Nr. 2 (35) anul X / aprilie-iunie 2012 - ROMDIDAC
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surtout par la tension<br />
entre l’abstraction, la<br />
stylisation et l’ironie<br />
d’un côté, et la violence<br />
sublimée d’un imaginaire<br />
hanté par des<br />
souvenirs culturels, de<br />
l’autre.<br />
Bodo (george Bodocan)<br />
est un « primitif<br />
» du 21ème siècle,<br />
mais pas un retiré dans<br />
l’espace de l’art traditionnel;<br />
plutôt, un primitif<br />
Morgane Planchais<br />
– Arvore<br />
qui parvient à en capter et en récupérer l’énergie primaire pour la transformer<br />
dans l’art de son époque. Se plongeant dans l’aventure parisienne, Bodo refait à<br />
sa manière le parcours initiatique de tant d’artistes roumains à partir du 19ème<br />
siècle. Cette confrontation a libéré son potentiel de création dans un geste qui<br />
l’a projeté dans les rues de Paris, son marker à la main et l’imagination comme<br />
sa seule carte d’identité. Les coordonnées de son art se sont substantiellement<br />
modifiées, en altérant la forme et la consistance des lignes, en lui redonnant le<br />
don de la communication qui puisse pallier ses difficultés initiales avec la langue<br />
française. C’est bien la raison pour laquelle Bodo a choisi de dessiner en la<br />
présence de gens, fait moins habituel pour un artiste, menant sa conversation<br />
par la ligne et le point, plombant les hiatus de la parole avec ses dessins qui<br />
décrivent et traduisent de manière directe les fondements mêmes de son art.<br />
C’est ainsi que Bodo intitule les dessins composants son exposition de cette<br />
année, Messages by Bodo.<br />
vu par certains comme l’expression d’un autisme propre à l’art contemporain,<br />
l’art de Bodo donne forme au penchant contraire, à savoir au désir de<br />
communiquer de manière différente et de trouver un nouveau langage. C’est<br />
dans ce langage que la ligne retrouve la vibration de la parole, le dialogue compliqué<br />
de son dessin unit ses personnages dans une sorte de cocon relationnel.<br />
Mais il y a des fois où Bodo intériorise cette communication qui se retourne vers<br />
soi-même, qui devient autoscopie. Aussi, un des motifs qui revient de manière<br />
récurrente dans ses dessins est celui du Penseur qui opère le lien avec une<br />
double tradition: celle de l’art archaïque roumain, avec le Penseur de Hamangia,<br />
mais également celle de l’art moderne, avec le Penseur de Rodin. D’une<br />
certaine manière, le trajet des dessins de Bodo voyage le long des chemins<br />
décrit par l’art contemporain, de Rodin à Brancusi, auquel il s’apparente par<br />
un appétit pour l’essentialisation de la ligne.<br />
Ses messages vivent de manière quasi-naturelle dans les espaces et les<br />
interstices qui traversent la ville et le tissu urbain, le lien que sa ligne poursuit<br />
étant celui de la communication non-verbale. L’art s’est séparé de ses supports<br />
traditionnels et est venu habiter des objets abandonnés, trouvés dans la rue,<br />
des objets qui, la plupart du temps, ont cessé d’être utiles; des objets dont le<br />
souvenir se perpétue dans une mémoire spectrale, prolongeant de manière<br />
nostalgique l’identité de ceux auxquels ils ont appartenu, se détachant des<br />
lambeaux du corps du grands Léviathan de la ville. Ce sont bien cet abandon<br />
et cette inutilité qui les condamnent à la condition de déchet qui, en même<br />
temps, confèrent à ces objets la gratuité du fait esthétique, la surface idéale<br />
où la communication qu’il enclenche peut se déployer. Bodo leur donne la<br />
Ex Ponto nr. 2, <strong>2012</strong><br />
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