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Nr. 3 (08) anul III / iulie-septembrie 2005 - ROMDIDAC

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évidemment, grandissent, se gonflent, se transforment en structures fleurissantes,<br />

vivantes, au rythme de ses paroles. La lumière donne libre cours à la<br />

végétation qui pousse la terre de toutes ses forces, de bas en haut, prête à la<br />

rehausser. Les bourgeons éclatent: c’est le printemps, peut-être? L’air, en tout<br />

cas, est embaumé. L’air amplifie les bruits, jusqu’au froissement discret d’une<br />

jupe, la vibration d’un cheveu délicat, caché. Les fossoyeurs, en costumes de<br />

jardiniers, vaquent à leurs affaires nonchalamment, nettoient l’endroit, l’affinent,<br />

l’arrosent avec leurs arrosoirs verts. De la caisse abandonnée, pauvre<br />

parallélépipède, dégoulinent – ou peut-être le rideau du brouillard donne-t-il<br />

des illusions – les fruits de l’automne. Des raisins, du maïs, des pommes<br />

aussi, des potirons et des prunes. De derrière la croix amincie par la distance,<br />

à présent plantée au sommet de la colline, d’autres personnages font leur<br />

apparition. Des couples, elles avec un petit parapluie, eux, avec papillon et<br />

chapeau, les lèvres très souriantes et les moustaches en fourchette, enlacés,<br />

se promènent nonchalamment, s’embrassent. Le gosse impertinent tire avec<br />

sa fronde. La pierre touche tout droit l’œil du regardeur. Cligne, donc.<br />

Elle ouvre la porte avec précaution. Elle promène son regard sur les livres<br />

rares. Un rideau mince de poussière voile l’éclat habituel des rayons. Elle voit<br />

clairement, comme si elle les examinait de très près, les coins émoussés, les<br />

taches. Le volume qu’elle cherche n’est pas à sa place. Elle se dit encore une<br />

fois qu’elle devait, quand elle sortirait en ville, ne pas oublier de passer par<br />

la librairie. Elle se retrouve en comptant les livres. Elle a eu jadis l’ambition<br />

d’acheter au moins quelques centaines. Au moins de chez le Bouquiniste. Et<br />

alors? Pourquoi ne l’a-t-il pas fait? Elle n’arrive pas à finir la compte. Les yeux<br />

glissent vers l’étagère près du canapé. La radio, oubliée ouverte, grommelle.<br />

A coté, les poupées, dix au total, propres, apprêtées, les yeux écarquillés,<br />

laissaient croire d’être tout yeux, tout oreilles. Seulement une la suit du regard<br />

dès qu’elle fait deux pas dans la chambre. Elle ferme doucement la porte, en<br />

fronπant son nez, en s’élevant sur la pointe des pieds, tâchant avec beaucoup<br />

d’efforts à cacher l’éventuel grincement. L’épinette ancienne dans la lumière<br />

mourante a l’air encore plus ancien. Elle a du mal à maîtriser son désir de<br />

toucher le clavier. Elle fait encore quelques pas. La pendule accrochée trop<br />

haut au-dessus de sa tête s’arrête un instant. Out, dit-elle, elle ne pourrait<br />

jamais dormir aux environs des tic-tac d’un tel objet. Elle caresse au passage le<br />

dossier de la balanπoire. Elle garde dedans une vibration, un frisson, comme<br />

si quelqu’un venait de le quitter. Ses yeux tombent sur le tapis usé, marron.<br />

Dans un an, probablement, comme on avait envisagé, on allait le changer,<br />

en cotisant tous. Mais selon quelles proportions? Elle avait noté quelque<br />

part. Quarante pour cent A – soixante pour cent B. Ensuite elle l’avait rayé.<br />

Cinquante pour cent chacune? De toute faπon, il y aurait un inévitable<br />

nettoyage général de la maison. La table du milieu de la chambre devrait être<br />

remplacée. Peut-être aussi bien les chaises. La table ronde, sans chevaliers,<br />

à laquelle la bouteille de liqueur de lait semble collée. A coté : un verre un<br />

peu embué. Elle en verse soigneusement, boit lentement. Elle regarde un<br />

instant sa main soulevée au niveau des yeux. Elle est tantôt livide, tantôt<br />

brillante. Elle observe, parmi les doigts, dans le miroir, que Barbara ne dort<br />

pas. Elle est couchée sur le canapé, couverte jusqu’au menton et lit. Ou elle<br />

fait semblant de lire. La lumière est très faible. La couverture couvre à moitié<br />

EX PONTO NR.3, <strong>2005</strong><br />

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