Annibal
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d'interversions s'il avait copié Polybe ? Pourquoi compliquer inutilement son<br />
travail de copie ? Ici, comme le remarque Bötticher, on ne saurait même<br />
admettre de source commune : l'analogie provient de ce que les uns et les<br />
autres ont une connaissance assez exacte des faits.<br />
Les chiffres de Polybe, nous le savons par lui-même, ont été copiés sur<br />
l’inscription du cap Lacinien. Tite-Live aura suivi un auteur bien informé, qui avait<br />
recueilli ses renseignements à l'époque même du départ d'<strong>Annibal</strong>, et les avait<br />
ainsi plus complets, plus rigoureux.<br />
C'est avec les paragraphes III, 34 et XXI, 23 que commence la marche<br />
d'Espagne en Italie, qui fait l'objet de notre travail.<br />
La ressemblance entre les deux textes commence au moment où <strong>Annibal</strong> va<br />
passer l’Èbre : l'un et l’autre auteur indiquent, pour la force de l’armée, 90.000<br />
fantassins et 12.000 cavaliers, mais Tite-Live ajoute qu'<strong>Annibal</strong> en a formé trois<br />
divisions pour le passage de l’Èbre1, et Polybe n'en dit mot. La conquête du pays<br />
au nord de l'Èbre est racontée en termes presque identiques par les deux<br />
auteurs, mais Tite-Live a remplacé les noms des Æronisii et Andosini par ceux<br />
des Aucetani et Lacetani, et il donne, sur le renvoi de 10.000 Espagnols dans<br />
leurs foyers, des renseignements plus circonstanciés que Polybe. L'origine de ces<br />
deux récits est évidemment la même, tant la ressemblance est grande, mais<br />
Polybe a plus abrégé que Tite-Live.<br />
Ici apparaît, dans Polybe, cet important paragraphe III, 39, où il donne la<br />
longueur du trajet depuis les Colonnes d'Hercule jusqu'au débouché des Alpes,<br />
en six sections. Rien d'analogue dans Tite-Live.<br />
D'où viennent ces chiffres donnés par Polybe pour les distances des Colonnes<br />
d'Hercule à Carthagène, de Carthagène à l’Èbre, de l’Èbre à Ampurias,<br />
d'Ampurias au Rhône, du Rhône à l'entrée des Alpes, et enfin de l’entrée à la<br />
sortie des Alpes ? Il est impossible de le dire. On admet presque unanimement<br />
que l’explication insérée dans le texte après la quatrième de ces longueurs a été<br />
interpolée. Si elle était bien de Polybe, elle nous expliquerait comment il a pu<br />
avoir ses quatre premiers nombres, sans nous éclairer sur les deux derniers. Si<br />
elle a été interpolée, notre ignorance porte sur tous les chiffres donnés là par<br />
Polybe. Nous pouvons faire deux hypothèses : ou bien Polybe a trouvé ces<br />
mesures dans le travail d'un bématiste d’<strong>Annibal</strong>, ce qui est très possible ; ou<br />
bien, revenant d'Espagne avec Scipion, il a pu être accompagné par UQ<br />
bématiste romain, ce qui serait également très admissible. On sait que les<br />
anciens possédaient des odomètres d'un usage commode pour la mesure de ces<br />
grandes distances, et que des voitures parcouraient les chemins gaulois.<br />
Sur quoi s'est-on appuyé pour affirmer que la phrase : Les Romains ont mesuré<br />
et marqué cette route de huit en huit stades était une interpolation ? Sur ce que<br />
l'Espagne et la Gaule n'étaient pas encore provinces romaines lorsque Polybe<br />
écrivit son histoire, et sur ce qu'il n'y existait pas de voies romaines. Nous ne<br />
demandons pas mieux que de considérer cette phrase comme une interpolation ;<br />
mais il faut remarquer : 1° qu'elle figure sur tous les manuscrits connus ; 2°<br />
qu'elle exclut formellement l'idée qu'une voie romaine a été construite sur le<br />
parcours en question, et qu'elle signale simplement le travail des bématistes<br />
1 Nous disons : trois divisions et non trois colonnes. Le tripartito du texte latin indique<br />
seulement la division en trois parties, sans préciser si elles se suivent ou si elles<br />
marchent à même hauteur.