Annibal
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où l'artillerie ne saurait passer1. Tel est le chemin que suivit <strong>Annibal</strong>. Le nom de<br />
Maupas, conservé aujourd'hui par un hameau de Noyarey, témoigne encore du<br />
caractère que présentait ce passage et des embuscades auxquelles il se prêtait.<br />
Ainsi que l'a remarqué M. Osiander, la position où les Allobroges livrent le<br />
premier combat se compose d'un défilé bordé d'un côté par des hauteurs d'où<br />
l'on commande le sentier qui longe la montagne2. L'expression δι ών, employée<br />
par Polybe, prouve qu'il s'agit d'un défilé ; les mots στενά et διήλθε, comme dans<br />
Tite-Live angustiæ et evadit, nous le confirment. C'est bien la caractéristique du<br />
défilé de l’Échaillon et de Noyarey.<br />
Les Allobroges devaient occuper des positions très voisines de la route ; la faible<br />
portée de leurs armes leur rendait inutiles la plupart des positions très<br />
dominantes qui couronnaient les montagnes. Le soir, selon Polybe, ils rentraient<br />
dans leur ville ; d'après Tite-Live, ils se retiraient dans leurs repaires.<br />
La nuit venue, <strong>Annibal</strong> ayant fait allumer des feux dans son camp de Saint-<br />
Quentin, traversa le défilé, soit au bec de l’Échaillon, soit au col qui fait<br />
communiquer Saint-Quentin avec Veurey et Noyarey. L'infanterie d'élite qu'il<br />
conduisait vint sans doute s'établir sur les hauteurs entre ces deux villages pour<br />
assurer le débouché de l'Échaillon. <strong>Annibal</strong> n'avait pas eu le temps de remarquer<br />
que, plus au Sud-Est, le chemin continuait à être en corniche, ainsi qu'en<br />
témoignent les escarpements bien visibles aujourd'hui sur le terrain et même sur<br />
la carte. Les Gaulois, qui s'étaient retirés, sinon jusqu'à Grenoble, au moins<br />
jusqu'à Sassenage, s'ébranlèrent le lendemain matin pour reprendre leurs postes<br />
: ils virent alors <strong>Annibal</strong> posté sur les hauteurs entre Veurey et Noyarey, et<br />
commandant ainsi tous les chemins de traverse de la région, La colonne<br />
carthaginoise, mise en route de bonne heure, se développait sur la route en<br />
corniche, et sa tête dépassait déjà Noyarey. <strong>Annibal</strong>, on ne sait pourquoi, tenait<br />
sa flanc-garde immobile au lieu de marcher parallèlement à la tête de colonne.<br />
Les Gaulois, à ce spectacle, renoncent forcément à gagner leurs positions<br />
primitives, d'où ils auraient pu prendre les Carthaginois en tête et en queue,<br />
mais ils décident de charger la tête de colonne et de télescoper toute l'armée<br />
carthaginoise.<br />
Leur attaque a dû avoir lieu près de Noyarey, vers le Maupas.<br />
Polybe nous en indique les terribles résultats : les chevaux et les mulets roulant<br />
au fond de la vallée, etc.<br />
<strong>Annibal</strong>, surpris un moment par cette attaque d'une forme imprévue, se décide à<br />
dégringoler avec sa flanc-garde des hauteurs de Veillière, et il fonce de haut en<br />
bas sur les Gaulois qui enveloppaient son avant-garde.<br />
Le combat terminé, il pousse jusqu'à l'oppidum des Allobroges ; c’est Cularo,<br />
Grenoble.<br />
Lorsqu'on voit combien les indications de Polybe sont simples et claires, on est<br />
stupéfait de la manière dont on a voulu les interpréter.<br />
1 Archives de la Guerre, Mémoire local et militaire sur la frontière des Alpes, p. 199.<br />
2 C'est bien sur le flanc du chemin que le terrain était escarpé ; ce n'était pas le chemin<br />
lui-même qui était en pente raide ; dans ce cas, Polybe, comme on le verra plus loin,<br />
emploie les expressions άνωφίρης et κατωφέρης.