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LES MÉTAMORPHOSES

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charmer un dieu, ni mériter de lui plaire. Peut-être Apollon luimême<br />

ne me reconnaîtra plus, ou il niera de m'avoir aimée. Et<br />

tel sera mon changement, qu'invisible à tous les yeux, je ne serai<br />

connue que par la voix : les destins me laisseront la voix. »<br />

Tandis que la Sibylle parlait ainsi, le héros troyen, traversant<br />

les chemins profonds de l'Averne, sort enfin du royaume<br />

des morts, et rentre dans la ville de Cumes. Il fait aux dieux les<br />

sacrifices accoutumés, et aborde au rivage qui ne portait pas<br />

encore le nom de sa nourrice.<br />

Là, dégoûté de ses longs voyages, s'était arrêté Macarée, né<br />

à Ithaque, et l'un des compagnons du sage Ulysse. Il venait de<br />

reconnaître Achéménide, qui fut abandonné sur les rochers de<br />

l'Etna. Surpris de le retrouver et de le revoir vivant :<br />

« Quel hasard, ou quel dieu, dit-il, a conservé Achéménide<br />

? Comment un Grec se trouve-t-il sur une flotte barbare ?<br />

et quelle terre cherches-tu avec les Troyens ? »<br />

Achéménide, que ne couvrent plus de vils lambeaux attachés<br />

avec des épines, Achéménide, redevenu lui-même, répond :<br />

« Que je revoie encore l'horrible Polyphème et le sang humain<br />

découlant de ses lèvres, si les vaisseaux d'Ithaque et si ma<br />

patrie me sont désormais plus chers que les Troyens, si je respecte<br />

moins Énée que mon père ! Jamais, quoi que je puisse<br />

faire, je ne reconnaîtrai assez les bienfaits de ce héros. Si je te<br />

parle et si je respire, si je vois le ciel et sa vive lumière, puis-je<br />

être ingrat et oublier que c'est à lui que je le dois ! C'est par lui<br />

que ma vie ne s'est point éteinte dans la bouche du cyclope ; et<br />

maintenant je puis mourir, mon corps sera reçu dans un tombeau,<br />

et non dans les entrailles de ce monstre.<br />

« Juge, à moins que la frayeur ne m'eût ôté tout sentiment,<br />

quel fut mon désespoir, lorsque, abandonné sur le rivage, je<br />

– 357 –

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