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Annibal

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des passages étroits en nombre limité. On a dû suivre les chemins pour cette<br />

raison aussi bien que pour ne pas indisposer les habitants. L'armée n'a formé<br />

qu'une seule colonne : il n'était pas dans les habitudes des anciens de multiplier<br />

les colonnes quand ils ne marchaient pas à travers champs ; le déploiement<br />

aurait été trop difficile en cas d'attaque.<br />

Les étapes, en plaine, ne pouvaient pas être longues car l'armée campait<br />

rassemblée, et probablement retranchée comme les armées romaines. Il en fut<br />

de même dans la montagne, depuis Grenoble jusqu'à Saint-Jean-de-Maurienne ;<br />

au delà, les deux ou trois marches qui restaient à faire purent être allongées par<br />

l'obligation d'échapper à l'ennemi ; il n'y eut point de camp retranché établi pour<br />

toute l’armée ; il fut formé deux ou trois bivouacs distincts1.<br />

On a souvent imaginé qu'<strong>Annibal</strong> avait divisé son armée en plusieurs corps,<br />

suivant des routes différentes, pour la traversée des Alpes. C'était, dit-on, le seul<br />

moyen de nourrir ses troupes. Il est absolument certain, au contraire, que si les<br />

43.000 ou 50.000 hommes avec lesquels <strong>Annibal</strong> a traversé les Alpes avaient été<br />

divisés en deux ou trois corps, il n'en serait pas arrivé un seul en Italie. C'est par<br />

son énorme supériorité numérique que l'armée carthaginoise a pu venir à bout<br />

des Allobroges et des Médulles ; moins nombreuse, elle aurait succombé. Il lui<br />

fallait une infanterie assez abondante pour inonder toutes les hauteurs par où<br />

pouvait être attaquée la colonne à cheval. Un corps de 15.000 hommes, dont<br />

10.000 à 12.000 fantassins, aurait été noyé, étouffé sous le flot des<br />

montagnards. Nous ne croyons pas, du reste, que cette division en plusieurs<br />

corps ait jamais été dans les mœurs ni dans les idées des anciens. Elle ne<br />

convenait pas à leur tactique, c'est-à-dire à leurs armes.<br />

Si l'on veut se rendre compte des fatigues éprouvées par la troupe dans cette<br />

marche interminable, on trouve d'abord 140 kilomètres accomplis le long du<br />

Rhône en dix jours, soit une moyenne de 14 kilomètres par jour. On ne sait pas<br />

combien de temps <strong>Annibal</strong> a mis pour parcourir les 100 kilomètres qui séparent<br />

le Rhône des Alpes : on sait seulement que le dernier jour, il a fait un chemin à<br />

peu près insignifiant. Jusque-là, les repos sont donc assez fréquents pour que la<br />

moyenne des marches reste très faible. Une fois dans tes Alpes, il n'en est plus<br />

de même : la perspective de manquer de tout le dixième jour et de traverser des<br />

populations hostiles, redoutables, contribue a presser la marche. Nous voyons<br />

donc, après un jour de repos à Grenoble, se succéder quatre étapes de 25<br />

kilomètres ; puis vient la grande journée où se produit la seconde bataille, celle<br />

du lendemain qui n'est pas moins pénible, et enfin l’arrivée au col. Il y a là un<br />

effort continu de six journées consécutives qui a constitue à lui seul la grande<br />

cause de fatigue et de démoralisation contre laquelle <strong>Annibal</strong> a dû lutter en<br />

arrivant au col. L'armée devait être en parfait état, malgré le combat contre les<br />

Allobroges, lorsqu'elle quitta Grenoble, Elle arriva épuisée au col. Les travaux de<br />

terrassement exécutés à la descente, sans ravitaillement, achevèrent de<br />

l'épuiser. C'est seulement dans la plaine qu'elle put se remettre.<br />

Dans de pareilles circonstances, c'est surtout au chef que doit aller notre<br />

admiration : les fatigues physiques de cette armée sont de celles qu'une troupe<br />

moderne supporterait sans trop de peine. Or elles provoquèrent vite l'épuisement<br />

physique et moral et la désertion chez les Carthaginois. Il est évident que les<br />

20.000 hommes disparus entre le passage du Rhône et l'arrivée en Italie avaient<br />

1 On remarquera que le mot camper, στρατοπεδεύειν, ne se trouve pas dans le texte<br />

depuis rentrée en montagne jusqu'à l'arrivée au col.

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