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Annibal

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vérifie, accepte ou rejette chaque partie du récit. Fabius, par exemple, n'est pas<br />

un auteur à mépriser : Polybe le consulte souvent pour les événements qu'il a dû<br />

connaître directement ; c'est à lui, en particulier, qu'il emprunte son récit de la<br />

guerre contre les Gaulois cisalpins1 ; mais il juge, après vérification, que Fabius a<br />

mal raconté les préliminaires de la seconde guerre punique, et là il rejette son<br />

opinion.<br />

Il nous a expliqué la conduite qu'il tenait quand il n'arrivait pas à la certitude sur<br />

un point ; il ne reproche rien tant aux autres historiens que d'affirmer ce dont ils<br />

ne sont pas sûrs, et il excuse plus volontiers le silence en cas de doute : Pour<br />

porter sur des historiens un jugement droit et raisonnable, il ne faut pas les<br />

apprécier d'après ce qu'ils ont omis, mais d'après ce qu'ils ont écrit : Si dans ce<br />

qu'ils rapportent il se trouve des choses fausses, on peut croire qu'ils en ont omis<br />

d'autres par ignorance ; si, au contraire, tout ce qu'ils disent est vrai, il faut<br />

conclure en leur faveur que leur silence sur certains faits ne vient pas de leur<br />

ignorance, mais qu'ils ont eu de bonnes raisons pour le garder (V).<br />

Lui-même nous donne un exemple de ces omissions volontaires quand il décrit<br />

les grandes batailles livrées en Grèce.<br />

S’il n'a de renseignements certains que pour une aile de l'armée, il n'entre dans<br />

le détail qu'en ce qui la concerne, et se borne à une indication générale pour le<br />

reste. C'est ce que remarque M. J. Kromayer à propos de Sellasia2 : le récit de<br />

Polybe est singulièrement restreint, et l'on y voit le détail de plus en plus fouillé à<br />

mesure que l'on se rapproche, sur le terrain, de l'endroit où se tenait l'auteur<br />

primitif.<br />

Plus on s'en éloigne, au contraire, et plus on tombe dans les généralités : C'est là<br />

précisément ce que l'historien peut désirer, car ce qu'il perd en détails, il le<br />

gagne en certitude.... Il sait que tout ce qui lui est donné repose sur des<br />

fondements solides. De plus, nous apercevons ici le mode de travail de Polybe. Il<br />

est bien éloigné de vouloir dissimuler la situation de son auteur original : après<br />

s'être assuré qu'il était digne de foi, il suit simplement sa narration et<br />

sauvegarde ainsi pour son propre exposé la fraîcheur de coloris et le caractère<br />

primesautier du récit. Il se garde de toute contamination avec d'autres sources,<br />

par exemple avec Phylarque, qui nous aurait donné de bien plus amples<br />

renseignements sur le camp opposé ; il ne parle de l'ennemi que dans la mesure<br />

nécessaire à l'intelligence de l'ensemble. La situation, au point de vue<br />

documentaire, est ici aussi satisfaisante que possible : un témoin oculaire très<br />

exact et haut placé, a renseigné sur les faits un historien compétent en la<br />

matière, et ce dernier les fixe dans son texte si artistement, que l'exposé primitif<br />

conserve toute sa personnalité. M. Kromayer remarque d'ailleurs, d'une manière<br />

générale (p. 9), que César et Polybe, comme tous les historiens anciens,<br />

dépendent étroitement de leurs originaux pour tout ce qu'ils n'ont pas vu par<br />

eux-mêmes.<br />

Il constate, d'après une élude minutieuse des batailles racontées par Polybe,<br />

combien celui-ci est exact ; il vérifie le bien fondé du jugement très sévère porté<br />

par lui sur Phylarque, et il met à néant les accusations un peu légères de H.<br />

Delbrück.<br />

1 Car P. Orose donne un récit identique en citant Fabius comme son auteur. (IV, 1.)<br />

2 Antike Schlachtfelder in Griechenland. Bausteine zu einer antiken Kriegsgeschichte, von<br />

Johannes KROMAYER. 1. Band. Berlin, Weidmann, 1903, p. 275.

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