Bernard Boller, Gottschalk d'Orbais de Fulda à Hautvillers
Bernard Boller, Gottschalk d'Orbais de Fulda à Hautvillers
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éprouvés, les uns pré<strong>de</strong>stinés au salut et les autres <strong>à</strong> la damnation.<br />
Doctrine qu’on peut lire aujourd’hui, <strong>de</strong> façon certes<br />
anachronique, et en sociologue, <strong>à</strong> la lumière <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux<br />
dimensions principales. D’une part, elle décrit <strong>de</strong>ux groupes<br />
distincts, et rend donc compte d’un principe <strong>de</strong> division<br />
social, même s’il est pensé comme propre <strong>à</strong> l’au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong>. Et<br />
d’autre part, elle affirme que le <strong>de</strong>stin post-mortem <strong>de</strong> l’individu<br />
est tracé en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> lui, ce qui rend finalement vain ou<br />
inutile tout effort ici bas. En termes sociologiques, cette doctrine<br />
revient presque <strong>à</strong> dénier toute chance ou toute place<br />
pour le sujet personnel, et <strong>à</strong> reconnaître l’existence d’une<br />
inégalité structurelle entre classes sociales.<br />
<strong>Gottschalk</strong> est un homme <strong>de</strong> convictions et s’il touche le lecteur<br />
<strong>de</strong> <strong>Bernard</strong> <strong>Boller</strong>, c’est aussi parce qu’il n’accepte aucune<br />
compromission, aucun compromis. Il résiste aux appareils,<br />
aux pouvoirs en place, qui non seulement le condamnent<br />
comme personne, mais le forcent <strong>à</strong> jeter ses écrits au feu : il<br />
ne se plie pas <strong>de</strong>vant leurs efforts pour contrôler jusqu’<strong>à</strong> sa<br />
conscience et sa vie <strong>de</strong> l’esprit. Il ne cè<strong>de</strong> ni recule <strong>à</strong> aucun<br />
moment. Il incarne, l’auteur <strong>de</strong> cet ouvrage l’a bien vu, la<br />
figure <strong>de</strong> la dissi<strong>de</strong>nce qui correspond <strong>à</strong> son temps, celle <strong>de</strong><br />
l’hérétique résolu, entêté, qui ne peut être finalement qu’exclu,<br />
isolé et violenté dans son intégrité physique <strong>à</strong> défaut <strong>de</strong><br />
pouvoir être atteint dans son être moral et intellectuel.<br />
Plus tard, <strong>Gottschalk</strong> intéressera les calvinistes, mais aussi<br />
les jansénistes, et quelques érudits, et son oubli n’a jamais été<br />
absolu. Mais il faut remercier <strong>Bernard</strong> <strong>Boller</strong> d’en donner <strong>à</strong><br />
voir toute l’épaisseur <strong>de</strong> la personnalité, et d’avoir reconstitué<br />
sa trajectoire peu banale, et sa vie intellectuelle autant<br />
que religieuse et politique. Ce qui apporte en même temps un<br />
double éclairage : sur une pério<strong>de</strong> historique, d’une part, et<br />
sur les mécanismes par lesquels certains pouvoirs et certaines<br />
institutions imposent leur ordre en mettant au pas les individus,<br />
et en réduisant leur conscience au silence.<br />
Michel Wieviorka<br />
docteur d’etat, ès lettres et sciences humaines,<br />
directeur d’étu<strong>de</strong>s <strong>à</strong> l’ecole <strong>de</strong>s Hautes etu<strong>de</strong>s<br />
en Sciences Sociales <strong>à</strong> Paris.