Le numéro intégral au format pdf (300 pages , 6 Mo) - Café ...
Le numéro intégral au format pdf (300 pages , 6 Mo) - Café ...
Le numéro intégral au format pdf (300 pages , 6 Mo) - Café ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
C'est à dire que la pédagogie est déjà mise en doute depuis fort longtemps, bien avant les<br />
pamphlétaires actuels ?<br />
Oui. Une part de l’identité de l’enseignement secondaire s’est forgée sur l’opposition entre<br />
savoir et pédagogie. La pédagogie menace le savoir. C’est du temps perdu, soustrait à la<br />
culture. Elle infantilise les élèves, primarise le secondaire, et introduit de l’uniformité là où<br />
l’enseignement est une « création permanente ». C’est donc plus une conception de la culture<br />
que l’opposition politique <strong>au</strong>x républicains qui explique l’hostilité à la pédagogie<br />
extrêmement virulente <strong>au</strong> début du 20ème siècle. L’historien A. Mathiez, par ailleurs<br />
progressiste, qui s’inquiète en 1910 de l’avenir de la « h<strong>au</strong>te culture française », écrit par<br />
exemple : « Guérissons-nous de cette pédagogie qui a fait dans l’enseignement les mêmes<br />
ravages que sa sœur, la démagogie dans la politique. »<br />
Des réactions sensiblement analogues se sont manifestées à chaque fois que le « centre » de<br />
l’action éducative s’est déplacé de la transmission des savoirs vers les apprentissages des<br />
élèves. Historiquement, l’enseignement secondaire est un enseignement de connaissances.<br />
Enseigner la philosophie, la littérature, c’est faire acquérir la connaissance des œuvres qui<br />
sont <strong>au</strong> programme, car l’esprit doit être « meublé » si on veut que la raison s’exerce. Dans<br />
cette logique, sont fustigées les pédagogies de l’éveil et de l’activité, celles qui partent des<br />
besoins de l’élève et de ses centres d’intérêt. Pédagogies de la facilité, de la paresse,<br />
apprenant « à l’élève à s<strong>au</strong>tiller, non à voler », comme l’écrit en 1965 un professeur de<br />
mathématiques à propos des méthodes actives, elles sont <strong>au</strong>ssi, pour ceux qui les dénoncent,<br />
plus inégalitaires qu’un cours bien dirigé par le professeur qui offre la même nourriture à tous<br />
les élèves.<br />
On retrouverait donc la même argumentation ?<br />
Oui. On a un fonds d’arguments qui reste le même. Par exemple, lors de la création des<br />
IUFM, ont resurgi les arguments qui, lors de l’enquête parlementaire de 1899, avaient été<br />
employés contre la professionnalisation de la <strong>format</strong>ion, et notamment l’alourdissement de la<br />
préparation des concours par des « truismes et niaiseries ». Mais des questions nouvelles ont<br />
surgi, comme la question centrale de l’échec scolaire, peu présente quand l’enseignement<br />
secondaire était fréquenté par la minorité d’une classe d’âge. Par ailleurs, avec le<br />
développement des savoirs sur l’éducation, les problématiques, comme les rapports entre<br />
l’école et la société, se sont complexifiées.<br />
Derrière cette construction, il y a des hommes et des clans. Quel rôle ont pu jouer de<br />
façon durable des "pères fondateurs" de discipline (par exemple Seignobos ou Lavisse<br />
pour l'histoire) ? Peut on observer des différences d'une discipline à l'<strong>au</strong>tre ? Cela<br />
s'articule-t-il avec des fractures plus larges, politiques , sociales ?<br />
Il y a dans chaque discipline des pères fondateurs qui ont joué un rôle actif dans la mise en<br />
forme scolaire des savoirs, fixant des cadres, comme les programmes, et avec eux souvent<br />
l’esprit de la discipline, qui ont connu une remarquable stabilité jusqu’à la fin des années<br />
1960/ début des années 1970. Mais, <strong>au</strong>tant qu’à des hommes, cela renvoie à des moments,<br />
notamment celui des réformes de la Troisième République où, pour contrer l’influence de<br />
63