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Nr. 2 (35) anul X / aprilie-iunie 2012 - ROMDIDAC

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Ex Ponto nr. 2, <strong>2012</strong><br />

176<br />

de Boccacio, où un groupe de jeunes hommes se retirent pour raconter des<br />

histoires, au milieu du fléau de la peste. « C’était mon pain quotidien », dira<br />

Alejandro de son dessin, un « pain » qui le nourrit et qui lui réveille, en même<br />

temps, l’appétit. Un manuel de peinture à l’appui, Alejandro ouvre son dessin<br />

vers la couleur. Il suit des cours de peinture et écoute les voix des arbres de<br />

cette ville qu’il parcourt à la fois inquiété et rêveur, entre un travail et l’autre. Puis<br />

il franchit un deuxième pas sur ce chemin, plus risqué, mais nécessaire pour<br />

l’accomplissement de son rêve. Il découvre Paris, ville tant admirée, mais vue<br />

de loin, tel un mirage, à travers l’oeuvre des peintres. L’aventure commence en<br />

juin 2005, lorsqu’il prend l’avion pour l’Espagne, et ensuite le train vers Paris.<br />

Il ne connaît pas le français, il est sans argent, complètement démuni, mais<br />

il apporte en France toute son oeuvre, les toiles qu’il avait faites au Chili. Il<br />

trouvera une place dans un « squat » artistique tenu par un artiste Uruguayen,<br />

« Le théâtre de verre », qu’il habitera pour trois ans, avant d’ouvrir sa propre<br />

galerie d’art à l’intérieur. Ce sont alors les années d’une décantation artistique.<br />

Le peintre trouvera pleinement sa voie, en récupérant les images de son pays<br />

natal. Je ne peux pas m’empêcher de constater la prédilection pour la figuration<br />

de l’univers végétal qui relie du point de vue thématique sa peinture avec les<br />

dessins de Morgane Planchais. Si Morgana cherche une texture rude, violente,<br />

et exhubérante, Alejandro explore, par contre, un ordre harmonique, qui projette,<br />

à travers une géométrie arboricole, un idéal de perfection qui fait penser aux<br />

jardins japonais et, pourquoi pas, aux jardins français. L’exposition collective<br />

« nouvelle Donne », de La Douve, à Langeais, en <strong>2012</strong>, où Alejandro avait été<br />

invité en tant que commissaire et monteur de l’exposition, et où il avait présenté<br />

une série de tableaux intitulée « Arbres noirs », ainsi que l’exposition individuelle<br />

« L’Arbre spirituel », de la galerie Artes, en 2011, sont en mesure de lui donner<br />

un profil distinct. L’espace foliaire devient parfois une écriture raffinée à l’instar<br />

de l’art japonais, qui était entré dans la France à la fin du 20 ème siècle, avec des<br />

artistes comme hokusai. Alejandro fait son chemin entre une peinture abstraite<br />

avec des notes surréalistes et une peinture stylisée avec des réflexes Art Déco.<br />

Il faut aussi mentionner l’imaginaire de la culture hispanique qui apparaît dans<br />

la peinture d’Alejandro ayant comme sujet la figure de Don Quijote. Ce que l’on<br />

voit est une hypostase décharnée de Don Quijote, figure hallucinante à allure de<br />

cadavre, un Christ abstrait, chevauchant une Rocinante qui semble prolonger<br />

la corporalité incertaine du cavalier. on reconnaît dans cette représentation qui<br />

dissout les dernières traces de corporalité le souvenir d’une longue tradition<br />

dédiée à la figuration des passions. Don Quijote métabolise la sensibilité religieuse<br />

dans la sensibilité artistique, comme figure de la dévotion livresque, de<br />

l’absorption totale de l’artiste dans le monde de son art. L’imaginaire artistique<br />

d’Alejandro comporte aussi une note ludique, dont on constate l’effet corrosif<br />

surtout dans les compositions plastiques. J’ai pu voir lors d’une exposition<br />

collective de « Jour et nuit Culture » l’une de ses installations représentant<br />

une spirale formée par des journaux (de ces journaux quotidiens distribués<br />

gratuitement dans le métropolitain); au milieu de cette spirale se trouvait un nid<br />

et des graines disposées tout autour. Le labyrinthe, avec la géographie précise<br />

de l’égarement, et la spirale, figure d’un univers centré y généraient la tension<br />

d’un paradoxe de l’existence quotidienne, avec son « hasard objectif » évoqué<br />

par les surréalistes. Représenté par un fasicule voué à véhiculer des éphémérides<br />

politiques ou culturelles, chaque jour constituait le cosmos d’une chaîne<br />

génétique. En même temps, il était réduit à un numéro froissé d’un journal,<br />

pressé entre d’autres numéros, dans une redondance qui assimile le répétitif<br />

au néant. Alejandro reste fascinant par l’alternance de tous ces registres, mais

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