être le nommer ; celui qui la vendit aux Anglais<br />

mérite bien c<strong>et</strong>te note d'infamie. Mais la trahison n'est-elle<br />

pas partout, dans ces intrigues <strong>de</strong> la jalousie <strong>et</strong> <strong>de</strong> la haine,<br />

dans ces menées criminelles qui l'isolent, contrecarrent ses<br />

proj<strong>et</strong>s, la décrient, lui enlèvent les moyens <strong>de</strong> combattre <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

vaincre V Si ce n'est trahison, comment qualifier l'indifférence<br />

qui s'inquiète si peu <strong>de</strong> Jeanne dans les fers? Duguesclin prisonnier<br />

n'était pas en peine <strong>de</strong> sa rançon... T a-t-il femme <strong>de</strong><br />

France qui songe à filer sa quenouille, pour ai<strong>de</strong>r à la délivrance<br />

<strong>de</strong> Jeanne? Quelques-uns <strong>de</strong> ceux qui partagèrent ses<br />

exploits essaieraient peut-être <strong>de</strong> la sauver. Que faire, dans<br />

c<strong>et</strong> affaissement général qui paralyse Charles VII lui-même?<br />

Est-ce impuissance, oubli, ingratitu<strong>de</strong> ? Douloureux mystère<br />

où l'histoire a peine à se reconnaître <strong>et</strong> qui n'en laisse pas<br />

moins à l'héroïque victime tout le poids, mais aussi tout Ie<br />

mérite <strong>de</strong> sa cruelle épreuve. Jeanne, abandonnée, conserve<br />

toute la force <strong>du</strong> lion : leonibus fortiores. Pas <strong>de</strong> plainte, pas<br />

<strong>de</strong> murmure ; elle n'oubliera pas pour cela la France <strong>et</strong> son<br />

roi; elle n'oubliera qu'elle-même. Ne dites pas <strong>de</strong> mal <strong>de</strong> mon<br />

maître, c'est un noble chrétien; si j'ai mal agi, il est innocent !<br />

Vive labeur! la meule <strong>et</strong> le pressoir,c'est l'Anglais qui tient<br />

sa redoutable ennemie enchaînée. Il y a peu <strong>de</strong> jours, il tremblait<br />

; Leo est in silva ! Ne sortons pas, le lion est dans la forêt;<br />

le nom seul <strong>de</strong> Jeanne le m<strong>et</strong>tait en fuite <strong>et</strong> il avait honte <strong>du</strong><br />

nombre <strong>de</strong> ses déserteurs. Aujourd'hui, il a une cage pour<br />

enfermer sa victime, <strong>de</strong>s liens pour la garrotter, d'ignobles<br />

val<strong>et</strong>s pour l'outrager; mais elle le domine dans les fers<br />

comme sur les champs <strong>de</strong> bataille. Qu'il vienne, Warwick <strong>et</strong><br />

que, bondissant sous Ia parole fière, <strong>et</strong> indignée <strong>de</strong> l'indomptable<br />

Française, il lève contre elle son épée, il n'entendra que<br />

la même prophétie patriotique : Non, vous n'aurez pas la<br />

France !<br />

Vive labeur /... Mon coeur frémit <strong>et</strong> saigne <strong>de</strong> le dire :<br />

Jeanne se dit bonne chrétienne, <strong>et</strong> ses juges préten<strong>de</strong>nt être

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