17.08.2013 Views

LES MÉTAMORPHOSES

LES MÉTAMORPHOSES

LES MÉTAMORPHOSES

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Il dit, et les Grecs, obéissant à l'ombre impitoyable, arrachent<br />

des bras de sa mère Polyxène, dernière consolation qui<br />

restait à sa douleur. Cette princesse, que son courage élève audessus<br />

de son sexe et de son malheur, est conduite en victime<br />

sur la tombe d'Achille. Digne fille des rois, elle arrive à cet autel<br />

barbare, et voyant les funestes apprêts du sacrifice, Néoptolème<br />

debout, qui tient le couteau sacré, et attache sur elle ses regards<br />

:<br />

« Répands, dit-elle, ce sang illustre et pur : que rien ne t'arrête<br />

; plonge le fer dans ma gorge ou dans mon sein (et en<br />

même temps elle présente l'une et l'autre). Polyxène craint<br />

moins la mort que l'esclavage. Mais aucune divinité ne peut être<br />

apaisée par ce sacrifice inhumain. Je voudrais seulement que<br />

ma mère trompée put ignorer ma mort. Ma mère trouble seule<br />

la joie que m'offre le trépas ; et cependant, ce n'est pas ma mort<br />

qui doit l'affliger, c'est sa vie. Vous, ô Grecs, éloignez-vous : laissez-moi<br />

descendre libre chez les morts. Si ma prière est juste, ne<br />

portez point sur moi vos mains, et respectez mon sexe. Quels<br />

que soient les mânes que vous cherchiez à apaiser, mon sacrifice<br />

leur sera plus agréable, devenu volontaire. Si mes derniers vœux<br />

peuvent vous toucher, écoutez la fille de Priam et non votre captive.<br />

Rendez à ma mère mon corps sans rançon. Que l'or ne rachète<br />

point le triste droit du tombeau, accordez-le à ses pleurs.<br />

Autrefois elle avait des trésors, et s'en servait pour racheter ses<br />

enfants. »<br />

Polyxène se tait : le peuple ne peut retenir ses pleurs, elle<br />

retient les siens. Le sacrificateur lui-même est attendri, et<br />

plonge à regret le couteau dans le sein qui s'offre à ses coups. La<br />

victime chancelle et tombe ; et son front conserve encore une<br />

noble fierté. En tombant, elle songeait à ranger ses vêtements,<br />

et ce dernier soin est le triomphe de la pudeur.<br />

Les captives Troyennes reçoivent son corps : elles se rappellent<br />

avec douleur tous les fils de Priam égorgés, tout le sang<br />

– 335 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!