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Annibal

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que donnent les deux phrases que nous venons de citer est favorable à l'idée que<br />

le passage a eu lieu près du delta.<br />

L'argument le plus sérieux qu'on pourra nous opposer sera tiré de l'état du sol<br />

dans cette région à cette époque reculée : Arles, nous dira-t-on, était entouré<br />

d'étangs et de marais, et depuis cette ville jusqu'à la Durance, ce n'étaient que<br />

rivières et marécages. De même entre Beaucaire et Saint-Gilles, entre Saint-<br />

Gilles et la mer, les marais aujourd'hui desséchés étaient alors des étangs<br />

entourés d'immenses mari-cages.<br />

Nous avons expliqué plus haut pourquoi nous ne partagions pas complètement<br />

cette opinion. Répétons seulement ici que les arguments historiques nous<br />

semblent infiniment plus solides et plus probants en pareille matière que les<br />

conjectures géologiques. Il y a ici des faits incontestables : c'est autour de<br />

Rhodanusia, d'Heraclea, de Thélinè, d'Ugernum, d'Avenio, de Cabellio, d'Arausio,<br />

que s'est développée la plus grande activité agricole et commerciale de la région<br />

rhodanienne avant et immédiatement après l'époque dont nous nous occupons.<br />

C'est là que toutes les voies romaines importantes ont traversé le Rhône ; c'est<br />

là que les Cimbres, plus dépourvus de moyens qu'<strong>Annibal</strong>, sont venus le passer.<br />

Le terrain était donc praticable le long du Rhône, de Saint-Gilles à Fourques et à<br />

Beaucaire, et aussi de Fourques à Bellegarde. Où les Cimbres ont passé, <strong>Annibal</strong><br />

a pu et dû passer.<br />

L'endroit s'imposait pour diverses raisons, les unes physiques, les autres<br />

stratégiques.<br />

Le courant du Rhône, en amont d'Avignon, était trop fort pour des radeaux ou<br />

des bateaux improvisés, d’informes pirogues montées par des soldats ignorants<br />

de toute navigation. On y résiste avec des pontons ou des barques bien conduits,<br />

mais point avec des troncs d'arbre creusés et montés par des hommes<br />

inexpérimentés. Au contraire, après la brusque expansion qui se produit au sud<br />

de Beaucaire, entre Soujean et le Mas-des-Tours, le courant tombe à 0m,75, et<br />

on peut lui résister sans beaucoup d'efforts et d'habileté.<br />

D’autre part, était-il avantageux d'aller passer, comme le dit Napoléon, entre la<br />

Durance et l'Ardèche ? L'Empereur imagine ces deux affluents tels qu'il les<br />

connaissait ; mais la Durance, du temps d'<strong>Annibal</strong>, dirigeait un ou deux bras vers<br />

Arles et un seul vers Avignon. Il n'était pas nécessaire de remonter jusqu'en<br />

amont de cette ville pour se trouver séparé des Romains par un obstacle : les<br />

étangs d'Arles et de Montmajour et les deux bras méridionaux de la Durance<br />

suffisaient amplement. En revanche, les légions devaient marcher d'une allure<br />

plus vive que l'armée-caravane d'<strong>Annibal</strong>, et il était urgent pour celui-ci de<br />

passer le Rhône. S'il l'avait remonté, il risquait de se laisser gagner de vitesse<br />

par les Romains, et d'avoir à exécuter un passage de vive force en face d'eux.<br />

C'était un coup de partie. Aussi Polybe est-il très net : <strong>Annibal</strong> longea le rivage,<br />

et passa le Rhône aussitôt qu'il l’eut atteint.<br />

Pour se diriger sur Roquemaure ou Pont-Saint-Esprit, <strong>Annibal</strong> aurait tourné le dos<br />

à la mer pendant une durée qui n'était pas négligeable vis-à-vis de son parcours<br />

: le Vidourle coupe par moitié le trajet de Narbonne à Pont-Saint-Esprit. Sans<br />

vouloir trop prendre Polybe au pied de la lettre1, il serait difficile de prétendre<br />

que le voyage de Narbonne à Pont-Saint-Esprit se fait en longeant la mer.<br />

1 OSIANDER, 92.

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