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Annibal

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Multiplier des noms inconnus de ses lecteurs, ce serait, selon Polybe, faire un<br />

étalage de science vaine ; ce serait une sorte de charlatanisme. A son avis,<br />

autant les noms sont utiles pour soutenir la narration et fixer l'imagination du<br />

lecteur, lorsqu'il s'agit de localités connues, autant ils sont superflus quand on ne<br />

les connaît pas : On pourrait aussi bien prononcer des mots vides de sens ou<br />

jouer d'un instrument pour se distraire (III, 36). Polybe ne craint rien tant que<br />

cette accusation de charlatanisme, et dès qu'il entre dans quelques détails, il s<br />

en excuse. S'il donne minutieusement la composition de l'armée d'<strong>Annibal</strong>, il se<br />

croit tenu à une justification : Qu'on ne s'étonne pas si je parle de ce qu'<strong>Annibal</strong><br />

fit alors en Espagne, avec tant de détails qu'un écrivain traitant spécialement ce<br />

sujet n'en dirait pas davantage ; et qu'on ne m'accuse pas d'imiter ces gens qui<br />

falsifient leurs ouvrages pour inspirer confiance. Je n'ai fait cette énumération<br />

qu'en raison de son exactitude : je l'avais trouvée au cap Lacinium, gravée sur<br />

une table d'airain par ordre d'<strong>Annibal</strong>, pendant son séjour en Italie, Je ne pouvais<br />

puiser à une meilleure source (III, 33).<br />

Polybe se montre très difficile dans le triage des sources où il doit puiser. C'est là<br />

un des motifs qui l'ont déterminé dans le choix de son sujet, car il ne veut que<br />

des renseignements de première main. Il n’a pas la naïve confiance d'un<br />

Plutarque, par exemple, et ne prend pas partout les éléments de son travail. Il<br />

ne veut avoir affaire qu'à des témoins oculaires, et c'est ce qui le décide à ne pas<br />

remonter à plus d'un demi-siècle en arrière :<br />

Ces temps touchent de si près aux nôtres, que nous en avons vu nous-même<br />

une partie, et nos pères l'autre. Ainsi, ou j'aurai vu de mes propres yeux les faits<br />

dont j'écrirai l'histoire, ou je les aurai appris de témoins oculaires ; car je n'aurai<br />

pas voulu remonter aux temps plus reculés, dont on ne peut rapporter que ce<br />

qu'on a appris par des gens qui l'avaient emprunté eux-mêmes à d'autres, et<br />

dont on ne peut rien savoir ni rien assurer qu'avec incertitude (IV, 2). Il est loin<br />

d'être indifférent, et il est au contraire très important, de savoir si l'on connaît les<br />

choses par ouï-dire, ou pour les avoir vues (XX, 15).<br />

Polybe distingue différents genres de documents pouvant servir de sources à<br />

l'histoire : les récits contenus dans des lettres et rapports authentiques, les récits<br />

des hommes qui ont pris part aux événements ou qui en ont été témoins, ou<br />

enfin les relations composées d'après les récits verbaux de témoins oculaires<br />

(XII, 27 ; XXI, 15). On ne trouverait sans doute pas un seul historien ancien qui<br />

ait accordé assez d'importance à la question de la critique des sources, et y ait<br />

réfléchi assez longuement pour établir cette classification et en tenir compte<br />

dans la composition de ses ouvrages. Polybe est, à ce point de vue, infiniment<br />

supérieur à tous ses émules. Les distinctions faites ici, il s'en est préoccupé, à<br />

coup sûr1, dans la préparation des deux premiers livres, où il résume très<br />

sommairement les événements du passé (I, 65) et aussi au livre III, lequel, tout<br />

en étant plus détaillé (III, 1 et X, 24) n'en est pas moins un ouvrage de seconde<br />

main, et ne traite pas encore d'événements contemporains.<br />

Polybe n'a donc pas toujours écrit l'histoire d'après ses propres souvenirs, des<br />

monuments ou des pièces authentiques, et il a dû, comme les autres historiens,<br />

s’adonner longuement à la recherche, à la lecture et à la reproduction des textes<br />

1 XXXVIII, 4. Il faut que l'historien montre qu'il ne met rien au-dessus de la vérité. Plus il<br />

s'est écoulé de temps entre les laits qu'il raconte et le moment où il parle, plus ces faits<br />

ont été divulgués, et plus il faut que l'écrivain s'obstine à la recherche du vrai, et que à<br />

lecteur comprenne ses efforts et son travail.

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