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Annibal

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Que le mot grec άναβολή signifie entrée ou montée, la chose est tout aussi<br />

extraordinaire. Il n'y a là ni entrée ni montée, mais un mouvement de terrain<br />

insignifiant qu'on grossit, comme on a grossi les chiffres de Polybe, pour assurer<br />

la concordance.<br />

M. Osiander soutient ce paradoxe-ci, comme l’autre, à force d'érudition, en quoi<br />

il est sans rival : Polybe, nous dit-il, ne parle nullement d'une entrée, d'une porte<br />

des Alpes, mais bien d'un commencement de la montée vers les Alpes. Il y a ici<br />

confusion entre deux paragraphes de Polybe. Dans l'un, III, 39, l'historien<br />

compte 1.400 stades depuis le passage du Rhône jusqu'à l'άναβολή des Alpes.<br />

Là, άναβολή désigne un point bien déterminé ; on peut le traduire par entrée ; si<br />

on le traduit par montée, il faut que ce soit une montée très courte. Or, il n'y a<br />

guère de montée digne d'être mentionnée dans les Alpes, qui ait moins de 100<br />

stades de longueur. Le point visé, s'il n'est pas une entrée' sera le pied ou le<br />

sommet de la montée.<br />

Plus loin, dans le récit détaillé de la marche, Polybe dit qu'en quittant le Rhône1,<br />

<strong>Annibal</strong> commence τήν άναβολήν πρός τάς Άλπεις la montée vers les Alpes. Ici,<br />

plus de doutes : il s'agit d'une montée assez longue commençant au Rhône et<br />

finissant aux Alpes. Quelle que soit la solution proposée, si elle ne place pas cette<br />

montée à Saint-Genix-d'Aoste, où les Alpes sont baignées par le Rhône,<br />

l'άναβολή πρός τάς Άλπεις à une assez grande longueur. Notre άναβολή τών<br />

Άλπεων de tout à l’heure, qui était un point bien précis, n'est donc pas à<br />

confondre avec l'άναβολή πρός τάς Άλπεις. Elle pourrait être le pied ou le sommet<br />

de cette montée ; mais le pied de la montée vers les Alpes n'est pas dans les<br />

Alpes, tandis que le sommet y est. L'άναβολή τών Άλπεων est donc au sommet,<br />

non au pied de l'άναβολή πρός τάς Άλπεις2. Le même mot άναβολή a été pris<br />

dans deux sens un peu différents, entrée et montée, ce qui s'explique d'autant<br />

plus facilement qu'il s'agit de textes empruntés à deux originaux indépendants.<br />

Ne trouverait-on pas du reste, dans un ouvrage français, le mot monter pris dans<br />

trois ou quatre sens distincts ?<br />

Le commencement de la montée vers les Alpes ne correspond pas au 1.400e<br />

stade depuis le passage du Rhône ; il le précède, et se trouve exprimé par le<br />

erigentibtis in primos agmen clivos de Tite-Live. Mais, si nous appliquons bien<br />

celte indication aux contreforts que l'on rencontre, de plus en plus accentués, à<br />

partir de Valence jusqu'au bec de l'Échaillon, la hauteur de Maltaverne ne nous<br />

paraît pas y répondre aussi bien. En tout cas, elle ne répond pas au mot<br />

1 La plupart des historiens, ayant placé le passage à Roquemaure ou plus haut, ne<br />

peuvent marcher 800 stades le long du Rhône, et ils admettent que Polybe, en disant le<br />

Rhône, a voulu nommer l’Isère.<br />

2 DELUC, p. 97 :<br />

Il suffit de jeter les yeux sur les expressions mêmes de Polybe, ήρξάτο τής πρός τάς<br />

Άλπεις άναβολής, pour voir que dans le cas où le mot άναβολή serait employé comme<br />

désignant l’action de monter, la phrase signifierait tout au plus qu'<strong>Annibal</strong> commença à<br />

monter vers les Alpes, c'est-à-dire à franchir les premières collines que l'on rencontre,<br />

mais non pas qu'il commença à gravir les Alpes elles-mêmes. Mais si le mot άναβολή<br />

désigne quelquefois l’action de traverser en montant' il peut aussi désigner celle de<br />

traverser en pénétrant, d'après le double sens de la préposition άνά sursum, en haut, et<br />

per, à travers.<br />

Dans un des chapitres précédents, l'expression τήν άναβολή Άλπεων désigne Ventrée des<br />

Alpes et non la montée des Alpes. Ce mot étant employé par Polybe dans chacun de ses<br />

deux sens, il était important de les signaler suivant l'occurrence.<br />

Voir Polybe, X, 48.

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