Annibal
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Durance de Cavaillon ou d'Orgon. Aucun géographe moderne ne s'y est trompé,<br />
tous ont cité la description de Tite-Live pour la basse Durance. Les historiens<br />
n'ont pas pu admettre un instant que Tite-Live fit passer la basse Durance à<br />
<strong>Annibal</strong> après l'avoir promené chez les Tricorii, et ils ont eu raison de leur côté ;<br />
pour eux, la Druentia est ou bien la haute Durance, ou bien le Drac. A vrai dire,<br />
nul ne sait ce qu'elle a été dans l'esprit de Tite-Live : il ne devait en avoir qu'une<br />
idée très vague, car il possédait bien mal la carte du pays alpin.<br />
Si l'on a deux opinions différentes sur cette Druentia, suivant que l'on est<br />
géographe ou historien, c'est une troisième opinion que fait naître la critique du<br />
texte : la Druentia mentionnée dans le passage que Tite-Live a reproduit n'était<br />
ni la Durance, ni le Drac, mais bien le Tanaro, et il importe peu de savoir sur quel<br />
objet l'historien latin a voulu mettre cette étiquette. Il n'y a rien là qui nous doive<br />
surprendre, après l'analyse faite par Nissen des 4e et 5e décades. Deux relations<br />
différentes d'un même événement, qui se suivent et se contredisent, c'est ce que<br />
nous avons trouvé souvent dans la i’ décade, pour des faits bien connus, qui se<br />
déroulaient dans une région familière à tous. Des erreurs géographiques, il y en<br />
a sur la Grèce, et l'on voudrait qu'il n'y en eût pas sur les Alpes, dont la<br />
description reste si vague et si embrouillée dans Strabon ? Tite-Live se trompe<br />
donc sur la Druentia comme sur les Thermopyles.<br />
Après le malencontreux fragment de Timagène (ou d'un auteur copié par<br />
Timagène), Tite-Live reprend le récit tel que le lui donnait son auteur principal.<br />
Il ne souffle pas mot des 800 stades (142 kilomètres ou 96 milles) que Polybe fait<br />
parcourir à <strong>Annibal</strong> le long du fleuve entre l'île et l'entrée dans les montagnes,<br />
mais il déclare que l'armée carthaginoise marcha presque toujours en plaine, et il<br />
écrit (ceci de lui-même, à coup sûr, et sans copier qui que ce soit) un morceau<br />
descriptif, de pure invention, sur les montagnes et l'impression produite par ce<br />
spectacle nouveau sur les troupes d'<strong>Annibal</strong>.<br />
A partir de là, comme nous l'avons dit, Tite-Live suit à peu prés exactement<br />
Polybe, ou l'auteur original reproduit par ce dernier. Il n'en est que plus<br />
intéressant de noter les différences légères que présentent les deux textes.<br />
Dans le récit du combat contre les Allobroges, que Polybe a soin de désigner par<br />
leur nom (III, 50 et 51), Tite-Live appelle les adversaires d'<strong>Annibal</strong> : les<br />
montagnards. Il décrit le sentier suivi par l'armée comme étant escarpé et à pic<br />
de chaque côté ; s'il entend par là que c'est un chemin de crête entre deux<br />
précipices, il n'en existe pas de semblable dans la réalité ; de plus, cette<br />
description serait difficile à concilier avec le reste du récit, où l'on parle des<br />
positions dominantes occupées par <strong>Annibal</strong>, et d'où il dévale sur le chemin. Ou<br />
bien Tite-Live s'est trompé, ou bien le double escarpement dont il parle doit être,<br />
d'un côté en descendant du chemin, de l'autre en remontant ; en d'autres<br />
termes, le chemin est en corniche.<br />
Tite-Live n'est pas absolument d'accord avec Polybe sur les mouvements des<br />
montagnards. D'après l'historien grec, les Allobroges rentraient le soir dans une<br />
ville voisine ; d'après Tite-Live, ils retournaient dans des villages fortifiés<br />
(castella), et la ville que prit <strong>Annibal</strong> après le combat est la capitale de la région.<br />
Après le séjour dans cette ville, <strong>Annibal</strong> marche, dit Polybe, jusqu'à un certain<br />
point ; Tite-Live, plus affirmatif, déclare que, pendant ces trois jours, <strong>Annibal</strong> fît<br />
beaucoup de chemin.