Annibal
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CONCLUSION.<br />
Reprenons en quelques mots l'ensemble de la question.<br />
L'invasion de l'Italie avait été préparée de longue main par <strong>Annibal</strong> ; elle était<br />
concertée avec les Gaulois de la plaine italienne, principalement et peut-être<br />
uniquement les Insubres. Malgré ce qu'en dit Polybe, les négociations n'avaient<br />
pas été engagées avec les peuples de la région rhodanienne et alpine : leur<br />
attitude lors du passage des Carthaginois le prouve amplement. On peut<br />
d'ailleurs soupçonner une hostilité de race entre les Ligures de la montagne et<br />
les Gaulois des plaines ou des vallées inférieures, et l'alliance d'<strong>Annibal</strong> avec les<br />
Insubres lui aliénait d'abord tes Caturiges, les Médulles et les Taurins. Avait-il<br />
des guides originaires de cette dernière nation, comme l'indique le fragment de<br />
Fabius ou de Timagène interpolé par Tite-Live dans le récit de Cælius ? C'est<br />
possible, mais le rôle de ces quelques individus n'a pas de rapport avec celui de<br />
toute leur tribu.<br />
Avant de s'engager dans une aventure aussi dangereuse, il fallait assurer la<br />
domination carthaginoise en Espagne, lui donner plus de corps, plus de solidité.<br />
Elle ne s'étendait que sur la côte comprise entre l'embouchure du Tage et celle<br />
de l’Èbre ; il fallait lui soumettre l'intérieur de la péninsule, et ce fut l'œuvre des<br />
années qui précédèrent l'expédition d'Italie ; il fallait aussi l'établir au nord de<br />
l’Èbre, jusqu'aux Pyrénées, et ce fut la tâche réservée au printemps de 218.<br />
Maître de Sagonte et de la Catalogne, <strong>Annibal</strong> pouvait se tenir en relations<br />
constantes avec le corps d'occupation qui demeurerait en Espagne, tandis que<br />
lui-même traverserait le Rhône et les Alpes. Toute communication, toute retraite<br />
lui aurait été coupée, s'il avait laissé derrière lui la région pyrénéenne et catalane<br />
sous l'influence hostile des Sagontins.<br />
C'est au retour du printemps qu'<strong>Annibal</strong>, ayant conclu son alliance avec les<br />
Insubres, fait sortir l'armée des cantonnements d'hiver. Il lui fixe alors un jour de<br />
départ et, ce jour venu, la met en route. Il parvient sur l’Èbre au commencement<br />
de l'été, c'est-à-dire dans le courant du mois de mai1. Ainsi le rassemblement de<br />
l'armée a dû être ordonné en mars ; le départ au commencement d'avril et le<br />
passage de l'Èbre au milieu du mois de mai. Les 460 kilomètres à parcourir entre<br />
Carthagène et Amposta exigeaient bien cinq à six semaines, car on ne fournit<br />
pas régulièrement l'effort de 15 à 20 kilomètres par jour durant un temps aussi<br />
long. Les expressions employées par Polybe ne permettent pas de préciser<br />
davantage la date du départ ; peut-être même les avons-nous prises trop à la<br />
lettre.<br />
La campagne entre l'Èbre et les Pyrénées a duré sans doute plus longtemps<br />
qu'<strong>Annibal</strong> ne le pensait ; elle s'est prolongée au delà des limites convenues avec<br />
les Insubres, qui prennent l'offensive trop tôt contre les Romains, et risquent de<br />
se faire écraser séparément. Ils attaquent, dès le printemps, les colonies<br />
romaines de Crémone et de Modène, alors que l'armée carthaginoise est encore<br />
sur les bords de l'Èbre.<br />
1 L'été commençait le 13 mai, suivant de près le lever des Pléiades, qui eut lieu (en 218)<br />
le 7 mai. L'hiver commençait le 13 octobre. Le coucher des Pléiades avait lieu le 26<br />
octobre (en 218).