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Annibal

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Or, jusqu'aux reconnaissances exécutées avec une persévérance et une sagacité<br />

inouïes par le colonel Perrin, on ne connaissait pas de col dans les Alpes, d'où<br />

<strong>Annibal</strong> aurait pu montrer à ses soldats les plaines du Pô. On négligeait donc une<br />

condition qu'on ne savait pas réaliser ; à vrai dire, c'était toujours l'éternelle<br />

histoire des raisins trop verts. Mais aujourd'hui, nous savons, grâce au colonel<br />

Perrin, qu'il y a, au col du Clapier, tout près du mont Cenis, une plateforme d'où<br />

l'on a une vue très étendue sur les plaines du Pô. Le doute est d'autant moins<br />

permis, que c'est précisément là que nous conduisent les chiffres de Polybe.<br />

Nous avons reconnu que ces chiffres étaient en plein désaccord avec les<br />

itinéraires du mont Genèvre et du Petit Saint-Bernard ; ils ne s'accordaient pas<br />

tout à fait avec celui du mont Cenis ; le chemin du Clapier est le seul qui s'y<br />

adapte absolument. Mais qui aurait jamais pensé à ce passage abandonné,<br />

oublié, devenu difficile, paradoxal, si le colonel Perrin n'y avait appelé l’attention<br />

?<br />

De vieux guides Joanne, remontant à 1860, décrivaient le chemin du Clapier, et<br />

signalaient le panorama qu'on a pendant la descente vers Suse. Les éditions<br />

suivantes ont supprimé ce passage, et c'est seulement depuis les travaux du<br />

colonel Perrin qu'une note très brève (Guide de Savoie, p. 423), recommence à<br />

indiquer ce qui suit :<br />

Col de Clapier (2.491 m.). En appuyant de 200 à 300 mètres vers la droite, on<br />

jouit d'une belle vue sur la vallée de la Doire, les plaines du Pô, Turin, la<br />

Superga, etc.<br />

Cette vue de l'Italie nous était annoncée par le colonel Perrin, parle lieutenant<br />

Azan, par M. Soltau, etc. ; et pourtant, à notre arrivée au col, nous avons été<br />

surpris, émerveillé du spectacle qui s'offrait à nous, quoique l'air fût chargé de<br />

brumes, et que le soleil ne se découvrît pas. Ce n'est pas un petit coin de prairies<br />

que l'on entrevoit dans une échancrure de montagnes ; c'est toute la vallée de<br />

Suse qui s'ouvre largement, entre les hauteurs de Drubiaglio et de Sant'<br />

Ambrogio, pour encadrer Turin ; puis, au-dessus du vieux château de Sant'<br />

Ambrogio, les collines du Montferrat, toute la plaine du Piémont, la Lombardie, et<br />

à droite l'Apennin ligure. Certes, <strong>Annibal</strong> pouvait montrer à ses soldats, non<br />

seulement la plaine du Pô, mais la route de Rome jusqu'en Étrurie-<br />

On admet, en général, l’exactitude du fait ; il y a peu d'historiens qui doutent de<br />

la sincérité de Polybe, Il y en a cependant, et l'un de nos plus spirituels<br />

professeurs disait en Sorbonne à un candidat : Mais, Monsieur, êtes-vous bien<br />

sûr qu'<strong>Annibal</strong> ait montré les plaines à ses troupes ? Polybe y était-il, pour<br />

pouvoir l'affirmer ?<br />

Nous ne pouvons accepter l'objection. S'il ne s'agissait que de Tite-Live, copiant<br />

plus ou moins servilement un chroniqueur, que l'on ne connaît pas et qui peut<br />

nous tromper, elle serait recevable ; mais il ne faut pas oublier que Polybe a été<br />

sur les lieux ; s'il n'a pas entendu <strong>Annibal</strong> parlant â ses soldats, s'il ne l’a pas vu<br />

montrant les plaines d'Italie, il a reconnu la possibilité du fait. Avec un historien<br />

d'une pareille sincérité, l'on peut être assuré que s'il n'avait pas vu la plaine en<br />

arrivant au col, il aurait supprimé le passage dans lequel Silenos racontait<br />

qu'<strong>Annibal</strong> avait vu et montré la plaine.<br />

Du reste, nous le répétons, le fait trouve peu d'incrédules. Les partisans du<br />

Clapier tirent grande force de cet argument, et leurs adversaires, au lieu de le<br />

rejeter, cherchent à se procurer les avantages d’un point de vue. Il leur faut se<br />

contenter de peu. Du Petit Saint-Bernard, on ne voit qu'un précipice affreux ; au

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