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LES VILLAGES ANTIQUES DU NORD DE LA SYRIE JUSTIFICATION DE L’INSCRIPTION
3.c Analyse comparative
Originalité/singularité et comparatisme*
Même si l’originalité des ensembles villageois qui occupent le
Massif calcaire a été précisément soulignée, il n’est pas vain
au moment d’inscrire cette spécificité dans le contexte plus
vaste de la Syrie et au-delà de celui de la Méditerranée d’en
rappeler les traits les plus remarquables, ceux qui confèrent —
ne craignons pas de le souligner — le caractère unique et sans
parallèle méditerranéen des villages antiques de la Syrie du
Nord.
Trois points justifieront cette affirmation liminaire :
1 D’abord, il ne s’agit pas de signaler des édifices isolés,
mais d’aborder des ensembles complexes, inscrits dans un
paysage qu’ils animent, et articulés dans toutes les fonctions
qui formaient la vie quotidienne des campagnes à la fois dans
leurs activités économiques et leur organisation sociale :
habitat, étable, écurie, bergerie, espaces de stockage, pressoir,
parcellaires, voirie et chemins, citernes isolées au cœur du
terroir, bornes de propriétés ou de confins villageois. Les
pierres de ces villages portent aussi le témoignage d’une
expression communautaire et collective : des bâtiments
dévolus au groupe (andrôn), des pressoirs parfois trop vastes
pour être privés, des thermes villageois aussi dont une
inscription bienvenue rappelle l’attachement aux voisins,
véritable motif de cette évergésie en des temps où l’Église a
souvent la préférence.
2 L’expression architecturale des croyances offre aussi un
ensemble bien documenté. Les tombeaux, groupés ou isolés,
illustrent la diversité des espaces dévolus aux morts.
RéPUBLIQUE ARABE SYRIENNE
Apparaissent aussi les lieux de dévotion au village et entre les
villages. De ce point de vue, une césure existe bel et bien
entre les siècles des pratiques traditionnelles où — sauf le cas
exceptionnel de Meez — les temples sont juchés sur des hauts
lieux et les premières générations chrétiennes qui dans le
courant du IVe siècle choisissent de rompre avec la
topographie païenne de la piété et introduisent délibérément
les églises au cœur de l’habitat. Plus tard, le cas singulier du
monastère construit à l’écart du village renoue en quelque
sorte avec la logique topographique qui avait été celle du haut
lieu.
3 Enfin, il faut ajouter que ces villages offrent un état de
conservation exceptionnel et c’est précisément la possibilité
de lire une société rurale antique dans sa globalité qui
singularise à ce point le Massif calcaire. En ce domaine, ce
sont les travaux décisifs de Georges Tate qui ont apporté la
méthode et fondé le corpus. Il eut le mérite de démontrer que
les vestiges archéologiques peuvent être mis en série et inscrits
dans une évolution chronologique fine. Dans le Massif
calcaire, ce ne sont pas des collections de céramiques, mais
des unités d’habitation, comptées par milliers, qui donnent
des informations socio-économiques et démographiques.
Avant toute présentation d’autres régions rurales de l’empire
romain puis proto-byzantin, il importait de rappeler ces
caractéristiques dont on ne trouvera aucun parallèle et,
lorsqu’ils paraissent exister, il faut immédiatement nuancer de
modestie notre propos et signaler que l’enquête n’est alors
réduite qu’à une classe de monuments, en fait des églises.
(*) Marc Griesheimer, Directeur du département
Archéologie et histoire de l’Antiquité, Institut
Français du Proche-Orient, Damas, 2009.
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