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LES MÉTAMORPHOSES

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Si vous demandez ce qui l'emportait de ma haine contre le cyclope,<br />

ou de ma tendresse pour Acis : mon cœur était également<br />

rempli de ces deux sentiments. Ô Vénus, que ton pouvoir est<br />

grand, et ton empire absolu ! Ce monstre farouche, l'horreur des<br />

forêts mêmes, que nul mortel n'aborda jamais impunément, qui<br />

méprise et l'Olympe et ses dieux, est soumis a ta puissance.<br />

Épris de mes charmes, il brûle de tes feux. Il oublie ses troupeaux<br />

et les antres qu'il habite. Déjà, Polyphème, tu prends soin<br />

de te parer. Tu cherches à me plaire. Tu peignes avec un râteau<br />

ta rude chevelure. Ta barbe hérissée tombe sous une faux. Tu te<br />

mires dans l'onde, tu cherches à adoucir les traits affreux de ton<br />

visage. Tu perds ton ardeur pour le meurtre, ta cruauté, ta soif<br />

immense du carnage, et les vaisseaux abordent en sûreté vers<br />

ton rivage et s'en éloignent sans danger.<br />

« Cependant le fils d'Eurymus, Télémus, cet augure qui tire<br />

du vol des oiseaux d'infaillibles présages, descend en Sicile, et<br />

voit sur l'Etna le terrible Polyphème : – Prends garde, lui dit-il,<br />

à l'œil unique que tu portes à ton front ; il te sera arraché par<br />

Ulysse.’ Le cyclope rit de cette prédiction : – Ô le plus insensé<br />

des augures, s'écrie-t-il, tu te trompes : cet œil, un autre déjà me<br />

l'a ravi.’ C'est ainsi qu'il méprise une prédiction pour lui trop<br />

véritable. Tantôt, pour me voir, il précipite sa marche, et le rivage<br />

gémit sous ses pas pesants ; tantôt, vaincu par la fatigue, il<br />

va chercher le repos dans ses antres profonds.<br />

« Il est un rocher dont la cime allongée s'élève sur la mer,<br />

et que les vagues frappent à sa base des deux côtés. C'est là que<br />

l'amoureux cyclope monte et qu'il vient s'asseoir. Ses troupeaux,<br />

qui ne l'ont plus pour conducteur, le suivent encore. Il pose à<br />

ses pieds le pin qui lui sert de houlette, et dont on eût pu faire le<br />

mât d'un vaisseau ; il prend une flûte énorme, composée de cent<br />

roseaux : il souffle dans l'instrument champêtre, et l'onde frémit,<br />

et les monts retentissent. J'étais cachée dans une grotte, où,<br />

penchée sur le sein d'Acis, j'entendis de loin les chansons du<br />

cyclope ; je les ai retenues ; il disait :<br />

– 345 –

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