Annibal
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eaux, descend au-dessous de 200 mètres ? Croit-on surtout que, si cette<br />
estacade de 100 mètres avait conduit vers le milieu du fleuve, il n'aurait pas été<br />
plus simple de la prolonger jusqu'à l'autre bord que d'organiser un système de<br />
transport compliqué, dangereux, incertain ? Quand les Arvernes ont passé le<br />
Rhône pour secourir les Allobroges contre les Romains, ils ont établi deux ponts<br />
de bateaux1. <strong>Annibal</strong> était bien capable d'en faire autant, à moins de se trouver,<br />
comme nous le pensons, en présence d'un fleuve large de 500 à 800 mètres. Le<br />
Rhône large et lent, qui coule entre Soujean et Fourques, répond seul à toutes<br />
les exigences du texte.<br />
Ne faut-il pas, d'ailleurs, un endroit assez voisin de la côte pour y rencontrer ces<br />
grands bateaux dont parle Polybe, qui faisaient le commerce avec les ports<br />
maritimes ? En trouverait-on à Roquemaure ou à Pont-Saint-Esprit ? C'est aux<br />
environs d'Arles seulement qu'on a pu en obtenir un assez grand nombre pour le<br />
passage de 8.000 chevaux et autant de mulets.<br />
C'est là aussi que s'adressa César (De bello civili, I, 36) lorsqu'il voulut avoir douze<br />
grands navires en trente jours. Il y établit une colonie militaire (Julia Paterna), et<br />
Arles était déjà une ville considérable, car on n'envoyait pas de colonies dans des<br />
bourgades ; elle fut, après Narbonne, la première ville des Gaules à laquelle cet<br />
honneur fut accordé ! Elle avait déjà été célèbre comme colonie grecque sous le<br />
nom de Thèlinè (F. Avienus, v. 679) et ses faubourgs s'étendaient jusqu'à<br />
Fourques, comme le montrent les rues découvertes lors de la construction du<br />
chemin de fer d'Arles à Lunel2.<br />
C'est là qu’<strong>Annibal</strong> a pu trouver les moyens de passage, qui eussent manqué<br />
partout ailleurs.<br />
<strong>Annibal</strong>, venant de la côte, a atteint le petit Rhône près de Saint-Gilles, puis a<br />
continué jusqu'à Fourques. Il n'a pas voulu traverser le petit Rhône et le grand<br />
Rhône, mais, dès qu'il a trouvé un fleuve unique, c'est-à-dire en amont du delta,<br />
il a passé, pour ne pas donner le temps aux Romains de le devancer sur un point<br />
plus éloigné. A partir de Beaucaire» d'ailleurs, la rive droite du Rhône serait<br />
devenue moins praticable que l'autre. Tel est le sens qu'il faut donner, selon<br />
nous, aux deux phrases de Polybe.<br />
Il nous parait bien difficile de faire concorder le passage d'<strong>Annibal</strong> à Roquemaure<br />
ou Pont-Saint-Esprit avec les opérations de P. Cornélius Scipion. Tout le récit de<br />
Polybe ou de Tite-Live, en ce qui concerne la reconnaissance des cavaliers<br />
romains, leur combat contre les Numides, leur retour, est écrit de manière à faire<br />
penser que ces événements tiennent dans un espace de terrain et de temps très<br />
restreint. On croirait presque que le tout s'est passé dans une seule journée.<br />
Imaginons le point de passage entre Roquemaure et Pont-Saint-Esprit, à 50<br />
kilomètres de la mer : Scipion envoie une reconnaissance de 300 chevaux, qui<br />
pousse jusqu'à une pareille distance, et que l'armée laisse s'éloigner indéfiniment<br />
sans la suivre le moins du monde ; c'est au moins étonnant ! Ces cavaliers,<br />
ayant battu les 500 Numides d'<strong>Annibal</strong>, viennent jusqu'au camp de celui-ci, et<br />
repartent. C'est le lendemain matin qu'<strong>Annibal</strong> lève le camp, et c'est quatre jours<br />
plus tard que Scipion arrive avec son armée en carré. Polybe nous a dit qu'il y<br />
avait quatre marches de la mer au point de passage ; s'il fait arriver Scipion trois<br />
1 Il existait au confluent de l’Isère et du Rhône un pont de bateaux, qui permettait le<br />
passage de l’une à l'autre rive du Rhône. Bituit en fit construire un second.<br />
2 Ch. LENTHÉRIC, Le Rhône, II, p. 417.