Annibal
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finirait par disparaître peu à peu ; la mer creuserait de nouveau la côte et<br />
reconstituerait à la longue le golfe primitif que le fleuve a comblé. Les contours<br />
et les variations des rivages sont le résultat d'une lutte permanente entre le<br />
fleuve qui les nourrit et la mer qui les appauvrit. Tantôt la mer consomme moins<br />
de limon que le fleuve n'en apporte, et alors la côte avance ; c'est le cas de la<br />
grande embouchure du Rhône, celle qui se trouve du côté de Marseille. Tantôt<br />
l'usure de la mer reprend le dessus, et l'érosion se produit : c'est le cas de<br />
l’embouchure du petit Rhône et du territoire des Saintes-Maries1.<br />
Si nous commençons par l'Est, nous constatons d'abord que la mer a rongé la<br />
côte du golfe de Fos : Les abords de la petite anse au fond de laquelle<br />
débouchait le canal des Fosses-Mariennes sont encore couverts de débris<br />
romains.... Ces ruines s'étendent même sous l’eau à une certaine distance, car la<br />
mer a rongé la côte. Depuis quinze siècles, les vagues ont usé et détruit presque<br />
toutes les constructions englouties2.<br />
Il en est de même à l'ouest de l'embouchure du grand Rhône : l'action<br />
prédominante de la mer, qui a sensiblement la même direction que les grandes<br />
tempêtes, produit sur différents points du rivage des érosions considérables. Les<br />
vagues qui déferlent sur la côte arrachent du fond une quantité prodigieuse de<br />
matières minérales, qui restent en suspension dans l’eau agitée et que le courant<br />
littoral de l'Est à l'Ouest entraine pendant dix mois de l'année avec des vitesses<br />
variant de 0m,05 à 0m,30 pendant les temps calmes, et de 1m,50 à 2 mètres et<br />
quelquefois 3 mètres pendant les tempêtes.... L'érosion est surtout très sensible<br />
dans la partie où s'élève le phare de Faraman. Construit en 1836 à 700 mètres<br />
environ de la mer, il est aujourd'hui absolument condamné. Un sémaphore avait<br />
été placé, en 1852, à 30 mètres environ en avant du phare ; la mer l'a envahi, il<br />
est abandonné depuis 1872. Une profondeur de 23 mètres d'eau existe<br />
actuellement sur l'emplacement qu'occupait, il y a un siècle et demi, la pointe de<br />
Faraman, et, bien que le mouvement de recul de la côte se soit ralenti, il est<br />
encore de près de 15 mètres par an.... Les cartes anciennes en font foi ;<br />
l'observation quotidienne le confirme : de 1710 à 1760, la plage perdait 2.000<br />
mètres, soit 40 mètres par an. De 1760 à 1836, le reculement n’a plus été que<br />
de 30 mètres ; aujourd'hui il est réduit à 15 mètres.<br />
C'est donc 5 kilomètres environ qui ont été rongés entre le grand Rhône et la<br />
pointe de Beauduc, et les mêmes phénomènes s'observent dans le golfe des<br />
Saintes-Maries3 : Il se creuse insensiblement et subit la loi de l'affouillement par<br />
l'aval. Par suite de l'affaiblissement de son débit et de la minime quantité de ses<br />
apports, le promontoire du petit Rhône s'efface de plus en plus ; le reculement<br />
du grau d'Orgon est à peine de 10 mètres par an ; mais il inspire déjà des<br />
inquiétudes sur l'avenir du sémaphore, qui ne se trouve plus qu'à 200 mètres de<br />
la mer.... L'ancienne batterie d'Orgon, établie il y a 200 ans à peine sur le musoir<br />
gauche du fleuve, est engloutie ; c'est aujourd'hui un écueil en mer à une<br />
centaine de mètres de la côte.<br />
En revanche, les saillies s'accentuent ; la pointe de Beauduc s'avance d'une<br />
quantité notable ; cet avancement, qui a été de 30 mètres par an dans la période<br />
de 1760 à 1840, n'est, depuis cette époque que de 17 mètres en moyenne Plus<br />
loin, les mêmes phénomènes se reproduisent, et la pointe de l'Espiguette, qui<br />
1 Ch. LENTHÉRIC, Le Rhône, II, 493.<br />
2 Ch. LENTHÉRIC, Le Rhône, II, 477.<br />
3 Ch. LENTHÉRIC, Les Villes mortes, p. 326 et 329.