Bernard Boller, Gottschalk d'Orbais de Fulda à Hautvillers

Préface
Grâce au travail patient, érudit et sensible, de
Bernard Boller, voici donc qu’un personnage hors
du commun sort de l’ombre, Gottschalk, ce moine
entré en dissidence au moment où se défaisait
l’empire créé par Charlemagne.
En cette période d’expansion du christianisme, Gottschalk
apparaît d’abord comme un homme d’Eglise, un moine bien
formé, à la capacité créatrice impressionnante. C’est un lettré,
qui laissera de nombreux écrits, un grammairien, un philologue,
un philosophe ; un homme, aussi, dont le sens de la
mélodie donne à penser, comme écrit Bernard Boller, qu’il est
« aussi talentueux en musique qu’en poésie ». C’est aussi un
voyageur, qui circule dans le vaste espace qu’est l’Europe, et
y laisse ça et là quelques traces de son passage. Enfin, c’est
encore, et surtout, un théologien que ses prises de position
transformeront en banni.
Et ici, tout bascule dans l’intérêt que nous pouvons porter à
Gottschalk. Car à une époque où le pouvoir religieux et le pouvoir
laïc s’entremêlent, promouvoir comme il le fait un point
de vue qui met en cause des idées plus ou moins établies, c’est
s’exposer à des réactions d’une grande violence de la part des
autorités constituées. Gottschalk, tôt délié de ses vœux, est vite
un exclu, un marginal, dont la trajectoire se conclut, à l’issue
des assemblées qui le jugent en 848 à Mayence, et surtout en
849 à Quierzy, non seulement par la dégradation, mais aussi
par une lourde peine de prison, par le fouet et par le silence
perpétuel qu’apporte la mutilation de sa langue. Il s’inscrit
ainsi dans une longue tradition, qui inclut les violences de
l’Inquisition ou celles des régimes totalitaires.
Son crime ? Avoir développé une doctrine de la double prédestination,
qui veut que Dieu ait fait ses choix et décidé de
sauver certains hommes par sa grâce : il y a les élus, et les